Combien de pages pour ma biographie ?

La question que l’on me pose souvent lorsqu’une biographie est entreprise est celle-ci :
-Combien de pages y aura-t-il ?

On ne peut pas savoir combien de pages votre biographie contiendra et ce, pour plusieurs raisons :

  • La mémoire intervient comme processus de l’inconscient dans l’écriture d’une vie. Et nul ne sait – même pas vous – quels paysages du passé elle va traverser et quels méandres elle va vous faire suivre.
  • Le rythme du récit – et par conséquent le nombre de pages – varie selon les séances. Lors de certaines séances, votre mémoire vous offrira beaucoup de détails. Vous aurez besoin de décrire précisément certaines scènes décisives de votre existence. De même, vous pourrez éprouver la nécessité de comprendre ce qui vous a amené(e) à vivre telle ou telle épreuve. Questions, hypothèses interviendront dans le texte. L’évocation des facteurs extérieurs et de l’environnement s’avèrera indispensable pour mieux comprendre vos états d’âme ou motivations du moment. Ainsi, un nombre certain de pages découlera de notre séance.
  • Mais il y aura des étapes dans la biographie où l’ellipse narrative et le sommaire s’imposeront d’eux-mêmes. Vous ressentirez comme une évidence le fait de ne pas tout dire et de ne pas tout écrire, pour préserver une certaine confidentialité, par égard pour vos proches ou bien parce que vous avez définitivement cerné cette période de votre vie et que, par conséquent, il n’est pas utile de s’y appesantir. Un simple résumé – même d’une longue période – peut suffire et vous aider à aborder une autre étape plus intéressante de votre parcours d’écriture.
  • Enfin, un passage peut être intense par sa concision, par la force de ce qu’il suggère, par la puissance d’un seul détail. Dans le récit autobiographique La Place, Annie Ernaux ne décrit pas en une cinquantaine de pages la scène cruciale de la mort de son père, à l’origine de l’écriture introspective et sociologique. Par l’évocation en quelques lignes des marbrures du torse nu que la narratrice découvre lorsqu’elle entre dans la chambre du défunt, tout est dit. Le caractère poignant de la scène est concentré en une seule notation descriptive. Nul besoin de plus. En outre, des phrases brèves, nominales, sans excès d’adjectifs ou d’adverbes, n’affaiblissent en rien votre récit de vie. Mieux : elles en accroissent la portée par l’impression qu’elles laissent au lecteur, dans les silences entre les mots.

On reconnaît la qualité d’une biographie non par le nombre de pages qu’elle contient, mais par la trace qu’elle laissera en vous et dans la mémoire de votre entourage. C’est pour cette raison qu’un client paie toujours à la séance et non pour un nombre relatif et inconnu de pages.

Géraldine Andrée

L’Encre au fil des jours, votre écrivain biographe Nègres pour Inconnus