Acheter
une grande
et profonde
bibliothèque,
non pour ranger
les livres
des autres,
mais pour aligner
tous mes cahiers
bien remplis,
signe
d’une vie
pleinement
vécue.
Géraldine Andrée
Acheter
une grande
et profonde
bibliothèque,
non pour ranger
les livres
des autres,
mais pour aligner
tous mes cahiers
bien remplis,
signe
d’une vie
pleinement
vécue.
Géraldine Andrée
C’est un cahier tout simple, en vérité,
un cahier qui, comme on dit,
« ne paie vraiment pas de mine »,
un cahier à la reliure brune
comme les prunes flétries
en automne,
un cahier aux feuilles
si fines
que la mine
d’un crayon
les transperce
ou que l’encre les traverse
si l’on souhaite écrire
avec une plume.
Et en tournant la page,
l’on peut lire
à l’envers
les méandres
des phrases.
On sait alors
que l’on est arrivé
de l’autre côté.
Ce papier
un peu jauni
possède,
cependant,
l’éclat
d’un miroir.
Et je revois
comme si les jours
de jadis
passaient
devant mes yeux
le sourire
de mon grand-père,
les fleurs
du cerisier,
la mosaïque bleue
du couloir
de la maison
de vacances,
la cabane de bois
près de la rivière
et le chapeau
de Claire
qui dépasse
entre les herbes
sauvages.
C’est un humble cahier,
fait pour la profondeur
de ma poche,
mais ce cahier
a changé ma vie
car il a métamorphosé
mon regard
sur tous ces instants
que je croyais morts
et qui, pourtant,
habitent
comme des enfants
ma mémoire.
Géraldine Andrée
La biographie est un voyage.
Son écriture, de séance en séance, vous guide à travers un éternel présent que sont l’entretien et la durée qui vous sépare de l’entretien suivant.
Tandis que votre voix sème les souvenirs et que je les transcris sur la page, la couleur de la lumière change. Les ombres se raccourcissent ou s’allongent. L’écriture de votre livre nous mène de saison en saison. Il arrive toujours le moment où le narrateur que vous êtes et l’écrivain-biographe que je suis, nous nous surprenons à dire :
– Tiens ! Il y a quelques semaines encore, il neigeait et aujourd’hui, les bourgeons apparaissent !
Ou
– Les feuilles deviennent rousses ! Les chemins sont gorgés de pluie !
Signe que le livre avance au fil de votre voix et sous le mouvement de ma main pour arriver à son terme, si sa naissance est annoncée à l’automne.
Ce qui est spécifique au projet biographique, c’est que le temps de l’écriture se mêle au temps du souvenir. Pendant que les fleurs étincellent à votre fenêtre, nous racontons ensemble votre patinage sur l’étang gelé de votre jeunesse. Pendant que le givre étoile les branches de l’arbre d’aujourd’hui, le pommier du jardin de jadis se constelle de pétales roses et blancs. Votre mémoire est un miroir qui vous projette ce qui vous semblait disparu depuis longtemps : le cristal du vase de votre grand-père, le chat tigré, le muret bordé de mousses sur lequel votre fiancée vous attendait, la robe du premier soir de bal…
Ma plume alliée à votre voix et votre voix unie à ma plume créent un temps unique, hors du temps, où les mots sont des secondes qui vous révèlent l’éternité de votre enfance que vous croyiez à jamais perdue.
C’est ainsi que dans votre chambre peut résonner le galop du feu cheval ami Tremblecour qui revient de si loin – du pays de l’oubli – pour vous retrouver comme si vous aviez dix ans. C’est ainsi que la lumière de la lampe d’un conte éclairant vos anciens rêves éclot dans la clarté de la lampe de votre bureau sous laquelle nous écrivons, en cette fin d’après-midi.
De même, il est fréquent qu’alors que nous pensons la biographie achevée, un souvenir enfoui éclate de toute sa force. Aussitôt, le temps s’accélère, se condense en un seul instant, semblable à celui où l’on entrevoit un météore. Vite ! Il faut le retenir et le poser là, sur les lignes du cahier, avant qu’il ne s’échappe, évincé par une autre réminiscence, tout aussi importante et fugace…
Bien sûr, le constat est inévitable. Plus on laisse les souvenirs apparaître dans le reflet de la mémoire, plus on constate qu’ils ne sont que des images intérieures au psychisme et que la réalité nous renvoie renversées :
– Dire que tous ces enfants ont vieilli ! Qu’ils sont morts aujourd’hui !
