Ecrire Je

Ecrire son autobiographie est un beau présent que l’on s’offre.

Et pourtant, il y a quelque réticence, lorsqu’on parle de soi, à écrire Je.

Commencer sa page par Je, c’est faire preuve d’une certaine indécence ou d’un narcissisme certain, c’est – familièrement – se regarder le nombril.

Pourquoi tant de honte ?

Parce que la société nous apprend, très jeunes, à mettre notre individualité au service de la collectivité. Il faut se conformer aux principes généraux, sociaux, aux codes culturels. Tout ce qui semble personnel, voire trop intime, est, au mieux, inintéressant, au pire, superficiel et vaniteux.

Et pourtant, commencer sa page par ce petit pronom qui désigne toute la potentialité de notre Soi, c’est se mettre à l’écoute de sa voix profonde, renouer avec ses instincts, ses désirs les plus anciens, ses rêves d’enfance ; c’est apprivoiser le chagrin et la joie, se mettre au contact de ses larmes et de ses sourires ; c’est éprouver toute son ambivalence d’être humain qui fait de la faiblesse de sa condition une force.

Ecrire Je dans son journal, c’est convier autrui à prendre sa place sur la page, c’est transformer sa vie, quelle qu’elle soit, en élan universel, c’est découvrir que tous les Je sont reliés dans le Nous de la caravane humaine.

Alors, écrivez Je – en haut, en bas, à droite, à gauche, au centre de la page.

Autour de ce pronom, faites graviter les mots que vous préférez, vos mots fétiches, porte-bonheur, vos mots-talismans.

Voyez comme vous êtes le centre de votre univers.

Pour écrire, il faut se sentir essentiel comme chaque étoile qui contribue à éclairer l’encre noire du ciel.

Allumez une lampe pour vous-même et reconnaissez-vous dans sa singulière clarté !

Ecrire Je, c’est vivre qui l’on est vraiment ; se voir briller dans le reflet du pronom à peine tracé et qui sèche.

De Je en Je, vous avancez parce que vous écrivez.

Et avant d’être lu, voire reconnu par tant d’autres Je, vous existez.

Géraldine Andrée