Publié dans Actualité, Histoire d'écriture, Je pour Tous, Le livre de vie

Suivez l’Ariadne

L’Ariadne ajaccienne, une fleur à fleur de mer…

Parce que les lieux perdus peuvent se retrouver dans la trace que laisse l’écriture, les disparitions ne sont ni inéluctables, ni définitives.

Il est des biographies d’hommes célèbres, de stars.

Il est aussi des biographies d’inconnus qui cultivent des jardins qui ne leur appartiennent pas ; des biographies d’humbles maraîchers qui font éclore les fleurs et les fruits des autres.

Il est des biographies d’anonymes qui font advenir la terre en secret.

Il est des biographies de pays, de jardins, de feuilles, de lumières ; des biographies qui passent de bouche à oreille, de rêve en rêve et que le murmure d’une fontaine bien ancienne traverse ; des biographies de l’invisible et de l’indicible.

C’est cette biographie que je vous propose de vous faire découvrir aujourd’hui, une biographie nouvellement née de la collaboration entre Marie-Hélène Ferracci et L’Encre au fil des jours/Géraldine Andrée (Muller).

Il était une fois un jardin ajaccien dont vous pouvez suivre le fil du chant, de l’eau et de l’Ariadne ici. Souvenez-vous ! Il n’est pas si loin, ce jardin ! Il vous attend à la prochaine page !

Pour cela, suivez l’Ariadne…

Géraldine Andrée

Publié dans Créavie, Dialogue avec ma page, Grapho-thérapie, Histoire d'écriture, Journal de ma résilience, Le cahier de la vie, Le cahier de mon âme, Le journal des confins, Le livre de vie, Récit de Vie

Écriture et détachement affectif

L’écriture comme délivrance de la dépendance affective

Comme je l’ai déjà évoqué dans mon billet L’indépendance émotionnelle de l’écriture, l’écriture te rend autonome. L’écriture te guérit en te permettant d’entrer dans les pièces angoissantes de ton inconscient pour mieux les éclairer et ainsi, éviter qu’elles ne te hantent davantage.

L’écriture m’a été d’un précieux secours lorsque je vivais, à l’âge de vingt-cinq ans, un épisode de dépendance amoureuse. Je tenais alors un journal de traversée de la passion où les saisons ne se distinguaient plus les unes des autres, où seule importait la lumière de la peau de l’amant, où les reflets de ses yeux étaient mon unique horizon. L’avenir ne se formulait qu’en cette question :

Viendra-t-il aujourd’hui ?

Je ne possédais pour seul repère temporel que l’heure où Il viendrait puis repartirait. Je me consumais et, au moment où il m’a abandonnée – comme c’était prévisible -, c’est l’écriture qui m’a sauvée, qui a fait que je suis devenue une rescapée de cette dangereuse traversée qui m’éloignait de tout rivage quand il me semblait que je m’en approchais.

Comment me suis-je délivrée ?

En écrivant les souvenirs et les symptômes de cette passion jusqu’à la lassitude, jusqu’à l’écœurement, jusqu’à l’épuisement – de telle façon à ce que cet amour se détache de moi comme une peau morte. Alors que j’étais brûlée par cette dépendance affective, je me suis dépouillée, mise à nu dans une écriture qui fut aussi incisive qu’un couteau.

« J’ai écrit jusqu’aux os » pour reprendre l’expression de Natalie Goldberg.

Quand tu décris précisément une situation de dépendance affective avec toutes les obsessions dont celle-ci se nourrit, la souffrance se dépose à l’extérieur de toi, sur la feuille. Et une douleur ainsi extériorisée dans sa formulation ne te hante plus, ne te vampirise plus.

Alors, écris les obsessions qui t’habitent.

  • Cette scène d’adieu, raconte-la en variant les points de vue. En utilisant le Je, évoque sans retenue tes sentiments. Tu en as parfaitement le droit. En effet, non seulement ils te sont personnels et ils t’appartiennent, mais aussi tu les éprouves dans ton corps, dans ton cœur et dans ton âme. Puis instaure un dialogue avec toi-même en te tutoyant. Qui sait ? Cette partie de Toi bénéficie peut-être de la prise de distance nécessaire qui te manque, une sorte d’omniscience qui te guidera vers une solution… Enfin, en te projetant à la troisième personne du singulier, observe ta douleur comme si elle était vécue par quelqu’un d’autre, afin qu’elle relâche son emprise sur toi.
  • Ressasse les détails chargés de signification. Par exemple, fais encore le tour de son grain de beauté en rêve ; accompagne son pas avec ta plume ; regarde ton amour dans la page – comme à travers une vitre – allumer sa cigarette, boire son café. Ce sont souvent les détails d’une histoire qui nous tourmentent. Alors, écris une histoire sur ces détails en y instaurant de subtiles variations – quitte à te répéter. Entre dans l’obsession pour mieux l’étudier de près. J’ai écrit des pages et des pages sur le plancher qui craquait dans mon demi-sommeil puis sur ce crépitement qui s’arrêtait subitement – signe qu’Il était sur le seuil de ma chambre – pour qu’Il cessât définitivement d’apparaître et de me réveiller alors que cette liaison était finie depuis bien longtemps. Catherine, elle, s’est libérée du mauvais souvenir d’une expérience sexuelle en la racontant par écrit, encore et encore. Elle a évoqué précisément la chambre d’hôtel battue par les rafales du vent marin, la lumière des lampes qui déformait les fleurs de la tapisserie, les motifs entremêlés de la couverture. Tous ces signes ont contribué à exorciser le souvenir. Quelle sensation prédomine dans la mémoire de ton expérience ? Quelle couleur ? Quelle saveur ? Quelle odeur ? Quel son ? Comme je me souviens bien du bruit de la balayeuse automatique qui passait et repassait dans ma rue, à cinq heures du matin, alors qu’il m’avait dit, la veille, qu’il partait loin et que ce qu’il avait à vivre était plus important que Nous.
  • Ne lâche pas ta plume acérée avant d’avoir détaché l’ultime peau. Écris jusqu’à décortiquer l’émotion, jusqu’à lui ôter la pulpe, jusqu’à atteindre le noyau. Et tu découvriras, alors, que ce noyau, c’est ton être, c’est Toi, vraiment, que cachaient toutes les scories des mauvaises expériences accumulées – un noyau vivant, vibrant. L’écriture, pour être thérapeutique, doit parfois être tranchante – c’est-à-dire qu’elle doit creuser profondément dans ta vie pour te séparer de l’inutile.

