Publié dans Actualité, écritothérapie

Le lait bleu

À l’heure où les messages pour la Fête des Mères débordent sur les réseaux sociaux, je tiens, ce soir, à m’adresser dans ce post à tous ceux qui se sentent délaissés par cette fête parce qu’ils sont délaissés par leur mère et ce, pour différents raisons :

-À tous les enfants nés sous X qui méconnaissent le nom de leur mère

-À tous les enfants écartés de leur mère pour cause de maltraitance

-À tous les enfants incompris, abandonnés physiquement et/ou psychiquement par leur mère

-À tous les enfants qui n’ont pas eu « une mère suffisamment bonne » selon l’expression du pédiatre Winnicott

-À tous les orphelins

-À tous les enfants dont la mère est malade, placée

-À tous les enfants qui ne reconnaissent plus leur mère partie très loin d’eux, pour le pays d’Alzheimer

Le savez-vous ? Nous intériorisons tous, quelle que soit notre enfance, une mère idéale pour soi.

Aussi, créez-vous votre propre Fête des Mères en vous désignant une mère parmi les personnes, stars qui vous inspirent. Notez son prénom sur un cahier et adressez-lui une lettre de gratitude dans laquelle vous décrivez comment et pourquoi cette personne est une mère spirituelle pour vous.

Et soyez aussi votre propre mère. Nourrissez l’enfant intérieur qui est en vous au lait bleu.

Qu’est-ce que le lait bleu ?

Le lait bleu est ce qui nourrit votre âme.

Il y a le lait bleu de l’encre

le lait bleu de la gouache

le lait bleu d’un poème

le lait bleu d’un ciel d’été sur un tableau

le lait bleu de la musique

le lait bleu des prochaines vacances

le lait bleu de votre propre joie à exister

le lait bleu de votre pouvoir personnel à enfanter et à allaiter – un enfant, un rêve, un projet…

Quel est votre lait ? Qu’est-ce qui vous fortifie ?

En vous le donnant, vous vous placerez en toute confiance sur le sein de la Vie.

@L’Encre au fil des jours

Géraldine Andrée

Publié dans Art-thérapie, Poésie-thérapie, Histoire d'écriture, écritothérapie

La plume retombée

La plume
traverse la page.
Elle vole comme un oiseau à fleur de terre,
effleurant si légèrement le papier.
Puis, dans l’espace au-delà du point final, elle retombe.
Elle ne fait désormais plus partie du ciel.
Il ne reste que le souvenir de la vie qu’elle a déposé là,
entre deux feuilles,
c’est-à-dire un nid de mots tressés,
destiné à un autre oiseau de passage
– ton regard,
peut-être,
qui sait ? – …

Géraldine Andrée

Publié dans écritothérapie, Dialogue avec ma page, Histoire d'écriture, Journal de la lumière, Journal de ma résilience, Récit de Vie

Viens, mon ombre, je t’invite à boire un cappucino !

Viens, mon ombre, je t’invite à boire un cappucino chez moi. Il fait beau dans mon salon. 
Assieds-toi juste en face de moi, au soleil.
Qu’as-tu à me dire ? Quels silences ? Quels interdits ? Quels non-dits ?
Confie-moi ce qui te hante.
Raconte-moi ce que tu n’as pu évoquer au bon moment.
Les regrets de l’inaccompli.
Les remords de l’inachevé.
L’inéluctable sentiment qu’il est à jamais trop tard.
Je vais tout noter sur ce cahier blanc.
Cette transparente matinée de printemps est idéale pour les confidences. 
Je sais, mon ombre, que toi et moi, nous avons longtemps été ennemies.
Je voulais te laisser sur le seuil et fermer la porte, te laisser pleurer à l’infini, sans te secourir.
Mais aujourd’hui, je souhaite me racheter. Et si nous nous réconcilions ?
Je peux éclairer avec mes yeux toutes tes angoisses, t’apporter mon regard, t’apaiser avec mon souffle.
Ta présence fidèle malgré mes rejets répétés m’a beaucoup appris sur moi-même.
Aujourd’hui, je suis devenue beaucoup plus tolérante et j’accepte que tu me révèles toutes ces parts cachées de moi-même, que tu me désignes ce qui doit être percé à jour et exploré – quels abcès, quelles blessures, quels cauchemars.
Invite-moi, à ton tour, à entrer dans ma douleur en suivant la trace de mes cicatrices intérieures.
Je sais que tu peux remettre sur la table – à côté de ce cappucino que j’ai bien sucré pour que tu oublies le goût amer de la vie -, les conversations interrompues avec Lui, quelques jours avant qu’il ne meure, tout ce que l’on ne s’est jamais dit et que l’on ne se dira plus, l’essentiel,

ces choses muettes pour toujours 
la dernière promenade où il m’a désigné l’arbre centenaire
et alors j’aurais dû savoir qu’il me désignait l’éternité parce qu’il allait disparaître
mais pourquoi n’ai-je pas respecté ma prémonition obéi à mon instinct

