Publié dans Art-thérapie, écritothérapie, C'est la Vie !, Histoire d'écriture, Journal d'instants, Journal de la lumière, Journal de silence, L'alphabet de l'herbe, Le cahier Blueday, Le cahier de la vie, Le journal des confins, Le temps de l'écriture, Poésie, Poésie-thérapie, Un cahier blanc pour mon deuil

Sans titre

J’écris pour rattraper ce qui s’efface,

les pointillés d’or du jour

qui tremble entre les branches,

l’étincelle de l’abeille

qui traverse l’ombre

tandis que la première feuille

tombe,

l’ultime grain du rire

de l’enfance

roulant dans le silence,

les notes de la fontaine

que l’on entend encore

derrière la grille close,

les pétales du bouquet fripé,

recueillis dans les paumes

de Marie,

le château de sable

doucement défait

par la vague,

la phrase

dont le dernier mot

se fond dans l’azur jauni

du papier,

la conversation inachevée

au téléphone

un soir d’hiver

et ta voix en rêve

qui me conseille

depuis l’au-delà de l’absence

de compter

toutes les étoiles

afin de redonner un nom

à celle qui manque

au regard.

J’écris pour retenir

tout ce qui s’enfuit,

emporté par la vie.

Je n’y parviens point,

hélas !

Mais lorsque je me retourne

sur ce chemin

qui semble

vainement

accompli,

je vois

que j’ai laissé une trace

pour le souvenir

qui me suit.

Géraldine Andrée

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Guérir du deuil d’un animal en écritothérapie

Nous sommes très tôt confrontés à la mort en tant qu’enfants. Les feuilles qui tombent, les fruits qui brunissent… Dès notre plus jeune âge, nous apprivoisons les cycles de la nature qui incluent la perte, le renoncement.

Mais il est une perte qui nous concerne personnellement et qui creuse l’empreinte de l’absence en nous : celle d’un animal qui nous est cher.

Il est toujours très difficile de vivre la disparition de son animal, quel que soit l’âge. Sa mort nous remet en contact avec la vulnérabilité de l’enfant en nous et réactive souvent la douleur d’un deuil plus ancien encore.

Des témoignages d’enfants abondent en littérature sur le deuil non résolu d’un animal.

Dans le magnifique livre Écoute ton cœur de Susanna Tamaro, la narratrice raconte combien elle n’a jamais pu surmonter l’absence de son chien, que son père a attribuée à toutes les bêtises enfantines qu’elle a pu avoir commises.

De même, dans son autobiographie spirituelle Mémoires de vie, mémoires d’éternité, la psychiatre Élisabeth Kübler-Ross décrit le sentiment d’impuissance qui l’a envahie lorsqu’elle n’a pu empêcher que son proche ami lapin devienne une fricassée servie dans son assiette, à son retour de l’école.

Dans son Journal d’une enfant d’ailleurs, Opal Whiteley déplore que son cochon avec lequel elle conversait ait été tué pour finir en jambon.

Et que dire des morts d’animaux dont nous sommes témoins sans pouvoir leur être d’un quelconque secours ? Un canari qui tombe malade sous nos yeux, un chat qui se fait renverser par une voiture, un chien qui ne reviendra pas de sa visite chez le vétérinaire ?

Nous non plus, nous ne revenons pas de ces deuils car, très souvent, nous ne bénéficions pas de l’écoute, de l’attention, de l’empathie des adultes qui auraient pourtant été nécessaires pour nous permettre de traverser le chagrin.

La narratrice du récit Écoute ton cœur porte pendant toute sa vie de femme et de mère le fardeau de la culpabilité dont son père l’a chargée pour s’apercevoir, à la fin de ses jours, qu’elle a fermé son cœur, murant ainsi le souvenir de l’animal dans la nuit de son silence.

Élisabeth Kübler-Ross redoute que tout ce qui lui est précieux lui soit dérobé à chaque instant.

Quant à Opal Whiteley, elle n’aura que son journal – réduit en miettes par les autres – pour confier sa solitude.

Il faut savoir que l’animal dont on n’a pas accepté la perte hante notre psychisme. Il ne cesse de se décomposer dans notre inconscient ou alors, il se fossilise. Notre psyché devient le tombeau de ces défunts que l’on n’a pas consenti à laisser partir, ce qui peut créer des maladies psychosomatiques.

