Bienvenue sur mon site d'écrivain biographe, de biographe familiale, d'écrivain privé, de coach littéraire et d'écritothérapeute en Lorraine, en France et ailleurs ! Vois comme elle est belle, mon ami, la Vie ainsi écrite !
L’auteur de la Beat Generation, Jack Kerouac, a écrit :
Accepte la perte pour toujours.
Je me souviens :
Toute petite, je livrais à la force de la rivière les brindilles dépouillées de leurs lueurs, les cailloux ternis, les feuilles rouies, les pétales flétris.
Comme l’enfant abandonne à l’eau ce qui n’est plus utile au jour présent, dépose dans le flot de l’encre, tes regrets, tes remords, tes peines, tes mots qui ne sont plus que silences.
Que veux-tu confier à la volonté du courant ? Moi, c’est mon père, ma maison natale, la lampe de mon enfance, tous mes journaux intimes pour lesquels je n’ai pas de valise assez profonde.
Laisse aller, comme dit Jack Kerouac, ce qui doit te quitter… Laisse-le franchir la marge, déborder de la page, s’éloigner de ton cœur qui lui donne de l’élan en continuant à battre.
Fais suffisamment confiance au mouvement de ton écriture qui fait que deuil et vie, mort et naissance se rejoignent et souris bien plus tard lorsque, en te relisant,
tu prendras conscience que l’ample phrase de ton chagrin s’est confondue avec le point d’une étoile dans le ciel blanc.
Signe ultime qu’une autre histoire entre l’Univers et Toi commence.
Qu’est-ce qui peut t’éveiller ici et maintenant, faire en sorte que tu comprennes la valeur de ta vie quotidienne ?
Pour moi, c’est le fait d’écrire sur Tout, c’est-à-dire sur la moindre chose, l’odeur du café le matin, la biscotte qui craquette comme du papier épais, un après-midi où je demeure dans mon journal intime, le bercement de l’écriture qui est le même que celui des vagues des vacances, ces objets que je ne vois plus avec conscience et qui, pourtant, me font signe dans leur apparente insignifiance si je veux bien être attentive à leur présence – la théière, le plumier, ce tableau où des jeunes filles lisent sous la lampe, par exemple -, le bouquet de fleurs séchées que ma mère avait disposées dans le vase il y a un lointain été, ces fleurs qui, à la manière avec laquelle elles se sont penchées, gardent encore le mouvement de sa main et dont le silence des corolles témoigne de l’éternité :
Des fleurs que furent les mains de ta mère il restera toujours trace.
Et puis la mèche de la bougie au rendez-vous de la lueur, la cire qui descend dans la coupelle tandis que j’écris, ce recueil de poèmes sur le lutrin que cache un rideau. Son titre Le Regard des mots
Bien sûr que les étés ne durent pas… Déjà, il faut raccompagner l’ami dans l’ombre du soir et la lampe du chemin éclaire les derniers pas. Bien sûr qu’il faut quitter le murmure de la fontaine lorsque les fleurs se penchent. Et le vent d’octobre frappe la joue sur laquelle la rose d’un baiser s’était déposée quand le temps se balançait d’une enfance à l’autre. Bien sûr que les pétales s’unissent à la terre du jardin et que les pêches dans les mains s’étoilent de taches brunes. Bien sûr que la chambre d’amour referme sa porte, bateau voguant sur l’immense silence jusqu’à une saison bien trop lointaine. Et le collier de perles blanches qui a embelli les fiançailles se range dans un tiroir promis à l’oubli. Bien sûr qu’il faut dire Adieu à la chatte sauvage, lui chuchoter dans une ultime caresse À l’année prochaine sans que l’âme en soit certaine. Bien sûr que rien ne dure et que la lueur d’une virgule ne peut guère prolonger l’histoire que d’un instant supplémentaire, juste avant que ne s’interrompe le souffle.
Pendant longtemps, je me suis demandé où s’envolaient toutes nos expériences de vie, d’amour, de beauté et de mort. J’aime songer qu’il existe un pays où se promènent toutes les essences de nos expériences, tels les esprits des défunts, et que nous revivrons ces sensations de l’autre côté, après notre passage Ici. Mais il est un pays plus proche, plus présent Maintenant, celui de notre mémoire, où l’abricotier, les asters, les menthes, l’herbe du matin, le pain chaud, les cheveux de Marie, la mésange qui picore une miette de gâteau, le verre de grenadine, le chapeau de paille, la merveille de la fenêtre ouverte nous retrouvent, aussi vivants que si l’ancien été nous attendait. Et – le sais-tu ? – il existe un cahier blanc que je t’ai offert pour témoigner de toute cette vie qui dure dans son absolue lumière parce qu’une seule phrase la prolonge aujourd’hui encore jusqu’au sourire.
