Le deuil est l’expérience suprême du détachement.
Même si beaucoup d’actions demeurent en suspens,
il n’y a plus rien à faire.
Même si des mots ont été retenus, des paroles interrompues,
il n’y a plus rien à dire.
Quoi qu’on fasse, la vie est à jamais écrite.
Il n’y a donc plus rien à désirer.
D’une certaine manière, cette tristesse procure la paix.
Remords et regrets peuvent durer des années, ils n’en seront pas moins inutiles
car ils ne feront pas revenir à soi les présents perdus.
On peut écrire de longues lettres à l’être disparu.
Seul notre coeur en connaîtra le contenu.
On peut faire sonner le téléphone dans la maison de jadis.
C’est le silence qui répond
ou une petite voix à l’intérieur de nous qui nous dit :
Tu sais tout ce qu’il faut savoir !
Il n’y aura pas de nouvelles ce soir, ni demain, ni plus tard.
Tout a été déposé dans ta mémoire.
Il semblerait, bien sûr,
qu’à la manière avec laquelle une flamme de bougie tremble
le défunt nous entende…
N’a-t-il pas spécialement placé pour notre regard
cet iris bleu au centre de l’or ?
Ne serait-ce pas son oeil, en cette lueur, qui nous contemple ?
C’est possible.
Une telle éventualité aide à vivre.
Alors, on place sa conscience
dans la caresse d’une brise, le frôlement d’un oiseau, l’éclat d’un flocon
pour retrouver celui qui s’en est allé.
Il n’y a, certes, plus rien à changer dans l’existence qui suit son cours.
Mais une chose importante nous métamorphose :
on est plus vigilant, dans notre quête de l’absent,
à l’instant présent.
Dès lors, on quitte la rive trop connue.
Et de brasse en brasse, dans l’océan de la solitude,
on se dirige vers la rive qui nous fait face.
Quand le courant se fait trop fort, on épouse le caprice de la vague.
On embrasse la violence du manque
et lentement l’on se rapproche
d’une terre où de nouvelles lueurs espèrent l’attention de notre regard.
Bientôt, on y posera le pas.
Et on ne le regrettera pas.
Pour celui qui demeure,
le deuil est l’expérience suprême du départ
vers une vie autre
où tout reste à écrire
pour qu’il existe une suite
aux phrases interrompues
qui rendra enfin possible
une myriade de lendemains.
Géraldine Andrée