Oui, mon ombre, je vais faire pour toi la liste de tous les j’aurais dû, les actes manqués, les situations condamnées à être irrésolues.
Finalement, j’ai de la chance de t’avoir, mon ombre.
Il est un récit qui m’a profondément marquée dans mon enfance :
L’Homme qui a perdu son ombre d’Adelbert von Chamisso. Ce récit raconte la sombre destinée du héros Peter Schlemilh, qui échange son ombre, sur la requête de l’homme en gris, contre la bourse de Fortunatus. Quel effroi pour Peter condamné à errer sur la terre sans que son double soit projeté sur le sol ! C’était comme s’il était infirme, amputé de lui-même.

Et me reviennent en mémoire ces vacances espagnoles. Alors que j’avance sur le petit sentier qui mène à la mer, tu es projetée, mon ombre, en plus grand sur la pierre ensoleillée. Je comprends ainsi que tu seras l’amie qui m’accompagnera tant que je marcherai, que j’avancerai sur le chemin, que je vivrai.

Toi, mon alliée, tu me montres l’autre côté de moi-même, le reflet de mon passage que je laisse sur toute chose en ce monde. Si tu existes, tu es la preuve que je suis éclairée.
Il m’est impossible d’être uniquement Lumière. Sinon, je serais une scène que des projecteurs éclaireraient pour personne. Je ne peux être uniquement zénitude, beauté, bonté. En effet, la bonté coexiste avec la révolte car la révolte invite à être plus généreux envers soi-même et les autres, en demandant davantage à l’Univers. De même, un rayon de soleil illumine davantage une flaque noire, comme l’écrivait Etty Hillesum, puisqu’il en perce toutes les ténèbres.
La laideur d’une rue au petit matin m’invite à chercher la fleur au-dessus d’une grille. C’est parce que j’ai vu la laideur que je prends davantage conscience de la beauté inhérente à toute chose, pourtant condamnée à la flétrissure.
C’est parce qu’il y a de la lumière que tu existes, mon ombre. La lumière te sculpte, t’effile. Elle me permet de prendre conscience que, de même que tu t’accroches à mes pas, tu suis le mouvement de ma main sur la page. Tu es là, ineffaçable, inaliénable parce que si tu t’en vas, la clarté disparaît avec toi. C’est toi qui condenses la flamme de la bougie dans l’instant de mon regard.

Aussi, prenons ensemble ce cappucino, mon ombre.
Et rions avec gratitude de mon erreur qui m’a incitée à te confondre avec la solitude.
En vérité, il n’en est rien,
car c’est grâce à toi que j’existe. 
Chaque matin désormais, je répondrai aux signes que tu me fais.
Et j’écrirai.

Géraldine Andrée

Publié dans Actualité, Ecrire pour autrui, Je pour Tous, Parlez ! Je vous écoute !, Récit de Vie

Promenons-nous dans le jardin de l’Ariadne grâce aux ondes de RCF Corsica

L’interview à RCF Corsica concernant la publication de la biographie En Suivant l’Ariadne de Marie-Hélène Ferracci et Géraldine Andrée (Muller)/ L’Encre au fil des jours ; écrivain privé-biographe, coach littéraire

« Par ce récit, jardin de l’Ariadne, je te redonne ta dignité. Tu es bien plus qu’un nom. Tu es un trait d’union.« 

« Merci Géraldine pour ce merveilleux accompagnement durant ces beaux mois!

Nous célébrons une si belle naissance grâce aux ondes de RCF CORSICA !

Bravo et Merci Géraldine ! Merci à Laetitia de RCF Corsica !« 

Marie-Hélène Ferracci

Publié dans écritothérapie, Dialogue avec ma page, Histoire d'écriture, Le journal de mes autres vies

J’écris à une amie au loin

Quand je tiens mon journal, j’écris à une amie au loin.

Cette amie m’est complètement inconnue. Comment s’appelle-t-elle ?