    Tu peux me dire :

    – Mais c’est épuisant d’écrire sur ce qui fait mal !

Et je te répondrais :

– Peut-être ! Mais à la fin, il restera Toi, l’île vraie et sécurisante sur laquelle tu pourras te reposer !

Crée une œuvre d’art de tes obsessions. Ce sera la preuve suprême de ta délivrance.

  • Fais des scènes qui t’obsèdent encore des exercices de style, à la manière de Raymond Queneau, c’est-à-dire varie les registres, les angles d’approche, les regards afin que toutes ces scènes soient tellement semblables et différentes à la fois que tu oublieras quelle est celle que tu as véritablement vécue.
  • Compose un recueil de poèmes. Transfigurer le réel permet d’esthétiser la douleur, d’en faire une œuvre vivante où le caractère personnel de l’émotion ressentie s’effacera pour laisser la place à une émotion d’ordre esthétique.
  • Rédige une fiction (que ce soit sous forme de roman, de nouvelle) où le héros – qui n’est ni plus ni moins que ta propre projection – servira de réceptacle entre ta douleur et toi. Ainsi, ce sera cet être de papier que tes obsessions utiliseront comme jouet, et non plus ton être de chair et de sang.

Entre en écriture pour que celle-ci soit la porte de sortie de tes traumatismes.

Géraldine Andrée

Publié dans C'est la Vie !, Créavie, Histoire d'écriture, Journal de ma résilience, Le cahier de la vie, Le cahier de mon âme, Le journal de mes autres vies, Le journal des confins, Le poème est une femme, Méditations pour un rêve, Poésie, Poésie-thérapie, Récit de Vie, Toute petite je

Arrivée sur la rive de ma nouvelle vie

Arrivée sur la rive de ma nouvelle vie, j’ai l’heureuse surprise de retrouver l’anthologie Adolescence en poésie que j’ai déposée par réflexe dans ma valise, entre deux classeurs.

Ce recueil poétique m’a été, lui aussi, un précieux compagnon pendant toutes ces années… Ses poèmes me répondaient et me permettaient de toucher le mystère de la vie, de l’amour, de la mort. Je voulais unir ma voix à celles de Bernadette, Cathie, Nelly, Min-Thu..

Je lisais un poème au hasard alors que ma mère faisait couler l’eau dans la bassine, tinter les assiettes, souffler la cocotte-minute. Tous ces bruits du quotidien en arrière-plan pendant que j’explorais l’univers des silences, des aurores, des planètes au cœur battant… Je m’en souviens encore aujourd’hui.

Et tandis que se tendent les draps de mon nouveau lit, je pars en voyage avec cette amie que je ne connais pas mais qui m’est si familière car nous entrons ensemble dans

« Le goût des vacances au fond de moi

Ce goût de sel

quand

Un rayon d’étoile s’achemine vers moi.« 

Le temps d’une rencontre dans ma chambre d’étudiante avec ces quelques vers, nous sommes, toutes les deux, Caroline l’inconnue et moi

à la fois

le chemin et l’étoile.

Géraldine Andrée

Photo de Valeria Boltneva

Publié dans Créavie, Dialogue avec ma page, Histoire d'écriture, Journal créatif, Journal d'instants, Journal de silence, Le cahier Blueday, Le cahier de la vie, Le cahier de mon âme, Le livre de vie, Le temps de l'écriture, Méditations pour un rêve, Récit de Vie

Histoire de regard

Qu’est-ce qui peut t’éveiller ici et maintenant, faire en sorte que tu comprennes la valeur de ta vie quotidienne ?

Pour moi, c’est le fait d’écrire sur Tout, c’est-à-dire sur la moindre chose, l’odeur du café le matin, la biscotte qui craquette comme du papier épais, un après-midi où je demeure dans mon journal intime, le bercement de l’écriture qui est le même que celui des vagues des vacances, ces objets que je ne vois plus avec conscience et qui, pourtant, me font signe dans leur apparente insignifiance si je veux bien être attentive à leur présence – la théière, le plumier, ce tableau où des jeunes filles lisent sous la lampe, par exemple -, le bouquet de fleurs séchées que ma mère avait disposées dans le vase il y a un lointain été, ces fleurs qui, à la manière avec laquelle elles se sont penchées, gardent encore le mouvement de sa main et dont le silence des corolles témoigne de l’éternité :

Des fleurs que furent les mains de ta mère il restera toujours trace.

Et puis la mèche de la bougie au rendez-vous de la lueur, la cire qui descend dans la coupelle tandis que j’écris, ce recueil de poèmes sur le lutrin que cache un rideau. Son titre Le Regard des mots

me regarde et insiste :

Tire donc le rideau !

Que je voie le jour car tu existes !

Géraldine Andrée