Je suis riche de tous mes cahiers, qu’ils se présentent sous les titres de Cahiers du matin, Cahiers de l’âme, Carnets de gratitude, Journaux à bulles.
Il y en a de tous les formats – de celui que je glisse discrètement en promenade dans ma poche ou dans mon échancrure à fleur de coeur à celui qui, déployé comme une corolle, recouvre la moitié de ma table.
Cahiers de moleskine à la couverture noire entourée d’une lanière extensible, cahiers souples Clairefontaine, cahiers fleuris de midinettes qui se ferment avec une petite clé dorée… Pages surlignées, quadrillées, piquetées, ou blanches telle une belle matinée de printemps…
Papier de texture épaisse, voire cartonnée, pour mes plus intimes secrets ou si fine que l’encre de mes mots y transparaît au verso comme si je me regardais dans un lointain miroir…
Quand je feuillette tous ces cahiers remplis, je prends à rebours les chemins de ma vie et je m’aperçois qu’ils sont bien souvent détournés.
Je voyage d’une humeur à l’autre. Mon écriture se fait douce, lente et régulière comme la rivière de mon enfance, puis soudain elle s’accélère, tourne sur elle-même, se perd dans ses méandres et je reconnais à ses saccades et à mes taches d’encre mon halètement, mes trébuchements. Une virgule, un point ont été perdus en cours de route, la syntaxe de la phrase est en suspens, ouverte encore, bien que le paragraphe soit achevé, sur tous les possibles.
Je découvre parfois dans la reliure des miettes égarées de pain ou de gâteau sec ou encore le cercle d’une goutte de thé versée à côté…
A la fin de ma vie sonnera l’heure où je me dirai peut-être que j’ai tout écrit.
Alors, je prendrai un fil quasi infini et je relierai ensemble tous ces cahiers que je ne peux relire dans leur totalité. Ce sera, pour ceux qui voudront découvrir l’inconnue que je fus, l’Anthologie de mon Âme.
Géraldine Andrée