Je me souviens d’avoir été subjuguée, adolescente, par le tableau Le Cri d’Edvard Munch, ce cri lancé sur un pont face à l’ineffable, face à l’invisible et qui semble traverser la toile pour cribler le cœur du spectateur.
J’ai déjà expliqué dans mon billet Le cahier de l’indicible comment l’écriture reformulait ce qui était crié en silence, comment elle permettait à ta voix de reprendre toute sa place originelle sur la page, telle une constellation qui apparaît de manière évidente dans la nuit. Je t’ai montré comment mettre en voix le non-dit, voire le tabou.
Aujourd’hui, je souhaite que ton regard aborde un autre angle de l’écriture.
Certes, tu fais résonner, en écrivant, ta voix dans le silence.
Et si, dès demain, sur tes pages du matin, tu donnais une voix aux multiples silences de ta vie ?
L’écrivain – et chacun de nous est un écrivain à partir du moment où il fait de l’écriture une pratique quotidienne – parle souvent au nom de tous ceux qui ne peuvent s’exprimer.
Par des personnages emblématiques d’une classe sociale brimée – il en est ainsi du forçat comme Jean Valjean, de la prostituée qu’est Fantine, de l’enfant maltraitée Cosette -, par des héros fictifs qui affrontent, tels de courageux Misérables, le déterminisme d’une vie que la société a écrite pour eux, l’écrivain remet le lecteur au contact du vrai fil de son existence. On sait, comme dit Jung, que tout ce qui n’a pas été clairement énoncé en conscience revient sous forme de fatalité. Les écrivains offrent donc une chance à leurs lecteurs, par le truchement d’êtres de papier – y compris quand ce ne sont qu’eux les lecteurs -, de s’écrier :
– Mais, c’est mon problème, cela ! Comment puis-je faire pour le dépasser ?
De même, pour avoir lu beaucoup de poèmes, je crois que l’écriture donne une voix à tous ceux qui ne parleront jamais – tous ces animaux, toutes ces plantes et ces choses qui, pourtant, nous font signe chaque jour, en quête de notre reconnaissance.
Prends ton cahier et dresse une liste d’écriture de tous ces silences dont tu pourrais être le porte-parole.
Il en est ainsi
des amis que tu as perdus de vue et qui, parce que vos adresses respectives se sont égarées, ont cessé de te donner de leurs nouvelles et de te demander des tiennes. Écris une lettre comme si tu étais à leur place. Invite-les à te raconter leur vie – ce qu’ils sont devenus, comment ils ont évolué. Peu importe que cela soit vrai ou pas. L’essentiel est que tu métamorphoses leur silence en danse des phrases. Et qui sait si, demain ou après-demain, une synchronicité ne surgira pas sous forme de rencontre ?
des défunts, de tous ces êtres chers partis dans l’au-delà. Allume une bougie devant ton cahier et instaure un dialogue avec eux en laissant aller ta plume, tout simplement. Il arrivera un moment dans la page où ta main voguera sur le papier, traversée par un étrange courant, guidée par un mouvement qui vient de bien plus loin que ta volonté – comme si ta main vibrait. Ne t’inquiète surtout pas. Fais confiance à cette ondulation. L’Univers sait quel chemin tu peux suivre pour atteindre le mystère de l’autre rive.
des objets qui te sont précieux sentimentalement – ceux que tu as conservés et ceux que tu as perdus. Retrace, par exemple, l’histoire de ce service à thé de porcelaine de Chine qui a franchi les époques pour venir jusqu’à toi. Et ce tableau peint par ta grand-tante ? Raconte l’instant qui correspond au point initial, lorsque ton aïeule a posé la première touche de couleur sur la toile.
des animaux qui t’entourent, des animaux décédés ou encore des animaux sauvages qui te fascinent. Instaure un contact avec eux en décrivant par des phrases brèves ou amples le rythme de leur respiration, de leur course, de leur galop… Que contemples-tu dans leur regard ? Que comprends-tu à leurs jeux et à leurs cris ? Évoque comment tu perçois le caractère inconditionnel de leur présence qui dépasse les barrières du langage verbal.
des poèmes que tu écris au nom de la pluie, des forêts, des rivières. Qu’aurait à te dire une pervenche ? Quel message te transmettrait le chêne de ton enfance ? Que te chanterait un fleuve ? Quel mot placerais-tu sur la note de cet oiseau ? Écris sans t’interrompre, sans lever la main, pour laisser couler de source ce qui va se dire et dont tu es le messager.
