Alors j’ai prié
toutes les roses
de la roseraie
et la vie m’a offert
un bouquet
de souhaits
à écrire
Géraldine Andrée
Alors j’ai prié
toutes les roses
de la roseraie
et la vie m’a offert
un bouquet
de souhaits
à écrire
Géraldine Andrée
J’écris pour retrouver le soleil des anciennes vacances qui dansait sur le carrelage de faïence de la cuisine à Porto.
J’écris pour que ma main refasse connaissance par la pointe d’un Bic bon marché avec la légèreté de mes pieds d’enfant.
J’écris pour emprunter dans ma chambre une passerelle qui mène à l’infini.
J’écris pour pardonner à la vie ses coups bas, même si ce n’est pas facile.
J’écris pour m’émerveiller du reflet du matin dans ma cartouche d’encre, tout simplement.
J’écris pour me sentir écoutée par le bruissement du papier.
J’écris pour faire de chaque carnet un voyage et quand on me demande : « C’est pour où ? », répondre : « Vers moi-même. »
J’écris pour m’imaginer que mon souffle se répand dans les feuillages du jardin disparu.
J’écris pour célébrer la compagnie de la solitude.
J’écris pour puiser la force de continuer ce livre chaque jour.
J’écris pour conclure chaque page de mon journal par cette fidèle phrase : « Il ne te reste qu’à te mettre à l’ouvrage. »
J’écris pour semer des mots quand je me suis égarée sur des chemins que d’autres ont tracés pour moi – Petite Poucette qui ne renonce pas.
J’écris pour ne plus avoir à me justifier par la suite, car je préfère laisser de la place aux corolles futures.
J’écris pour rien ; j’écris sur rien. Et si l’on me dit que c’est ridicule, j’écris pour accorder de l’importance à un pépin de pomme.
J’écris pour que, dans mon histoire à moi, au moins, ce petit pépin tout brun donne un pommier qui va grandir au fil de ma vie.
Géraldine Andrée
J’écris sans doute
pour vivre encore
un fragment
de ce qui a été vécu jusqu’au bout
et en détachant une feuille
de mon bloc-notes,
arracher un instant
du temps.
J’écris sans doute
pour suivre l’étincelle
qui sautille
sur le sentier roux ;
contempler le battement
de la flamme
juste avant que mon souffle
ne l’éteigne ;
laisser à la pivoine
aux pétales fripés
à fleur d’eau
un jour de plus.
Mais j’écris surtout
pour redonner
un instant ultime
à ce qui est feu ;
avec l’encre
étincelante
de mon point,
maintenir la lueur
de la braise
jusqu’au moment
où l’heure du sommeil
aura sonné ;
avec la liaison
entre deux lettres,
retracer ton sourire
entre tes fossettes
pendant ce dernier déjeuner
en famille,
alors que tu t’apprêtes
à disparaître ;
avec une virgule,
faire palpiter
les ailes
du papillon
exilé de son jardin
et voir qu’il a pu renaître
sous ma fenêtre
en ce poème.
Géraldine Andrée
Je voulais être la première dans le jardin.
Bien sûr, il y avait déjà beaucoup de monde
qui s’empressait à la grille.
Mais qu’importe !
Je voulais être la première dans le jardin.
Avant que les cris des enfants
ne recouvrent
le bourdonnement des silences
pour une glace à la fraise
ou à la menthe,
je voulais surprendre
au bord des sentiers
le jeu des ombres bleues,
les reflets de la terre
pas encore foulée,
le papillon qui épouse
le cours du vent,
l’abeille qui batifole
autour de l’or
d’une herbe folle,
un rayon de soleil
qui entre
malicieusement
dans une corolle.
Et je me souviens
– comme si c’était hier –
de l’instant de mon pas
sur le seuil,
aussitôt la grille ouverte,
et de la toute petite
note
de l’oiseau
qui m’accueille
en sa verte
lumière
et dont l’écho
de l’étincelle
se répète
de feuille en feuille
pour que je la suive
toujours plus haut,
parmi le balancement
des branches
au-dessus du jardin
qui fut le premier
à honorer
notre rencontre,
comme si je venais au monde.
Géraldine Andrée
Comme il est passé vite,
cet été-là.
J’ai souvenance
de la chatte blanche
qui se prélassait au soleil,
pattes en l’air,
du bercement du feuillage,
comme si le temps demeurait en enfance.
Le chant aux mille reflets
de la fontaine
promettait de couler
éternellement.
Et pourtant, cet été
a fui en un clin d’œil.
Nous avons glissé
vers la nuit des étoiles,
celle des météores
qui traversent le ciel,
laissant pour un bref instant
leur traîne d’or.
Cette nuit
de lumière,
je le savais,
annonçait l’automne.
Même si les pommes
étaient vertes encore,
je voyais déjà
quelques lueurs rousses
parsemer l’herbe
sous mes pas
et le soir, il fallait mettre
un chandail.
J’ai souvenance
d’un été
qui semble avoir duré
un dimanche.
Un matin, tu as rangé
les chaises pliantes
de la terrasse,
juste avant cette averse
qui a emporté
au passage
quelques feuilles
de la treille.
Après, plus rien
n’a été pareil.
Géraldine Andrée
Le dernier convive est parti.
On a fermé la grille,
rentré la table et les chaises
pour la nuit.
Le silence
s’avance
sur la terrasse
sans laisser
trace
de ses pas.
Seule,
la lueur
de la petite lampe
du seuil
éclaire
le souvenir
de ton ultime
murmure
qui volette
encore
jusqu’à ma chambre,
telles
les virgules
de la phrase
d’or
d’une luciole
qui passe
sans cesse
devant
le regard
attendri
de ma mémoire…
Géraldine Andrée
Le platane de ton enfance
flamboie encore
à la fenêtre de ton feuillet
encadré d’or
Géraldine Andrée
Écrire
dans l’herbe,
ce n’est, certes,
pas confortable.
Cela te picote
les jambes.
Il te faut souvent,
dans l’élan
d’une phrase,
te résoudre
à changer
de position,
pour t’asseoir
provisoirement
en tailleur
au milieu
des bourdonnements
du soleil.
Mais quel bonheur
quand la lueur
un peu follette
d’un papillon
volette
sur ta page…
Quelle surprise, aussi,
quand une minuscule
fourmi
déambule
dans la fourmilière
de ton récit !
Tu sais, alors,
que tu ne cueilles
aucun mot
par hasard
et qu’il en est
de la volonté
du Ciel
que ta feuille
soit placée
tout près
de cette feuille
de trèfle…
Géraldine Andrée
Je me souviens de l’odeur de l’herbe fraîchement tondue de mon enfance.
Elle monte jusqu’à la fenêtre de ma chambre
et il me semble qu’elle infuse dans la lumière
pour envelopper le monde.
Je lis alors Les Contemplations de Victor Hugo.
Et je crois que chaque poème me regarde
avec la force d’un iris éclos,
la foi d’un papillon voguant dans le soleil.
Puis je ferme les yeux et j’entre
dans le jardin des Feuillantines
où le murmure de la brise
me fait signe
pendant que s’éloigne
à la limite de la grille,
à la limite du silence,
la tondeuse ronronnante de mon père.
Géraldine Andrée
Je garderai
de mes promenades
du feu été
ces feuilles
toutes baignées
de rosée
qui entraîna
l’encre
dans sa trace
pour créer
en chaque mot
des fleurs
débordant
sur le silence.
Géraldine Andrée