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Atelier d’écriture thérapeutique 3

Lorsque le monde te déçoit, que les gens sont des abonnés absents à tes appels, que les lumières des vitrines te semblent inaccessibles, que les flèches te mènent à une voie sans issue, que les panneaux te paraissent insignifiants,

tout ce dont tu as besoin,

c’est de ton cahier intime.

La page sous la lampe enfin t’éclaire ; les flèches que tu traces te renvoient à toi-même, la phrase-clé qui se glisse entre tes questions est la réponse de ton âme.

Dans ton cahier, tu ne peux qu’avancer car le sens qui te trouve avant que tu ne le cherches est unique – le tien.

Trois mots te suffisent pour voir la direction :

ici et maintenant,

avec ton stylo qui te guide de l’un à l’autre.

Prendre soin de toi
en prenant le temps d’écrire
du bout de la simple mine
d’un crayon
ce qui te mine,
c’est ce que la vie te demande.

Tout ce dont tu as besoin,
c’est du présent
de ta main sur ces mots
et de ton sourire
d’enfant
après le point.

Géraldine Andrée

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Nourrir la page

Chaque jour,
je nourris la page
de la moelle
de mes mots,
du lait bleu
de mon encre,
de la pâte
de mes feutres

qu’elle absorbe
avidement
en y laissant
des traces
qui sèchent
lentement
dans la lumière
de l’instant.

Je l’abreuve
aussi
de mes larmes
dont le sel
brille
sur ses bords
comme sur des lèvres
de nouveau-né.

J’y ajoute
la substance
légère
de mes rêves,
des joies
d’enfance,
des désirs
de toujours.

Et je m’aperçois
qu’à force
de nourrir
la page,
c’est moi
qui éprouve
de plus en plus
le manque,

selon le vieil
adage
« L’appétit
vient
en mangeant ».
Aussi ai-je
envie
de retrouver

cette appétence
insatiable,
comme lorsque
j’étais âgée
de treize ans
et qu’après avoir fini
de sustenter
ma vie

dans mon journal
intime
par des bribes
de pensées,
des éclats
de conscience,
des aventures
quotidiennes,

je jugeais
que ce n’était pas
suffisant
et je revenais
faire offrande
au papier
d’une émotion
adolescente.

Évidemment,
jeune
comme je l’étais
jadis,
j’ignorais
cet instinct
de maternité
envers mon cahier.

Mais je le sais
aujourd’hui :
en nourrissant
la page
de moi-même,
j’ai de plus en plus
faim
de la vie.

Géraldine Andrée

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Atelier d’écriture créative 2 : La maturité

Tu sais que tu as atteint
la maturité
lorsque tu as compris
que les limites
de la marge
sont faites
pour être transgressées,
dépassées,
franchies,
comme à l’époque
où tu passais par-dessus
la barrière interdite
pour te perdre
dans un champ
d’avoine sauvage
ou que tu allais bien plus loin
que la lisière
de la vague
sur la plage
pour initier
une brasse
vers le grand large.

Tu sais que tu as atteint
la maturité
lorsque tu as renoncé
à être
l’écolière
bien sage
que tout le monde aime,
pour courir après
cette petite fille
que tu fus
et qui, au terme
d’une longue
journée d’étude
poursuit
un point
follet
de lumière
sur le chemin
alerte
d’un poème,
là où personne
ne peut l’appeler
et lui dire
de se préparer
à dormir,
parce qu’elle est enfin
le seul maître
de ce vers
qui s’apprête
à sauter
une ligne
et même
à sortir
de la page…

Tu sais que tu as grandi
lorsque tu redeviens
en écriture
comme en dessin
cette fillette
à l’âme
indomptable.