Il est pourtant possible de guérir du premier deuil de notre enfance.

  • Ouvrons notre cahier sur une page blanche.
  • Plaçons-y le souvenir de notre animal, bien vivant.
  • Imaginons qu’il coure, qu’il s’ébatte dans tout ce blanc.
  • Racontons l’un des meilleurs moments que nous avons vécus avec lui. Écrivons cet épisode avec des stylos de couleur.
  • Faisons-le jouer avec le fil coloré de nos phrases. La pelote de notre peine est enfin dévidée.
  • Songeons, de même, que notre animal joue à attraper nos mots suspendus dans le ciel du papier, comme s’ils étaient des papillons, des bulles de soleil, des brindilles de joie.
  • Une fois que nous avons fini de raconter cet instant privilégié de complicité retrouvée dans un espace-temps entre nos deux vies, ne mettons pas de point final. Non. Laissons l’ultime phrase en suspens.
  • Éloignons-nous. Quittons le cahier comme une pièce dont nous laisserions la porte ouverte.
  • Puis allons jouer, nous aussi, dans notre vie. Faisons des cabrioles avec nos rêves. Sautons pour saisir nos projets en plein vol. Courons après le fil de la musique de notre être.
  • Ne sentons-nous pas que l’animal, qui est resté si longtemps inerte en nous, s’amuse à travers notre joie ? Qu’il s’éveille dans notre âme et, ainsi, nous ranime ?

En ayant libéré de l’animal de votre chagrin, vous lui permettez d’accomplir sa mission dans l’autre vie.

Cette mission, ce peut être accompagner sur l’autre rive des animaux qui ont été emportés par la même mort que lui, les inviter à se réveiller dans leur vie céleste tout en provoquant la conscience de leur métamorphose.
Ce peut être aussi vous guider, vous protéger, vous délivrer des messages. J’ai assisté, au cours de certaines séances médiumniques, à des enseignements spirituels dispensés par des perroquets, des caniches, des écureuils.
Généralement, l’animal vous encourage à poursuivre une mission qui est souvent liée à la sienne et à la résilience qu’a provoquée cette perte.

Quelle peut être notre mission ?

La grand-mère narratrice du livre Écoute ton cœur a confié ses sentiments dans des lettres qu’elle a envoyées à sa petite-fille.
Opal Whiteley a poursuivi son journal de l’ailleurs, désignant l’invisible à ses rares lecteurs et leur montrant que tout a une âme – y compris l’herbe, la rivière, la cruche remplie de l’eau de cette rivière et que vient renifler un cochon sauvage…
Élisabeth Kübler-Ross, elle, a étudié toute sa vie durant ce qu’était la mort. Elle a enquêté sur le franchissement de la frontière qui sépare notre monde matériel du monde spirituel, en assistant les mourants. Ainsi, elle nous a délivré un enseignement majeur : les morts sont bien plus vivants que nous, les vivants.

Et nous ?

Nous pouvons voler au secours des animaux en détresse, nous spécialiser dans la psychologie animale, écrire un livre sur les chats ou les chiens parce que notre tout premier chat ou chien décédé si tragiquement nous a fait pénétrer le mystère de son existence, écrire un recueil de poèmes consacrés à notre cher ami ou un roman dans lequel il devient un véritable héros. Chien d’enquête ou de sauvetage, chat-médium, canari-musicien…

Les sources d’inspiration ne manqueront pas car la vie de notre plus fidèle compagnon qui est resté dans l’autre pièce ouverte sur la nôtre nous aura remis en contact avec l’essence de notre vie – instinctive, intuitive, originelle et profonde.

Géraldine Andrée

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Écritothérapie : Métamorphoser la perte

Fais ton inventaire !

Malgré les pertes que t’impose la vie, fais l’inventaire de tout ce qui continue à vivre en toi.

Géraldine Andrée

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Laisse aller ce qui doit te quitter

L’auteur de la Beat Generation, Jack Kerouac, a écrit :

Accepte la perte pour toujours.

Je me souviens :

Toute petite, je livrais à la force de la rivière
les brindilles dépouillées de leurs lueurs,
les cailloux ternis,
les feuilles rouies,
les pétales flétris.