Mais tant que votre voix les nomme et tant que la pointe de mon stylo allume une goutte d’encre pour chacun d’eux, ils sont tous là, rassemblés, au bon endroit…
Telle est l’écriture de votre livre, une vie qui se poursuit mot après mot.
Telle est la biographie, un voyage à travers la vie jusqu’au moment où l’on posera le point ultime.
Signe que l’œuvre est accomplie.
Nous aurons donc fait bien davantage qu’écrire ce que vous avez vécu. Nous aurons rendu à la vie tous ces jours, toutes ces heures de votre vie qui se pressaient sur la page pour ne pas s’effacer.
@L’Encre au fil des jours
Géraldine Andrée
Géraldine Andrée
Voici venu le temps de tous les commencements !
Et, comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, offre-toi en cette nouvelle année un nouveau cahier.
J’ai déjà expliqué comment la fin d’un cahier est une célébration :
Pour cela, il m’importe de t’aider dans tes critères de choix en jouant avec un peu d’espièglerie sur certaines contradictions, afin que tu puisses adopter en toute conscience le cahier qui te correspond.
Tu n’arrives pas à te décider ? Essaies-en plusieurs ! Fais de la quête de ton nouveau cahier une promenade que tu raconteras sur la première page. Et quel que soit ton choix, il sera indiscutable !
Pourquoi ?
Parce qu’il est important que tu choisisses le cahier qui réponde à tes vraies envies.
Ensuite, je t’en prie, ne tarde pas !
Écris qui tu es !
Sois ce que tu écris,
en toute authenticité,
car tu es en vie
aujourd’hui !
Géraldine Andrée
Je veux lire le livre idéal,
c’est-à-dire
celui qui correspond depuis toujours à mon âme, celui qui évoquera l’éclosion du poème de chaque jour en moi et qui me fera la louange de la couleur des heures de ma vie.
Je déambule dans les couloirs des bibliothèques où tout murmure est interdit. J’entre dans les librairies des ruelles secrètes. J’explore le silence dans lequel j’entends le fin crépitement d’une reliure qui se décolle de la reliure voisine. Et il me semble être l’impuissant témoin de la mèche d’une bougie qui se brise avant que sa flamme n’ait pris naissance. Mon pas me mène jusqu’au cœur du quartier historique, où luit par intermittence l’enseigne d’un bouquiniste. Je pars en quête de mon trésor dans l’ombre épaisse qui recouvre les ors des vieux ouvrages laissés là, tout au bord du monde…
Pas la moindre étoile d’un mot n’éclaire tous ces titres qui me regardent.
En vain, je cherche dans leur couverture noire mon visage.
Il n’existe pas, hélas, ce miroir…
Mais je refuse de céder au désespoir.
De retour chez moi, je décommande le dîner avec l’amant
puis j’allume la petite lampe du soir,
et sur le cahier blanc
qui bruit comme une île au vent,
je commence à écrire la première phrase de mon livre idéal,
ce livre qui – je le sais,
en traçant patiemment les grandes lignes de la destinée de mon histoire –
me ressemblera trait pour trait.
Géraldine Andrée
Écris sur
Va à la ligne
reprends ton souffle
et continue
je t’en prie
tu n’auras terminé
ton ouvrage
que lorsque tu auras été absorbée par la page
laissant pour le regard
invisible
de ton prochain
l’ultime
signe
Géraldine Andrée
Tristesse de ne pas revoir aujourd’hui au Livre sur La Place Jeannine Burny, la compagne poétique de Maurice Carême et la fondatrice de La Fondation Maurice Carême.
En deux-mille-dix, elle m’avait montré dans un vers, parmi les bruits et les remous de la foule, le sentier calme, vert et vif d’un poème.
Les mots y étaient si simples, si peu nombreux et si vrais que ce sentier avait été tracé par le Poète pour aller droit à l’âme.
« Les jours n’avaient plus d’ombre.
Juin semblait infini
Et, dans les prés sans nombre,
Au loin, tout retardait la nuit.«
C’était tout simple extrait du recueil
Dans la main de Dieu
de
Maurice Carême
Géraldine Andrée
Je rêve
qu’une main
sème
sur mon chemin
des feuilles
où s’allument
des arcs-en-ciel.
Et je me demande :
– Mais de quel arbre
viennent-elles ?
C’est alors qu’une voix
s’exclame
dans la chambre
de mon âme :
-De toi-même !
Ce sont les feuilles
de tes poèmes
que ta plume
irise
entre tes larmes.
Géraldine Andrée