Pour voyager cet été,
le ciel du papier
que traverse une plume
peut suffire…
Géraldine Andrée
Pour voyager cet été,
le ciel du papier
que traverse une plume
peut suffire…
Géraldine Andrée
Je détestais mes livres de mathématiques, d’histoire-géographie, de sciences physiques.
Mais j’adorais d’autres livres, des romans.
Je me souviens d’avoir lu tous les livres de la Bibliothèque verte que j’empruntais sous la lumière jaune pâle de la bibliothèque municipale. Je rentrais le soir avec un livre dont les pages un peu rousses fleuraient bon la vieille encre d’imprimerie.
Le lendemain, malgré le froid et le temps qui tournait à la pluie, à l’écart de la cour de récréation, je m’asseyais sur une marche en béton et je commençais mon livre avec délectation. Mon héros ou mon héroïne me faisait signe et je partais en voyage dans une autre vie.
Les cris de la cour parvenaient à mes oreilles comme d’une rive lointaine. On ne me regardait plus. Enfin, j’étais absente.
Je ne supportais pas mes camarades de classe. Je les trouvais méchantes et arrogantes. Et elles me jugeaient étrange, voire « anormale ». Mais je m’étais fait d’autres amis dont je comprenais les sentiments et les aventures, dont les épreuves se mêlaient aux miennes. C’étaient souvent des enfants mal aimés. Et il me semblait qu’eux aussi savaient qui j’étais. Au détour d’une ligne, on se rencontrait, on se reconnaissait. Chaque page devenait un carrefour où le destin organisait nos rencontres d’âme.
Plus personne ne me faisait la morale ou ne prétendait avoir raison. Et des orphelins comme Rémi, Cosette, Heidi devenaient ma famille. Tous nous étions en chemin.
Dans ces romans, je me sentais vivante.
Je me souviens avoir acquis bien plus de connaissances lors de ces récréations consacrées à la lecture que dans les livres de mathématiques, d’histoire-géographie, de sciences physiques.
Je faisais l’expérience de ma vérité à travers le regard d’un enfant de papier.
Géraldine Andrée
Extrait de mon récit de vie
La Dernière
Écrire de la poésie, c’est découvrir l’amour inconditionnel.
Un mot est là, qui nous déplaît. On voudrait le changer, le remplacer par un synonyme plus éclatant, moins banal car ce mot nous paraît trop simple.
Mais c’est ainsi : même si on le barre, il revient car la nouvelle version du poème est moins émouvante que l’ancienne.
Le poème ne veut pas se laisser corriger pour satisfaire notre ego.
On ne peut retoucher certains traits d’un portrait sans en effacer définitivement le naturel.
Le poème est un visage qui nous regarde tels que nous sommes et qui nous dit:
Regardez-moi ! Regardez ce que je suis pour vous !
Regardez qui vous êtes à travers moi !
Géraldine Andrée
Écrire
Quitter la rive
des habitudes des pensées trop connues des sentiments maintes fois éprouvés
Se laisser porter
par le blanc devant soi
Lâcher prise
en dédiant son âme au courant
Cesser d’avoir raison
pour découvrir sa raison d’être
Offrir son souffle
à la feuille devenue immense
Apprivoiser la force océane
d’un seul mot
Embrasser l’infini
une fois la marge franchie
et approcher
instant après instant
des feux
qui brillent là-bas
des étoiles
qui attendent le regard
Faire l’expérience
du silence
qui crépite
tout au bord
de l’autre rive
Géraldine Andrée
Hélas !
La fontaine est sèche,
depuis le temps
que le jardin est fermé !
Elle n’est plus
que pierres empilées
sous lesquelles
grouillent
des fourmis
rouges
qui transportent
des brindilles !
La prière
de mon cœur
n’a pas la force
nécessaire
pour faire jaillir
son eau
dans la lumière.
Alors, avec mon crayon,
je trace
d’un trait
le contour
de sa vasque
et en guise
de jet,
je compose
un svelte
poème
qui tombe
dans le cercle
puis s’élance
vers le ciel
blanc
du papier.
Voilà.
J’ai ressuscité
dans le plus grand
silence
le chant
de la fontaine
oubliée.
Géraldine Andrée
Dans l’étincelle
d’un point,
perle
le mot
de la phrase
suivante.
Géraldine Andrée
Lorsque tu écris,
tu retrouves
le fil de la vie
autour de la quenouille
du temps
et c’est ainsi
qu’en le dévidant
doucement,
avec toute
ta patience,
tu dessines
le sentier
qui te ramène
au sourire
ultime,
tu rallumes
le feu
des fleurs
dans la chambre
des amants,
tu relances
le cœur
des belles heures
au rythme
d’or
d’un poème
– cette horloge
éternelle -,
tu ranimes
le soleil
dans la profonde
peine
pour qu’une aurore
nouvelle
revienne.
Lorsque tu écris,
tu redonnes
des joues
rouges
à l’ancienne
enfant
ensevelie
dans l’oubli
des jours.
Une goutte
d’encre
est l’équivalent
d’un baiser
déposé
sur une feuille
que soulève
ton souffle.
Et ton âme
se réveille
à l’écoute
de son propre
conte.
Lorsque tu écris,
tu ravives
les mots dormants.
Géraldine Andrée
Ne t’acharne pas
à trouver un sens
aux pointillés d’or
que le jour laisse
entre les branches…
Voyage
simplement
avec eux
comme sur une phrase
dans une autre langue…
Géraldine Andrée
Toute petite, j’assistais à tes séances de bricolage. Je me souviens comme tu soudais. De crépitantes lueurs jaillissaient de tes doigts. Tu viens du pays des forges, des flammes qui se lèvent haut. J’appartiens, moi aussi, par ton sang, à ce pays de suie et de feu, à cette succession de villages et de villes qui se terminent par -Ange (Algrange, Volmerange, Gandrange, Hayange), à ces paysages constellés d’étoiles noires, tombées sur les toits et les chemins. Maintenant, tu es feu. Mais lorsque je traverse cette région en voiture ou en train et que je vois le soleil briller sur l’acier rouillé, il me semble que ta main invisible soude dans une myriade d’étincelles mes jours reliés à toi depuis le ciel.
Géraldine Andrée