Écrire en enfance 4 : Laisse-toi porter par le flow de l’encre

On a été habitué, très tôt, à l’école à contrôler son écriture et à en respecter les codes :

  • faire une belle graphie ;
  • respecter l’orthographe (étymologiquement, l’écriture droite) ;
  • lever la plume régulièrement pour se relire ;
  • arrêter le flux de ses idées et se demander : est-ce la bonne formulation ? L’autre va-t-il me comprendre ?
  • être attentif à la syntaxe.

Tout cela pour rendre « un écrit propre ou, du moins, acceptable » – comme si ce n’était jamais satisfaisant, suffisant…

Dans le domaine administratif et juridique, la trace écrite est déterminante. Le proverbe dit :

« Les paroles s’envolent ; les écrits restent. »

L’écriture peut te condamner comme elle peut te sauver. Telle qu’elle est conçue, elle t’enferme dans une image – voire fige ta vie.

Tu l’auras compris, on t’a souvent montré que, dans l’écriture, tu ne pouvais être véritablement toi-même car celle-ci est avant tout un acte social.

Dans les entreprises, le profil psychologique d’un chercheur d’emploi est souvent testé par son écriture.

Celle-ci devient donc sujette à étiquettes, à préjugés. Si autant de gens ont peur d’écrire, c’est parce qu’ils ont souffert de ce formatage qui peut, chez certains, provoquer une véritable phobie ou troubles du langage comme la dyslexie.

Pourtant, maintes études ont prouvé les bienfaits thérapeutiques de l’écriture. Tout comme le dessin, elle est de plus en plus pratiquée dans le cabinet des psychologues et une branche est apparue dans la sphère de l’art-thérapie : l’écritothérapie.

Et si l’écriture, au lieu d’être facteur d’angoisse, était processus de résilience ?
Et si elle devenait flow – flow de vie, de liberté ?
Et si elle te permettait de lever certains interdits qui t’éloignaient de ton droit de naissance – à savoir exister ?

Je compare souvent l’écriture à la rivière de mon enfance, sautillante, miroitante, chantante, imprévisible et franchissant allègrement les pierres, emportée par sa propre lumière, pour s’apaiser ensuite à fleur de terre, là où ma barque repose.

Pour que l’écriture soit flow, elle doit être ininterrompue.

Il existe une pratique thérapeutique pour cela : écrire pendant une durée déterminée sans lever le stylo.

  • Réserve-toi pour cela un certain laps de temps. Programme ton réveil ou ton portable.
  • Allume un bâton d’encens. Ce parfum spirituel t’aidera à lâcher prise.
  • Mets une musique sans parole et assez envoûtante : des extraits de Cds orientaux, des morceaux de compositeurs comme Vangelis, Tim Wheater, Michael Hoppé, Philip Glass, Max Richter…
  • Prévois suffisamment de papier et d’encre pour ne pas être freiné par un problème technique.

Et écris tout ce qui te passe par la tête, tout ce qui te vient à l’esprit, absolument tout ce qui te hante, t’obsède, te tenaille le cœur, tel que l’enseigne la technique des Pages du matin de Julia Cameron, dans son livre Libérez votre créativité.

Si tu as du mal à te laisser aller, privilégie l’écriture à partir de l‘ici et maintenant :

  • Comment es-tu assis : sur une chaise ou dans un fauteuil ?
  • Quelle heure est-il ? Où es-tu ? Tu peux évoquer la couleur du jour derrière les rideaux de ton salon.
  • Entends-tu des bruits en arrière-plan (voix des voisins, robinet qui s’égoutte, bruit d’une voiture qui passe) ?
  • Comment te sens-tu ? Prête davantage attention à tes sensations physiques qu’à ton état moral : faim, soif, fourmillements ou au contraire satiété, chaleur…

Tu l’auras compris, c’est à partir de tes sensations corporelles que tu pourras quitter ton parasitage mental.

Évite, pour ce genre d’exercice, d’évoquer de vieux traumatismes non résolus qui te crisperaient sur ta douleur.
Je te conseille de privilégier des thèmes d’écriture agréables : la contemplation du ciel étoilé de tes dernières vacances, une nuit d’amour, un bain de mer, une danse…

Ne t’arrête pas d’écrire pour « chercher à faire beau », pour corriger tes « erreurs », tes lapsus (ceux-ci ont non seulement leur raison d’être, mais ils sont très intéressants par leurs révélations sur toi-même), ou pour créer un quelconque effet stylistique, redresser une phrase bancale.

Écris, c’est tout. Seul l’acte d’écrire compte, le mouvement de la main, le crépitement du papier comme un chemin sur lequel tu poses tes pas, le reflet de l’encre.

Et alors, si tu suis ce flow tranquille et confiant de l’écriture, tout ton corps se détendra, tes muscles se relâcheront, tu te sentiras bercé par ce courant qui remonte du plus profond en toi-même et tu atteindras la sécurité de ton enfant intérieur qui se substituera à ton Je adulte pour te raconter ses histoires dans les rêves qu’il fait pour toi.

Mais c’est le thème du prochain billet.

Géraldine Andrée

@L’Encre au fil des jours

Photo de Pixabay