Tu t’apercevras, ainsi, qu’en donnant une voix à tous ces soi-disant silences, en laissant parler librement tous ces êtres et toutes ces choses qui ne parlent pas le langage humain, tu te mettras à l’écoute de ce qui t’était caché.
Et ce ne sera plus ce que tu écris qui constituera une révélation, mais ce que tu entends dans ce que tu écris.
Tu seras sensible à tous les souffles ténus qui te soutiennent, qui ravivent et renforcent ton souffle. De surcroît, tu prendras conscience que le silence n’est pas une fatalité car tu n’es jamais seul. Jamais. Tu es en permanence entouré de signes – y compris ceux qui te paraissent les plus insignifiants comme le spot de cette vitrine qui s’allume quand tu passes.
Et – chose extraordinaire -, tu redonneras alors la parole à des sentiments que tu avais trop longtemps étouffés en toi. Tu te surprendras à les mettre en scène, à être à la fois le dramaturge, l’acteur et le spectateur de cette rencontre que tu retranscriras en vivante saynète de théâtre :
– Bonjour ! C’est moi, ta joie d’enfant ! Pendant trop longtemps, tu es passé à côté de moi sans me voir ! Ce soir, je vais te dire comment ton étoile s’appelle…
Alors, ne résiste pas, je t’en prie ! Note le nom de ton étoile pour mieux ensuite invoquer des réponses de sa part.
Quel éclat a-t-elle donc ? Ne ressemble-t-elle pas à cette goutte d’encre de couleur qui s’allume dans le ciel du papier et qui contient tous les mots du monde ?
Suzuki déclare que c’est dans le silence de la méditation que la présence se révèle et que le moment qui précède l’illumination est déjà l’illumination.
Et il se dessine dans la nuit un chemin de neige dans les Vosges de mon enfance. Je sais, en marchant, que tout peut apparaître dans ce blanc :
la trace d’une patte d’oiseau, la pointe d’une souche, l’éclat d’un caillou, un perce-neige précoce,
la frêle feuille d’une pousse nouvellement née. Alors, je suis à l’affût, en me penchant sur la page,
de la moindre trace de l’envol d’un poème, d’une virgule qui perle à fleur de ma plume
– invitation à aller plus loin que le premier signe -, du scintillement d’un mot qui m’annonce une autre saison.
J’observe ce qui surgit ça et là, dans l’espace devant moi, quelle phrase minime
qui, telle une tige timide, me promet sa radieuse croissance…
J’ai conscience que sur le long chemin de neige du papier, l’idée possible
qui précède mon œuvre est déjà une réalité.
Et parce que la discrète étincelle est à l’origine de la flamme la plus haute,
c’est ainsi que j’avance, en m’éclairant avec ce silence initial.
C’est une nuit bleue, celle du solstice de juin. Une nuit intensément claire mais éphémère, constellée par les lueurs de la zone industrielle, si nombreuses qu’il me semble que le ciel étoilé a glissé devant la fenêtre. J’aurai bientôt dix-sept ans. J’entends encore en souvenir, dans le silence enveloppant la chambre de mes parents, la chanson Bella Vita de David et Jonathan qui est passée à la radio pendant le dîner, sur le transistor d’argent. Je regarde longuement la nuit bleue, traversée de reflets rouges à cause des ultimes forges de De Wendel qui brûlent au loin, vers Hayange. Et je me demande qui lira mes premiers poèmes, qui les aimera, qui m’aimera, qui posera ses mains sur mes pages comme si c’était ma peau. Quel amant de ce que j’écris et que je ne connais pas ? Quel amoureux de ma vie ?
Géraldine Andrée
Et je me demande qui lira mes poèmes, qui les aimera, qui m’aimera…Quel amoureux de ma vie ?