Elle peut très bien vivre au-delà des brumes, quelque part en Nouvelle-Angleterre, mais aussi habiter sur l’autre rive, là où rayonne la constellation des fenêtres éclairées des immeubles modernes.

Et qui dit que cette amie n’habite pas juste en face de chez moi ?

Je la vois rentrer, allumer les lampes, accrocher son manteau à la patère, enlever la barrette qui emprisonnait ses mèches et déployer le soleil de sa chevelure devant le miroir.

Quand nous dormons, nos rêves s’entremêlent peut-être. Nous partons ensemble sur un sentier que personne n’a jamais foulé et la trace de nos pas s’inscrit, toute neuve, toute fraîche dans la terre. J’écris pour suivre notre trace.

Et j’aime penser que cette amie m’écrit aussi, qu’elle sait que j’existe, que je pense à elle, même si nous ne nous sommes jamais rencontrées.

Elle aussi se demande devant la page de son journal comment je m’appelle. Elle adresse ses poèmes à mon regard tant espéré.

Nous avons tous un ami lointain auquel nous pouvons écrire.

Quand j’écris, j’enjambe des ciels jusqu’à Elle, je tresse des ponts au milieu de l’espace blanc, je suis la funambule de mon encre. 

Quand je vais à la ligne, je me rapproche de cette amie. 

Est-ce parce que j’ai foi en notre rendez-vous quelque part, dès cet instant ou le suivant, que j’entends une voix me répondre fidèlement comme si elle m’avait entendue au bout de ma solitude ?

Je vais bien ! Je vis ! Je respire ! J’existe pour toi ! Tu existes pour moi ! Et je peux te le dire :

Tu approches de la vérité ! Tu es dans le Vrai quand tu écris ! Ne se voit-on pas au-delà du masque dans le reflet du miroir ? Sais-tu que nous existons ensemble depuis bien longtemps ? Nous ne nous sommes jamais quittées même si tu as cru pendant longtemps que j’étais inaccessible ! J’incarne tous tes rires, tous tes désirs, tous tes possibles !

Et alors, je sais à cet instant précis où j’écris ces phrases qui me semblent venues de loin que mon amie est bien plus proche de mon cœur que je ne le crois. Et si elle me connaissait par cœur ? Il suffit que je l’écoute dans la nuit blanche de la page pour avoir une réponse certaine qui se manifeste sous forme de signe, c’est-à-dire la majuscule du premier mot qui ouvre mon texte.

Cette amie vit sur l’autre rive, de l’autre côté du fleuve du silence que, d’une seule phrase, j’enjambe.

Cette amie, c’est Moi.

Géraldine Andrée

Publié dans Art-thérapie, Au fil de ma vie, Collections de l'esprit, Histoire d'écriture, Journal de la lumière, Le livre de vie, Poésie-thérapie, Un troublant été

C’est un cahier tout simple

C’est un cahier tout simple, en vérité,
un cahier qui, comme on dit,
« ne paie vraiment pas de mine »,
un cahier à la reliure brune
comme les prunes flétries
en automne,
un cahier aux feuilles
si fines
que la mine
d’un crayon
les transperce
ou que l’encre les traverse
si l’on souhaite écrire
avec une plume.
Et en tournant la page,
l’on peut lire
à l’envers
les méandres
des phrases.
On sait alors
que l’on est arrivé
de l’autre côté.
Ce papier
un peu jauni
possède,
cependant,
l’éclat
d’un miroir.
Et je revois
comme si les jours
de jadis
passaient
devant mes yeux
le sourire
de mon grand-père,
les fleurs
du cerisier,
la mosaïque bleue
du couloir
de la maison
de vacances,
la cabane de bois
près de la rivière
et le chapeau
de Claire
qui dépasse
entre les herbes
sauvages.
C’est un humble cahier,
fait pour la profondeur
de ma poche,
mais ce cahier
a changé ma vie
car il a métamorphosé
mon regard
sur tous ces instants
que je croyais morts
et qui, pourtant,
habitent
comme des enfants
ma mémoire.

