Le chemin de la biographie

Il est humain d’être pressé de voir le résultat de sa biographie, c’est-à-dire son ultime accomplissement qu’est le livre relié.

Cependant, je dois vous dire que le temps est un paramètre incontournable dans la réalisation d’une biographie.

  • Il s’agit d’abord du temps psychique. Comme vous le savez, l’inconscient – ou l’âme, si vous préférez – possède son propre temps, indépendamment du temps social. Et tenir compte de cette temporalité psychique est nécessaire pour faire advenir la mémoire à l’écriture, faire remonter les sensations et les émotions d’un lointain passé jusqu’à la lumière du présent. D’ailleurs, généralement, ce ne sont pas les souvenirs immédiats qui ont toute leur importance mais bien les souvenirs cachés, qu’il faut patiemment extirper des différentes strates de la mémoire. Et l’on ne peut pas faire l’économie de cette patience.
  • Il s’agit ensuite du temps littéraire. Heures passées à la relecture, aux modifications… La biographie est une lente germination des mots. Il n’est pas pertinent de considérer le livre comme achevé dès la réception de la dernière page d’écriture. En effet, je laisse souvent un intervalle d’un mois à mes clients entre l’ultime page et la relecture du manuscrit afin que ceux-ci acquièrent la distance nécessaire qui leur permettra d’être certains de l’emploi de tel mot, de l’organisation de tel chapitre, de l’exactitude de telle description… Il arrive qu’avec le détachement, la chronologie d’un événement soit reconsidérée. Pourquoi ? Parce que la mémoire est mouvante comme l’eau et que l’écriture doit s’adapter à cette perpétuelle transformation des souvenirs qui montrent que le travail psychologique influence le travail stylistique.
  • Il s’agit aussi du temps émotionnel. La régularité des rendez-vous avec le biographe est un jalon dans la longue traversée qu’est l’écriture. Cette régularité dans les rencontres vous permet de vous sentir en sécurité. En effet, écrire ou faire écrire sa vie, c’est comme se dénuder, c’est montrer un être fragile, une fois que celui-ci s’est dépouillé de ses scories. Comme dans toute traversée, on peut affronter des tempêtes. D’intenses sentiments peuvent vous soulever, telle une puissante lame de fond. Il importe alors de s’apaiser entre les séances d’écriture, de prendre soin de l’enfant intérieur qui se met souvent à parler lorsqu’on remonte dans son passé. Il serait dommage de négliger encore une fois cet enfant qui a besoin de la disponibilité de votre Moi adulte pour être entendu, écouté. Un livre n’arrive à maturation que si toutes les parties de Soi ont été respectées.
  • Enfin, il s’agit du temps naturel, c’est-à-dire le cycle de la nature, des saisons. Vous verrez que si vous laissez l’écriture suivre son cours, vous ferez un voyage à travers le paysage des mots. Plus tard, lorsque vous relirez votre livre, vous saurez à quelle saison correspond tel chapitre : « Mais bien sûr ! Quand j’ai parlé de Maman, on était au printemps. Les graminées voletaient par la fenêtre ouverte ! Et quand on a évoqué Papa, c’était l’automne. J’avais acheté des bottes neuves pour marcher sur les feuilles mouillées… » Ne vous privez donc pas des trésors que recèle cette patience. Profitez-en même pour tenir un journal de votre biographie et pour noter les sensations, sentiments et souvenirs qui vous reviennent pendant votre projet, en y associant le jour, le mois, la couleur de la saison de votre présent – celui-ci constituera, plus tard, une inestimable mémoire dans vos mémoires.

Et c’est ainsi que le chemin de votre biographie se fera lui-même biographie !

Géraldine Andrée

Votre écrivain privé-biographe familiale