Comme l’enfant abandonne à l’eau
ce qui n’est plus utile au jour présent,
dépose dans le flot de l’encre,
tes regrets, tes remords, tes peines,
tes mots qui ne sont plus que silences.

Que veux-tu confier
à la volonté du courant ?
Moi, c’est mon père, ma maison natale, la lampe de mon enfance,
tous mes journaux intimes pour lesquels
je n’ai pas de valise assez profonde.

Laisse aller, comme dit Jack Kerouac,
ce qui doit te quitter…
Laisse-le franchir la marge,
déborder de la page,
s’éloigner de ton cœur
qui lui donne de l’élan
en continuant à battre.

Fais suffisamment confiance
au mouvement de ton écriture
qui fait que deuil et vie,
mort et naissance
se rejoignent
et souris bien plus tard
lorsque, en te relisant,

tu prendras conscience
que l’ample phrase
de ton chagrin
s’est confondue
avec le point d’une étoile
dans le ciel blanc.

Signe ultime
qu’une autre histoire
entre l’Univers
et Toi
commence.

Géraldine Andrée

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J’écris pour toucher ta voix

J’écris pour toucher ta voix

qui – je le crois –

se cache

dans la feuille.

J’écris

pour retrouver

l’instant

précis

où son inflexion

changea

quand elle prononça

avant le départ

ces mots

si clairs

et si fidèles

à la vérité.

Mais plus je m’enfonce

dans la blancheur

du silence

avec ma foi,

plus je creuse

ma propre trace

et si je me vois

avançant

vers l’inconnu

avec ma seule voix

pour oriflamme,

c’est parce que je t’aide

à accomplir

désormais

ce pour quoi

ton âme

est destinée :

me donner

comme ultime

signe

que tu m’écoutes

l’envie d’écrire

aujourd’hui

encore

en ne m’adressant

qu’à l’écho

fidèle

que mes mots

renvoient.

Géraldine Andrée

Publié dans Poésie, Un cahier blanc pour mon deuil

L’aile de papier

Je t’ai trop longtemps retenu captif dans ma mémoire,
toi qui me murmures au cœur de la nuit :
« Je veux être libre. »

Alors, sous la lampe qui m’éclaire juste avant l’aube,
je détache une feuille
de mon cahier de souvenirs

et à la pointe de ma plume qui écrit
ton nom et ce seul mot, Adieu,
crépite l’aile de papier.

Tu t’es envolé.

In memoriam, nuit du 11 au 12 novembre 2018

Géraldine Andrée

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Te reconnaître

Une question me hante.
Si je te retrouvais, te reconnaîtrais-je ?
On dit que les défunts prennent souvent l’apparence
d’un papillon, d’une colombe…

Et si tu te décidais à me surprendre,
serais-je sensible à cette surprise ?
Tu pourrais, après tout,
être un flocon de neige sur ma joue,
cette poussière dans l’œil
qui fait jaillir des larmes
aussi brillantes que celles
de mon vieux chagrin
ou le baume d’un rayon de soleil
sur les lèvres sèches
de mon insomnie…

Tu pourrais être
simplement
le petit matin,
quand l’étoile
du Nord
laisse dans mon rêve
le souvenir
de son point
d’or.
Tu pourrais être encore
un crayon de couleur,
l’appel
de mon cahier blanc
à cinq heures,
la paisible respiration
du chien qui dort,
un laurier-rose
dont les branches
se penchent
par-dessus la clôture
du jardin interdit,
un tableau qui m’attire
dans une vitrine
– et voilà que je m’échappe
sur un sentier de printemps
en pleine ville,
guidée par l’ombrelle
dansante
d’une jeune fille
qui me fait signe
en se retournant
de temps en temps -,
l’ultime note
d’une symphonie de Mahler,
la brise qui me suit
derrière son feuillage vert,
un compliment espéré
depuis si longtemps,
un ami qui me revient de loin,
le seuil d’une maison
quelque part en Camargue,
un poème qui me parle
en silence,
une lampe d’enfant
dans ma solitude…

Mais peut-être
que tu ne serais rien
de tout cela
et que tu attendrais patiemment
que je te reconnaisse
au cœur
de mes habitudes,
comme, par exemple,
dans mon regard
que je pose
sur moi-même,
mon regard qui s’attarde,
chaque soir,
dans mon miroir,
mon regard devenu
plus doux,
plus clément
au fil des ans
et qui me dit
en souriant :

« Tu vois !
Ce n’est pas grave !
Tout passe ! »,

mon regard
qui, entre les battements d’ailes
de quelques secondes
de grâce
me montrerait
qu’en me voyant,
moi,
je te verrais,
Toi,
allumer en mon âme
la flamme
si frêle
mais si présente
de l’envie
d’être en vie
et d’écrire
jusqu’à la fin
cette vie-ci,
humble
comme le nouveau-né
tout nu.

