J’écris comme je prends un train dans la nuit.
Je m’avance quand une lueur éclaire la ligne…
Puis, je m’assois au plus près
de la page bientôt couverte d’encre noire,
fenêtre à travers laquelle je vois défiler des noms
qui sont chacun une destination
que je dépasse…
Je franchis des frontières invisibles,
des limites que j’ignore,
des terres obscures,
des constellations de lumières
éphémères…
Je me penche sur des bords inconnus
qui défilent
à une vitesse
qu’une autre force
plus puissante
que mon désir
décide.
C’est souvent au petit matin
que j’arrive à ce point ultime
qui me fait signe,
telle une étoile,
et qui m’incite
dans son pâle espace
à ne pas aller plus loin.
Alors, je me résous
à vivre
là où je suis,
à m’arrêter
pour un temps
là où j’en suis,
à poser mon regard
sans jugement
sur le jour blanc
qui m’invite
à percevoir
une autre vérité
dont le mystère
s’atténue.
Mais je ne renonce pas
car je sais
que plus tard,
quand l’heure
sera venue,
j’écrirai
comme je prends
un train dans la nuit.
Géraldine Andrée
Catégorie : Journal de la lumière
L’encre et la neige
J’ai souvenance
du bleu
que la neige
me révélait
lorsque mon pas
posait son empreinte
sur le chemin noir
du soir
Aujourd’hui
mon encre
a le même reflet
que la neige
de jadis
quand
j’écris
dans la nuit
Géraldine Andrée
J’écrirai chaque soir
Depuis le temps que je le désirais, ce silence au coeur de la nuit, le voici !
J’allume la lampe nouvelle.
La maison est calme.
Dans sa paix se mire mon âme.
C’est un instant précieux que celui de voir luire l’encre bleue sous l’ombre de ma plume qui s’allonge pendant que ma main avance dans le blanc.
J’écrirai chaque soir où le noir de cendre tente de recouvrir le feu.
J’irai à la poursuite du mot Rêve qui me fait signe
et dont le point d’or cligne devant mes yeux.
Je déposerai mon souffle sur la feuille qui, déjà, me porte
et m’emporte
vers ce message qui m’attend.
Géraldine Andrée
Couvre-feu
Le feu palpite
en chaque mot
de poésie
que certains tentent
de cacher
dans la nuit
Mais le feu couve
le feu persiste
frêle lueur d’or
qui nous fait signe
pour que chacun existe
jusqu’à l’aurore
Géraldine Andrée
Sans titre
Que dans l’encre bleutée
de ton nom
qui achève
ta longue lettre
soit gardé
tout le ciel d’été
qui apparaissait
à ta fenêtre
Géraldine Andrée
Il reste peu d’encre
Il reste
peu d’encre
c’est sûr
mais suffisamment
je pense
pour laisser
une trace
du chant
d’or
du poêle
qui attend
depuis la saison
de la mémoire
de s’allumer
sur la page
blanche
comme
les aubes
hivernales
de l’enfance
Géraldine Andrée
Écrire sur les roses
Écrire sur les roses
depuis longtemps feues
pour mes yeux
mais qui flamboient encore
dans la seule saison
de ma mémoire
pour que l’encre
des mots
en garde l’éclat
jusqu’à la lampe
cette ultime corolle
du soir
Géraldine Andrée
Écrire la nuit
Écrire la nuit au rythme de la musique
des poésies, des récits
et me souvenir de ces longs voyages nocturnes
avec des morceaux d’Enya
qui remplissaient l’habitacle de la voiture.
La route s’éclairait au fur et à mesure que nous avancions
tout comme le mot allume la lueur du mot suivant.
De chaque côté de la vitre, c’était le désert de l’Atlas
et de frêles touffes d’herbes brunes
qui apparaissaient devant les phares.
L’écriture et le voyage ont un point commun :
la confiance en sa propre trace,
quels que soient l’intensité du noir,
la faiblesse de la lampe,
la sécheresse qui menace.
L’écriture me conduit
dans la nuit.
Géraldine Andrée
Il se fait tard
Il se fait tard
Alors sur ma page
où se dessine
un chemin à l’encre fine
un rayon de lune
m’accompagne
Géraldine Andrée
La lampe allumée
J’ai souvenance que mon père, grâce à un montage électrique qu’il avait inventé, programmait qu’une lampe s’allumât toute seule dans l’une des chambres lorsque nous partions longuement en vacances, ceci pour dissuader les éventuels cambrioleurs.
Ainsi, à minuit, une petite lampe de chevet brillait derrière la fente des volets. Le passant pouvait croire la maison habitée.
Mon père est feu aujourd’hui.
C’est pour cela, je crois, que j’écris des poèmes au coeur de la nuit, sous le fêle halo d’une ampoule blanche.
Je veux être, par le mouvement de l’encre dans le silence, cette énergie électrique qui allume une lueur au fond de l’absence.
Géraldine Andrée