Il est des mots qui détruisent, tuent, saccagent mais il est aussi des mots qui enveloppent, bercent et guérissent l’âme.
Ruth Fishel, auteure de livres inspirants, témoigne qu’elle a guéri d’une dépression grâce au mot aimant Joie.1
Chacun connaît le pouvoir des mots dans une thérapie, combien ceux-ci peuvent permettre à l’inconscient d’ouvrir une porte libératrice pour le Moi.
Jacques de Coulon prône également la puissance thérapeutique, voire salvatrice, de la poésie sur le corps et l’esprit. 2
Certains prisonniers des camps ont résisté en se récitant jour après jour, heure après heure, instant après instant des poèmes qu’ils avaient appris par coeur avant leur déportation. D’autres cousaient des papiers sur lesquels ils avaient recopié des poèmes à l’envers de leur camisole rayée. La poésie au contact de leur peau les protégeait du froid et leur donnait la force énergétique nécessaire pour continuer à vivre en démystifiant la peur engendrée par les paroles de leurs bourreaux.
Je me souviens d’un soir d’hiver glacial où les bus avaient cessé de circuler à cause d’une grève impromptue. J’ai dû traverser la ville dans une bise mordante qui annonçait la neige. Les rues étaient noires. J’ai scandé alors ma marche avec les vers de Sensation d’Arthur Rimbaud :
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds,
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme. 3
Aujourd’hui, j’en suis persuadée, le picotement des blés, la fraîcheur de l’herbe, le bain du vent, le bleu bienfaisant d’un crépuscule de juillet ou d’août m’ont protégée des morsures de janvier, de l’inconnu de la nuit urbaine en avivant ma volonté de marcher malgré ma fatigue. J’ai pu rentrer ainsi dans mon appartement douillet saine et sauve.
Prenez un mot qui vous est doux – qu’il soit Lumière, Mer, Bonheur, Vérité, Amour
ou prenez même une phrase – Je suis la rose étale
ou encore un vers – « Sois sage, Ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille ! ». 4
Entrez dans ces mots choisis comme dans votre maison. Lovez-vous en eux comme en un édredon. Écoutez leur coeur vibrer au coeur de votre coeur. Prononcez-les uniquement pour vous-même ; faites-en une source de chaleur ; imaginez que vous en éclairez votre chambre. Vous êtes ces mots. Vous les incarnez avec votre voix et votre être.
Ils seront vos mantras dans les temps difficiles et feront advenir pour vous ce qui est possible dans l’Univers – c’est-à-dire Tout.
Géraldine Andrée
1 Ruth Fishel, S’aimer un jour à la fois, édition Modus Vivendi
2 Jacques de coulon, Exercices pratiques de poésie-thérapie pour retrouver son calme, récupérer de l’énergie, libérer sa créativité
3 Arthur Rimbaud, Les Cahiers de Douai, Poésie Gallimard
4 Charles Baudelaire, Recueillement in Les Fleurs du mal, Poésie Gallimard
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