C’est ainsi,
je crois,
que je te reconnaîtrais
car j’aurais la certitude
que tu renaîtrais
dans cette reconnaissance
de qui nous avons été
ensemble
et de qui nous sommes devenus
l’un sans
l’autre.

Géraldine Andrée

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Sans titre

Écrire, c’est, pour moi, lâcher prise sur ce que je veux posséder encore et qui ne m’appartient plus, les souvenirs, ces chers souvenirs que je rêve d’étreindre, bien qu’ils ne soient que des fantômes comme, par exemple,

  • la maison de mon enfance et son jardin constellé de feuilles
  • les yeux d’or de la chatte feue
  • le rire de ma mère qui a tout oublié aujourd’hui
  • la cuisine qui fleurait bon la confiture chaude de prunes aux reflets fauves
  • la bouteille de vin que débouchait mon père lors des déjeuners d’hiver
  • le grain de beauté sur le menton de mon père et qui s’est défait sous la terre
  • l’insouciance de mes seize ans quand je voulais croquer la vie à pleines dents
  • la robe de dentelle toute dansante sur mes hanches de jeune fille
  • mes anciens journaux intimes que je ne retrouve plus
  • l’aube tout éclatante dans la maison de Provence dont j’ai perdu l’adresse
  • le petit sentier bleu qui me menait vers un autre sentier et qu’une autoroute a aujourd’hui effacé
  • le scintillement de la cascade asséchée
  • les sachets de lavande au cœur des vieux étés
  • la soupière de ma grand-mère, dilapidée dans un héritage
  • ma bicyclette argentée vendue sur le Bon Coin
  • mes longs cheveux coupés parce qu’ils étaient trop difficiles à coiffer
  • mes poèmes en rupture d’édition
  • les lettres si pâles d’une carte d’amie, à jamais illisibles, comme si cette carte m’était envoyée de nulle part
  • le soleil couchant au-dessus de la colline sur laquelle se dresse désormais un immeuble
  • la jeunesse ardente qui bat telle une flamme de bougie – et puis, la nuit plus rien, si ce n’est un point de lueur dans le silence qu’il faut regarder aussi longtemps qu’il dure

Tous ces souvenirs, je les confie au papier et je les laisse aller parce qu’ils s’en vont de toute façon, bien avant l’expression de ma volonté –
fil de l’encre
devenus.

Géraldine Andrée

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Écrire et devenir

Pour écrire, je deviens ce que j’écris.

Pour écrire sur le chêne depuis longtemps arraché, je deviens sa sève qui transporte sa force jusqu’à la branche la plus haute.

Pour écrire sur le jardin à jamais interdit, je deviens sa plume d’oiseau qui ranime les herbes, sa goutte de rosée qui ressuscite toute la fontaine et par un mot, rien qu’un mot qui se fait fruit, le jardin est enfin rendu car je suis jardin pour toutes les feuilles à venir.

Pour écrire sur la poupée abandonnée Catherine, je deviens ses yeux bleus perdus dans le vague, son attente héroïque au fond d’une malle, son cœur de chiffon si tendre au cœur de l’enfance.

Pour écrire sur la maison quittée, je deviens le parfum de la chaude compote de reines-claudes qui se répand dans les chambres. Et c’est moi, ce pas qui invite l’écho dans le couloir où plus personne ne vient. C’est moi, le seuil que les défunts franchissent pour se réunir autour de la petite lampe.

Pour écrire sur le miroir détruit, je deviens les fleurs de fer qui l’entourent, son reflet où frémit une flamme de bougie, mon regard qui, en cherchant qui je suis vraiment, lui sourit.

Et en confiant au fil de l’encre tout ce qui a disparu, j’écris à la Vie tout ce que les absents sont devenus.

Géraldine Andrée

Photo de Cru00e8me Studio