Le poème traverse
le silence
à pas de chat
et me regarde
de ses prunelles
aux mille
éclats
levées
vers moi
Géraldine Andrée
Le poème traverse
le silence
à pas de chat
et me regarde
de ses prunelles
aux mille
éclats
levées
vers moi
Géraldine Andrée
Ma mère me dit :
-Regarde mes ongles comme ils sont longs ! On dirait une sorcière !
ça ne va pas du tout !
J’emprunte un coupe-ongles à une infirmière.
Chacun de ses doigts est dans ma main.
L’ongle se détache dans un petit claquement et tombe en silence.
Il se confond tellement avec le blanc du carrelage que l’on ne le retrouve pas.
Une fois que c’est fini, ma mère me désigne de son index ses autres doigts.
-Celui-là est réussi !
Puis elle ajoute avec le même souci de perfection et d’exigence à mon encontre
que lorsque j’étais enfant :
-Celui-ci beaucoup moins ! Essaie encore…
Disparues, les dissensions d’une vie. Effacés, les désaccords.
Seule compte la petite faille d’un ongle mal coupé que je régularise
dans une fin d’après-midi grise.
Je crois qu’elle ressemble à cela la paix, désormais :
au claquement léger du coupe-ongles
et à la rencontre de nos doigts,
pour la première fois.
Géraldine Andrée
Toutes les spiritualités nous conseillent de nous ancrer dans l’instant présent.
Nous vivons tant dans le passé et dans l’avenir !
Mais comment faire, concrètement ?
L’écriture peut nous y aider.
Je m’assois en ayant conscience de l’appui de mon bras
sur la table de bois.
J’éprouve la texture
de la couverture de mon cahier,
le grain de son papier.
J’entends
le léger froissement
de la page qui se tourne.
Quand je débouche
mon stylo plume,
je capte l’étincelle
de sa pointe
qui danse
dans le soleil.
Et l’encre
me ramène
la senteur des sous-bois
de mon enfance
où j’ai inscrit
la trace de mon pas.
Puis, je vois
le jour
luire dans le mot.
Qu’importe le message.
Chaque phrase
contient sa vérité.
C’est ainsi que je m’ancre
dans l’instant
présent.
Vous aurez peut-être
d’autres manières
de faire.
Un tapis de méditation,
la conscience
du souffle
sont très utiles,
mais l’écriture
est aussi une respiration
qui nous rend
présents
à notre propre instant.
Ecrivez !
Et vous vivrez
qui vous êtes !
Ecrivez !
Et vous serez
en Vie !
Géraldine Andrée
Mon vieux
stylo
plume
allume
des mots
éclatants
Qu’importe
je crois
le temps
dans l’écriture
de soi
puisque
chaque
goutte
d’encre
de ma phrase
fait briller
un instant
Géraldine Andrée
Dans mon rêve
de ce matin
je me voyais écrire
sur mon cahier blanc
comme une fenêtre ouverte
sur l’océan
tout ce que je désirais
vivre
et je voyais se dessiner
dans l’encre
de chaque phrase
la frêle trace
de mes pas
sur la fine terre
de l’allée
qui mène à la maison
où tu résides
pour tout le temps
que je dois vivre
et c’est ainsi qu’avançant
de mot en silence
de silence en mot
je te voyais me transmettre
l’essentiel
d’un ciel de printemps
comme si ma page
était devenue
ta fenêtre ouverte
sur le chemin
du temps
Géraldine Andrée
Où va le jour à l’heure du crépuscule ?
Sautille-t-il de violette en violette au bord du chemin?
Est-il ce souffle bleu qui s’échappe des rives -ces lèvres toujours ouvertes sur l’infini ?
Danse-t-il avec l’ombre de la fenêtre ?
Est-il ce silence qui se penche sur le jardin, une fois que l’on a rentré les chaises ?
Suit-il l’ultime lueur de l’abeille parmi les menthes ?
Traverse-t-il de son aile notre mémoire, comme un défunt auquel on songe,
pour annoncer la première étoile ?
Où va donc le jour quand il s’en va ?
Peut-être en toi. Peut-être en moi.
Mais peut-être aussi qu’il se dépose sagement sur les joues
de l’enfant qui s’endort
et qu’il y demeure
jusqu’à l’aurore…
Géraldine Andrée
A chaque mot
que je dépose
sur la page
je laisse
un bagage
qui encombrait
mon coeur
Maintenant
je vais
dans le ciel
du grand cahier
libre
et légère
comme la lumière
Géraldine Andrée
J’écris sur la page
comme je souffle
sur une fenêtre
avec jeu joie légèreté
puis je m’absorbe
toute entière
dans cette trace
que je laisse
frêle
message
dont l’adresse
est mon regard
Géraldine Andrée
Il y a dans mon rêve une nouvelle pièce
jusque là inaperçue,
une pièce dont j’ai obtenu la clé
par je ne sais quel voeu.
Une fois le seuil franchi,
je fais la découverte
du présent du silence
qu’elle a gardé pour moi.
Au fur et à mesure
que j’approche
la lampe,
je lis des titres de livres
qui m’annoncent
un futur
déjà accompli,
des cahiers
qui s’ouvrent
comme des fenêtres
sur les vérités
de ma vie,
des photographies
où je me vois devenue
celle que j’ai toujours
voulu être.
Il me semble même
croiser le regard
de mon âme
dans lequel ma lampe
allume la lueur
d’une flamme.
Et je m’exclame
en mon coeur :
J’ignorais
qu’il y avait une telle pièce
dans ma maison,
un endroit si profond
en moi-même
qui attendait
pendant tout ce temps
que j’entre
pour qu’il me révèle
toutes les richesses
– connaissances, réflexions –
que j’ai depuis toujours !
Maintenant, je fais confiance
à son obscurité.
Je lui apporte
chaque jour
les nouvelles visions
que j’ai récoltées
et que je destine
dans un coin d’ombre
à ma propre rencontre.
Géraldine Andrée
J’écris mon journal
avec de l’encre noire
pour que ses feuilles
me montrent
entre les mots
leur éclat blanc
comme si chaque instant
futur
de relecture
était un printemps
Géraldine Andrée