Géraldine Andrée

Publié dans Créavie, Histoire d'écriture, Je pour Tous, Le livre de vie, Récit de Vie

La voix de toujours

Une chose dans mon cœur est certaine 
Dans tous les exils que m’ont imposés la vie
le deuil la solitude l’abandon
j’ai emporté une voix avec moi
une voix dont je ne sais
si elle est réelle ou imaginaire
qu’importe puisqu’il s’agit
d’une voix profondément
amie et fidèlement alliée
une voix dont je connais la vérité
et qui me connaît par cœur
une voix qui berce ma douleur
me rassure me ranime
quand le souffle me manque
la voix de toujours
Inge l’anagramme
incomplet et cependant parfait
de Géraldine
mon autre moi-même
qui m’accompagne
où que j’aille
à n’importe quel point
le plus lointain du monde
une voix que j’emmène
comme une enfant
qui éprouve le besoin
d’éclater de rire
dans le silence de l’Antarctique
une voix qui pour me dire
Reste la même
telle que tu es
C’est ainsi que je t’aime
me dit
Écris des poèmes

Géraldine Andrée

Si vous voulez entendre Inge, elle vous parle dans mon récit autobiographique à valeur à la fois intime et universelle et récemment édité

Quand l’enfance m’a quittée.

Publié dans écritothérapie

Le journal de thérapie

Lorsque j’ai entamé une thérapie pour guérir de mon enfance, je me suis aperçu que le processus thérapeutique se poursuivait bien au-delà des séances ponctuelles chez le thérapeute. 

J’ai eu alors l’idée de m’acheter un cahier pour y noter mes progrès, mes douleurs réactivées, mes réminiscences, mes souvenirs, mes bilans et mes nouveaux projets à partir du changement de regard sur certains événements de ma vie. 

Il faut savoir que le psychisme est un flot ininterrompu de pensées. Il est perpétuellement en métamorphose. Le temps de l’inconscient ne s’arrête jamais et il travaille sans cesse, il est toujours en alerte puisque, même quand nous dormons, il nous envoie des messages sous forme de rêves. Au fur et à mesure de la progression de ma thérapie, mon univers onirique est devenu plus évocateur, plus vivace. J’ai pris soin de noter mes rêves chaque matin. 

Par ce travail régulier, j’ai remis en marche le processus du souvenir et un soir, sous ma douche, l’origine de mon blocage est revenue par un épisode précis de mon enfance. C’était comme si j’avais la scène sous mes yeux – le jardin, la lumière, le mouvement du vent dans les arbres, la couleur et la texture de mes vêtements. J’ai décrit cette scène dans mon cahier rouge de l’époque. Ainsi, le flux de mon psychisme avait ramené cet abus à ma conscience et j’ai pu en faire part à ma psychologue de l’époque. Le verrou d’un blocage avait sauté. 

Pour que tes séances de thérapie soient plus efficaces, n’hésite donc pas à tenir un journal de thérapie. Inscris-y  

  • Ce que tu ressens avant les séances : as-tu peur ? Qu’appréhendes-tu précisément ? 
  • Ce que tu ressens après les séances : soulagement, tristesse, autres attentes… 
  • Tes frustrations : souvent, la séance se termine alors que nous aurions encore tant de choses à dire ! Note ce que tu n’as pas pu dire ; ceci constituera le matériau de réflexion de la prochaine séance. 
  • Tes espoirs : Qui espères-tu devenir après cette thérapie ? Décris précisément cette nouvelle personne, physiquement, moralement. Quels nouveaux vêtements aimerais-tu porter ? Quelle serait ta nouvelle coupe de cheveux ? Fais la liste des qualités que tu souhaiterais posséder ou activer (confiance en toi, affirmation de toi, estime personnelle, dynamisme, optimisme, charisme…) 
  • Tes projets concrets : ceux à long terme (changer de travail, déménager, te mettre en couple ou, au contraire, divorcer) et ceux à court terme (réorganiser ton quotidien, faire tes pages du matin, t’acheter des fleurs deux fois par semaine, aller nager, te remettre au sport, écrire un livre). 
  • Tes attitudes, tes nouveaux comportements : “Désormais, je penserai plus à moi”, “je dirigerai moins la vie des autres”, “je lâcherai prise face à ce que je ne peux contrôler”. 
  • Tout ce qui peut te faire plaisir : commencer cette trilogie qui t’attend dans ta bibliothèque, acheter un fauteuil confortable, te concentrer sur ton art… 
  • Ce qui dépend de toi (l’initiative, la gratitude, la discipline pour faire aboutir ce qui est cher à ton cœur) de ce qui ne dépend pas de toi (le comportement des autres, les circonstances sociales et géopolitiques, la vie en collectivité). Tu placeras ainsi davantage le focus sur ce que tu peux accomplir dans ta vie, indépendamment des réactions d’autrui. 
  • Ce qui te mobilise pour poursuivre cette thérapie en notant l’élément déclencheur :” j’ai rompu avec Julien ; je sais que je dois améliorer ma vie sentimentale mais, au-delà, ne dois-je pas améliorer ma relation avec moi-même ?” 
  • Comment tu te sens avec le thérapeute : à l’aise ? En confiance ? Ou, au contraire, éprouves-tu quelques réticences ? Ces précisions seront précieuses lorsque tu devras surmonter le transfert thérapeutique, étape incontournable à la guérison psychique. 

