La biographie est un chemin de métamorphose
Après avoir écrit votre autobiographie, vous n’êtes plus le même. Vous êtes allé au-delà de vous. Vous avez franchi le pont qui vous fait quitter la rive de votre ancien Moi pour vous mener à la rive de votre nouveau Moi. Voici les cinq raisons qui montrent cette évolution de l’âme à laquelle j’ai pu assister après un parcours d’écriture.
- Vous avez déposé votre passé sur la page.
Celui-ci ne vous habite plus, voire ne vous hante plus. Vous êtes délivré du poids des regrets, du fardeau des remords, du faix de la culpabilité, du joug des sempiternels et contradictoires « Et si ».
« Et si j’avais été là ? Et si je n’avais pas été là ? Et si je m’étais tu ? Et si j’avais parlé ? »
Votre vie telle qu’elle s’est déroulée est déposée, confiée à la grandeur de la page. Enfin, elle est écrite. Il n’y a plus à y revenir. Vous pouvez voir l’avenir libéré des nuages psychiques qui obscurcissaient votre vision.
« Maintenant que nous avons fini d’écrire sur l’épisode de mon adolescence, je vois clair sur les relations que j’entretenais avec ma mère ! Comment, par son amour possessif, elle créait une dette envers moi ! Je me sens encore tellement débitrice… » - Vous avez pris du recul par rapport à ce que vous avez vécu.
Vous voyez donc désormais les faits en toute objectivité. Tout ce qui vous a affecté, ému, tout ce qui vous a pris de l’énergie est désormais métabolisé, c’est-à-dire intégré et accepté par votre psyché. En écrivant votre vie, vous l’avez guérie. De vos blessures ainsi refermées par le baume des mots, il reste la trace ultime, la cicatrice, celle de l’écriture qui montre combien vous avez été résilient. J’aime comparer le Moi du narrateur, une fois le livre de sa vie achevé, à un guerrier couvert de ces cicatrices qui témoignent de la victoire de ses combats.
« Je suis fière de léguer ce récit à ma fille. Rien que cela, c’est une réussite ! La dépression n’aura pas eu le dernier mot » m’a dit un jour cette narratrice qui m’avait confié le traumatisme de son accouchement, suivi d’un baby blues. - Vous avez créé par le livre votre propre espace.
Chaque confidence est la preuve de ces moments d’intimité passés avec vous-même et dont le biographe est le messager. Dans ce livre, vous avez redéfini vos frontières, c’est-à-dire que, par les choix narratifs que vous avez opérés, vous avez laissé de côté ce qui ne vous appartient pas (les mauvais patterns, les préjugés, les conditionnements) pour vous réapproprier ce qui vous appartient vraiment (vos valeurs, vos ressources, vos trésors intérieurs). Désormais, ce livre, à l’image de votre vie, est à vous. Vous découvrez l’immense liberté qui s’offre à vos rêves, désirs et projets : écrire une suite à ce que vous avez vécu et qui sera votre propre histoire – et non plus celle que les autres avaient écrite pour vous.
« C’est le récit de ma vie dans cette maison. Maintenant, je vais profiter du fait qu’il soit achevé pour en réaménager les pièces et en changer la décoration » m’a témoigné Marie-Claire. Or, on le sait, le réaménagement de sa maison intérieure symbolise le renouveau de sa construction psychique. - De ce fait, vous réalisez que votre vie est importante.
Oui, votre vie est signifiante, parce que tout ce que vous avez traversé n’est pas anodin, que tout ce qui vous semblait incohérent a désormais un sens. Il n’y a pas de peines, de joies, de rêves plus importants que d’autres. Nous vivons toujours ce que nous sommes en mesure d’expérimenter. Chacune de nos épreuves – déclinées ensuite dans les épreuves d’une œuvre – revêt un sens, autant en signification qu’en direction. L’encre a permis de dévider le fil de votre mission, de votre raison d’être en ce monde. Vous vous apercevez que les événements ont constitué la trame qui vous mène à celui que vous êtes aujourd’hui. Chaque souvenir, chaque ressenti, chaque émotion en constituent les mailles qui forment un ensemble harmonieux. Écrire votre histoire vous permet d’y voir plus clair sur l’accomplissement de « votre légende personnelle » 1.
« Je suis devenu l’architecte de ma propre destinée » m’a affirmé un jour un narrateur, après m’avoir raconté les différentes étapes de sa formation professionnelle. - Alors, un certain miracle s’accomplit : celui de la révélation de soi.
Page après page, nous avons ôté les oripeaux qui vous cachaient la vérité : la vôtre, une vérité ontologique, indiscutable, propre à votre présence sur cette terre. L’écriture possède la particularité d’ôter les pelures qui nous empêchent d’accéder à notre vrai Moi. Maintenant, il est là, dans ce livre unique, inimitable, car de même qu’aucune vie ne se ressemble, il n’y a pas deux individus comme vous. Le déroulement de votre vie qu’a mis en évidence la trajectoire de ma plume met désormais en valeur votre authenticité. Je me souviens quand Odette s’est exclamée :
« C’est donc moi, ce livre ! »
Elle n’a pas dit :
« Ce livre est à moi. »
Non, elle a dit :
« Ce livre est moi. »
Elle et l’œuvre étaient confondues, preuves d’une réalisation complète de soi.
On me demande souvent :
« Pourquoi écrire sa biographie ?
À cela, je répondrais :
« Quelle est notre raison d’être, en ce monde ?
Être ! N’en doutez pas une seconde ! »
Telle est, à mon sens, la destination suprême de l’écriture : nous mener à la conscience de notre présence, ici et ailleurs, sur le papier et donc, dans votre cœur.
J’aime résumer un parcours biographique entre vous et moi par ce poème :
Pour accomplir
l’œuvre
de votre vie
aller
de votre cœur
au papier
jusqu’au
cœur
du papier
Que chaque
mot
amené
par le sang
de l’encre
fasse
battre
pour toute
votre vie
ce cœur
de papier
enfin
à l’œuvre
Géraldine Andrée
1 Paulo Coehlo, L’Alchimiste, Le Livre de poche, 1988
