Publié dans Poésie, Un cahier blanc pour mon deuil

Une bouchée

Une bouchée pour les étoiles ces aiguilles renversées sur le tapis du ciel
Une bouchée pour le tissu de la nuit
Une bouchée pour l’ultime fleur de la saison accrochée à tes mèches
Une bouchée pour le souvenir des algues que tu cueillais à fleur de vague
Une bouchée pour le miroir de ta jeunesse
Une bouchée pour la lumière du jardin par la fenêtre de ma mémoire ouverte sur ton regard
Une bouchée pour ce fil invisible que tu tiens encore entre tes doigts au repos
Une bouchée pour ton dé en argent qui luit quelque part dans l’ombre d’une armoire
Une bouchée pour la mie de tous les gâteaux d’enfance qui ont doré dans ton four
Une bouchée pour l’encre qui t’est consacrée ce jour

Que chacun de mes mots
soit la bouchée
qui te donne l’envie
de revenir
juste
pour l’instant
où je les écris
à la vie

Géraldine Andrée

Publié dans Art-thérapie, Au fil de ma vie, écritothérapie, Histoire d'écriture, L'alphabet de l'herbe, Le journal des confins, Le poème est une femme, Méditations pour un rêve, Poésie, Poésie-thérapie, Récit de Vie, Un cahier blanc pour mon deuil

Je me détache comme une feuille

Publié dans Journal de la lumière, Poésie, Poésie-thérapie

La cause première

Comment as-tu pu passer si longtemps devant le reflet de ton visage dans le miroir sans te voir ?
Comment as-tu pu vivre dans ta peau, en compagnie de tes pensées, de tes sentiments sans te connaître, sans t’habiter ?
Comment as-tu pu être Toi sans le savoir ?
Avec tes yeux, voyage dans le pays du regard de l’Autre !
Avec tes reins, abandonne-toi, le temps d’un rêve, à ta musique secrète !
Avec tes hanches, danse sur la mesure de ton propre poème !
Avec tes jambes, chaloupe comme la vague jusqu’à ton infinie découverte !
Avec tes chevilles, marche vers la prochaine étoile ! Parcours ces mers et ces continents qui t’appartiennent !
Avec tes bras, délie l’écharpe de ta joie et laisse-la flotter dans la lumière en guise de reconnaissance !
Avec tout ton corps, déploie ta liberté !
Fais tinter tes talons sur ta route !
Que ton rire te précède !
Que la force de ta grâce t’entoure comme si tu avais vécu avant ce monde, comme si tu t’étais éveillée à l’aube où toutes les paupières sont encore closes !
Souviens-toi : une cellule t’a permise d’être celle que tu es devenue sans que tu en aies conscience, sans que tu le désires et sans même que tu formules ce désir, dans le silence des origines !
Un noyau étincelant t’attendait comme le cœur d’un astre destiné à naître, dans l’obscure raison de l’Univers !
Alors que tes lèvres n’existaient pas, un souffle t’a fait signe !
Songe à ce miracle quand il te semble que tu es étrangère à cette société dépouillée de sens !
Songe que tu es ta demeure quand ton âme éprouve l’exil !
Songe que si tu es là, c’est qu’une seule cause t’a fait naître !
Une cause première qui te rend pleinement responsable de la manière avec laquelle tu t’acceptes telle que tu es,
incomplète peut-être,
et cependant entière, parfaite :
Être.

Géraldine Andrée
©Jusqu’au noyau
Poèmes inédits,
à paraître

Publié dans Histoire d'écriture, L'espace de l'écriture

L’écriture ou la traversée de la glace

On se sent très seul quand on écrit.
On n’est jamais certain qu’il y aura, un jour, quelqu’un au bout de la page…
On est le seul pèlerin dans ce voyage.

Écrire, c’est comme traverser une mer de glace.
Aucune main ne saisira la nôtre pour nous aider à atteindre l’autre côté, d’ailleurs invisible,
noyé dans le blanc infini.
On ne peut poser ses pas dans l’empreinte des pas qui nous précèdent.
On est l’auteur exclusif de la trace qu’on laisse pour soi.

Et pourtant, on a un fil à suivre, celui de l’encre sur lequel les mots perlent.
On évolue ainsi doucement dans l’inconnu, en faisant uniquement confiance à la marque de notre passage qui s’annonce.
Et si l’on cède à la tentation de crier tout ce que l’on a retenu jusqu’à présent, toute cette impuissance qui ne demande qu’à éclater comme un météore dans sa fuite, on se mettra à l’écoute de sa voix dont le vent se fera l’écho jusqu’à l’autre rive.
On touchera la certitude de cette vérité qui s’inscrit en nous et qui ne demande qu’à s’énoncer encore.

Au fur et à mesure de notre progression au milieu du ciel que reflète le silence, les mots battront, telles des lueurs ardentes, tandis que la plume saisira fermement notre main pour que l’on glisse toujours plus loin vers ce point scintillant, là-bas…

C’est ainsi quand l’on traverse la page de glace :
elle est tout l’espace
où notre lumière avance.

Géraldine Andrée

Publié dans Au fil de ma vie, écritothérapie, Créavie, Histoire d'écriture, L'espace de l'écriture, Le temps de l'écriture

L’instant de l’écriture