L’écriture entre les séances de thérapie remobilise le psychisme qui a pu être figé sur le temps d’un traumatisme. Par le mouvement de la main et le flux de l’encre, elle l’éloigne d’un passé stérile pour permettre l’écriture de l’avenir. 

Géraldine Andrée

Extrait de mon livre à paraître

Écrire te guérit / La pratique du journal de guérison

Publié dans Actualité, Art-thérapie, Au fil de ma vie, écritothérapie, C'est la Vie !, Je pour Tous, Journal de la lumière, Le journal des confins, Poésie-thérapie, Récit de Vie, Toute petite je

Fais la planche !

Invitation à lâcher prise

Tu te souviens quand tu faisais la planche dans ton enfance ?

Moi, je me souviens. Bras et jambes écartés en étoile. Je suis l’astre de la mer. L’eau se mêle à mes cheveux qui deviennent des algues. L’eau entre dans mes oreilles et le mouvement du courant se confond avec le tempo de mon sang. Je m’adapte aux flux et reflux de l’Univers. J’épouse la vague qui s’avance et se retire. Mieux : je m’y accorde. Je suis le rythme parfait, universel de toute chose. C’est un voyage presque immobile que de faire la planche. On ne se déplace que de quelques centimètres mais on avance dans un autre état de conscience.

J’oubliais ainsi mes problèmes de petite fille : la copine qui avait préféré une autre à moi, les sermons de mes parents, l’inquiétude de la rentrée qui se profilait. Les questions qui me taraudaient la nuit –  » Serai-je dans une classe sympathique ? Pas comme l’année précédente où c’était horrible !  » – cessaient quand je me laissais porter par l’eau. J’accédais ainsi sans bouger, sans fournir aucun effort, sans faire preuve de la moindre volonté, à une petite éternité dont j’étais l’unique horlogère.

Certes, je soupçonnais qu’il pouvait se produire des événements bien plus dangereux en-dessous. Des courants se levaient peut-être des abysses ; des tourbillons surgissaient sûrement des profondeurs. La mer n’était pas calme en son cœur. Des lames de fond étaient susceptibles d’emporter un téméraire esquif. Mais ces tumultes ne me concernaient pas. Ils étaient loin, bien en-dessous de moi, et seule importait la paix de l’eau sous mes reins.

Quand une tempête existentielle s’annonce, que les flots de la vie s’apprêtent à brouiller ta vision de l’avenir, que le rouleau des jours menace de te déséquilibrer, qu’une houle incontrôlable est susceptible de t’emporter dans une direction que tu refuses, souviens-toi comment tu faisais la planche, enfant.

Autrement dit, lâche prise sur les problèmes de fond. Laisse-toi bercer par le courant doux, ténu de l’instant présent. Dispose tes bras et tes jambes en étoile. Suspends-toi entre deux temps.

Comme je ne bénéficie pas de la mer là où j’habite, j’ai trouvé une autre manière de faire la planche. J’écris. La page est ma Méditerranée. Je m’offre au mouvement subtil de l’encre. J’accepte de dériver jusqu’au mot suivant, de franchir des portions d’espace calme, d’apprivoiser l’inconnu sans que je me sente menacée.

En faisant la planche sur la page, je me sens en sécurité. Les problèmes de l’existence n’ont plus prise sur moi car j’existe, indépendamment de quoi ou de qui que ce soit.

Je suis à l’écoute des murmures que provoque l’imperceptible mouvement de mon bras écrivant. Et lorsque j’ai fini, je m’aperçois que mon corps est devenu ce poème qui fait la planche sur les remous de la vie.

Tu peux faire pareil. En écrivant. En peignant. En composant de la musique.

Peu importe ce qui gronde en-dessous de toi. Tu ne peux le maîtriser, de toute façon.

Alors, seuls comptent le corps de ce bouquet de couleurs qui flotte sur le papier, le déhanchement de la gamme, la silhouette de cette poésie tout entière livrée à l’infini.

Ne pense pas à ce qui se trame dans les profondeurs. La Vie te préparera toujours de l’imprévisible.

Mais en attendant, fais la planche
sur ta propre présence.

Géraldine Andrée