Quand je veux
faire le deuil
de ce que je n’ai pas vécu,
je m’endors
avec un recueil
de poèmes
sur mon cœur
et dont les mots
sont des yeux
d’or
qui me veillent
jusqu’à ce que je devienne
moi-même
Aurore.
Géraldine Andrée
Quand je veux
faire le deuil
de ce que je n’ai pas vécu,
je m’endors
avec un recueil
de poèmes
sur mon cœur
et dont les mots
sont des yeux
d’or
qui me veillent
jusqu’à ce que je devienne
moi-même
Aurore.
Géraldine Andrée
Que dans l’encre bleutée
de ton nom
qui achève
ta longue lettre
soit gardé
tout le ciel d’été
qui apparaissait
à ta fenêtre
Géraldine Andrée
Je me demande
pourquoi chaque note de pluie quand elle se brise laisse sur la rambarde de la terrasse une étincelle unique
pourquoi je me souviens si bien du jardin de jadis les nuits de pleine lune
où va le chemin tôt le matin
si le bleu de la mer se prépare à me rencontrer lorsque je trempe ma plume dans l’encrier
quand viendra l’Ami
s’il voit déjà de sa fenêtre la flamme de ma bougie
en quoi me réincarnerai-je dans ma prochaine vie : un chat un lys ou peut-être même l’éclat du lapis-lazuli
pourquoi je vis en rêve dans un village que je n’ai jamais visité en vérité
pourquoi j’entends si précisément le hennissement des chevaux sur sa place et le tintement des seaux à sa source
d’où viennent les poèmes qui affleurent le silence
et surtout je me demande
pour qui j’écris tout cela pour aviver quelle joie et apaiser quelle peine que je ne connais pas
Géraldine Andrée
La corbeille est aujourd’hui
pleine de fruits
comme l’écho est riche
de cette attente
où s’annonce
un pas supplémentaire
Aime
Rêve
Espère
Géraldine Andrée
Débranche
le téléphone
éloigne-toi
de toutes
les agitations
de cette époque
de tout
ce qui te demande
d’avoir un avis
de prendre parti
dans d’inutiles
dialogues
Puis ouvre
la porte
de ta chambre
où luit
le point
d’or
de la lampe
et entre
dans l’espace
-temps
d’une page
blanche
Pour écrire
c’est-à-dire
converser
avec ton coeur
demeure
au coeur
du silence
Géraldine Andrée
Relire dans Les Malheurs de Sophie
les phrases que j’ai déjà lues petite fille
c’est comme emprunter à rebours
un sentier de vacances
qui me mène à la lumière
de mes boucles
c’est revenir à chaque mot
sur les pas de l’enfance
et retrouver les feuilles de trèfle
les frêles cailloux les fraises douces
les bouquets d’angélique vive
les prunes dorées les abricots roux
que récolte en toute
clandestinité
Sophie mon héroïne
dans ces histoires
où elle joue à faire des bêtises
depuis toujours
et qui sont ensuite
déposés
au seuil de ma mémoire
en guise
de Présents
dérobés au temps
Géraldine Andrée
Je détaille
tous les points
de la moustache
du chat
Puis je suis
du doigt
sur son visage
chaque phrase
qui y mène
A la fin
le poème
est bien là
contre ma paume
Géraldine Andrée
Je rêve
que j’écris un poème.
J’entends sonner ses rimes
comme des notes de cloche
par un beau dimanche.
Je vis son rythme
qui m’emporte
telle une vague
sur la crête
d’une phrase.
Quand je me réveille,
j’entends
mon souffle
qui s’empresse
encore
dans ma course
achevée
et il me reste
des bribes
de ma voix secrète
comme
« Route », « soleil ».
Je note
alors
sur mon carnet :
de chevet :
« La route
poursuit son élan
vers le soleil
à travers moi
qui garde foi
en mes rêves ».
Puis, je commence
à vivre
ce jour supplémentaire
qui paraphe
chaque instant
avec
les lettres
toujours
changeantes
et singulières
de la lumière.
Géraldine Andrée
J’écris sur la page
comme je souffle
sur une fenêtre
avec jeu joie légèreté
puis je m’absorbe
toute entière
dans cette trace
que je laisse
frêle
message
dont l’adresse
est mon regard
Géraldine Andrée
Il y a dans mon rêve une nouvelle pièce
jusque là inaperçue,
une pièce dont j’ai obtenu la clé
par je ne sais quel voeu.
Une fois le seuil franchi,
je fais la découverte
du présent du silence
qu’elle a gardé pour moi.
Au fur et à mesure
que j’approche
la lampe,
je lis des titres de livres
qui m’annoncent
un futur
déjà accompli,
des cahiers
qui s’ouvrent
comme des fenêtres
sur les vérités
de ma vie,
des photographies
où je me vois devenue
celle que j’ai toujours
voulu être.
Il me semble même
croiser le regard
de mon âme
dans lequel ma lampe
allume la lueur
d’une flamme.
Et je m’exclame
en mon coeur :
J’ignorais
qu’il y avait une telle pièce
dans ma maison,
un endroit si profond
en moi-même
qui attendait
pendant tout ce temps
que j’entre
pour qu’il me révèle
toutes les richesses
– connaissances, réflexions –
que j’ai depuis toujours !
Maintenant, je fais confiance
à son obscurité.
Je lui apporte
chaque jour
les nouvelles visions
que j’ai récoltées
et que je destine
dans un coin d’ombre
à ma propre rencontre.
Géraldine Andrée