Géraldine

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Atelier d’écriture thérapeutique 2 : Écris

Écris avec des lettres frêles comme des pattes de mouche ou en te laissant porter par l’ample vague d’un délié ;
Écris le jour ou la nuit ; sous la lampe de ta chambre ou sous le soleil de midi ;
Écris bien à l’abri ou au milieu des remous du monde ;
Écris sans penser à rien puis capte la sensation qui vient ;
Écris tantôt à gauche, tantôt à droite avant de trouver le juste milieu ;
Écris à l’intérieur de tes limites ; écris en franchissant toutes les lignes de sécurité ;
Écris bien sagement sans envahir les bords de la page puis écris pour faire reculer les marges ;
Écris dans la nuit en avançant vers le blanc ;
Écris en effaçant le mot de trop ; écris en ajoutant un détail oublié ;
Écris jusqu’en bas et remonte vers le haut de la feuille pour trouver la cime invisible ;
Écris penché sur la page comme sur la terre mais écris tout de même à ciel ouvert ;
Écris parce que tu es seul ; écris parce que tu ne veux plus rester seul ; écris parce qu’il est important de tendre un fil entre les autres et toi ;
Écris dans le silence ; écris pour prendre ta revanche sur l’indicible ;
Écris afin de rester centré ; écris afin de te laisser dériver toujours plus loin ;
Écris et rature, comme le promeneur recouvrirait son pas de fétus ; ensuite, réécris ce qui doit subsister malgré tout en tant que trace ;
Écris pour confier tes soucis à la gomme du temps ;
Écris car c’est essentiel, bien que ce soit inutile aux yeux de la majorité des gens ;
Écris pour tous ceux que tu ne rencontreras jamais, ces intimes inconnus ;
Écris car ton cœur se vide par ses fêlures ; écris car chaque trait est une cicatrice ;
Écris jusqu’à ce mot ultime que tu ignores parce que tu n’es pas arrivé au bout ; écris pour qu’au moment de ta disparition, demeure la Vie,
rien que la Vie.

Géraldine Andrée

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Atelier d’écriture créative 1 : La voyageuse dans la nuit

Il était tard…

J’aurais souhaité écrire sur la plage au crépuscule, afin que le soleil déposât son éclat ultime sur la page.
Hélas ! J’avais laissé passer le temps en faisant la fête sur la terrasse.
Lorsque mes pieds foulèrent le sable, la petite lune m’observait déjà, répandant le lait de sa lumière autour de son visage à moitié enfoui dans l’oreiller du ciel…
Pendant un instant, je songeai à retourner dans ma chambre pour écrire, comme d’habitude, sous la lampe.
Mais je me ravisai.
Le temps que je remonte la pente herbeuse, que je marche le long du chemin bordé de pins et que je pousse le portail de l’hôtel, une demi-heure s’écoulerait au moins. Et je craignais, au moment d’écrire, de me sentir trop lasse…

Je m’assis alors sur le rivage.
Je n’avais pour seule lueur que le point bleu d’une petite lampe au centre d’un groupe de jeunes Orientaux qui fumaient le narguilé en bavardant doucement, à quelques mètres de moi.
Comment parviendrais-je à écrire avec une syntaxe acceptable, à maintenir l’équilibre de mes phrases, à tracer des lettres lisibles et correctes, sans lumière suffisante ?
Pour mettre un terme à cette question obsédante qui dansait dans ma tête, j’ouvris mon cahier.

La page me semblait la nuit elle-même… Néanmoins, il me fallait faire confiance à l’élan de mon esprit et au mouvement de ma main. Peut-être que l’univers qui se déployait là, juste devant mon regard, me demandait de me frayer avec ma plume un chemin dans le noir infini, tel un oiseau nocturne…

J’écrivis donc. Je me laissai porter par mon vol, la vibration de l’aile d’une idée nouvelle qui me précédait, sans me préoccuper de la direction rationnelle du texte sur le papier. J’ignorais comment la pointe de ma plume occupait l’espace. À gauche ? À droite ? Au milieu ? L’écriture se détachait de mes yeux, courait au gré de son désir d’exister, comme une enfant désobéissante. Enfin ! J’échappais à l’autorité de ma volonté ! Je lâchais prise sur mes intentions. Je ne me souciais plus du résultat. Je savais, certes, que j’écrivais un roman au sujet de ma vie. Mais le Comment demeurait un mystère. L’écriture allait bien plus loin que ce projet. Elle dépassait toutes mes velléités. C’était elle, la voyageuse dans l’obscurité. Et je me fiais, en tant que sa compagne de route, à son tracé, même s’il m’était inconnu et invisible.

À la fin, le groupe d’Orientaux s’était dispersé. Le silence avait envahi la plage. Je n’entendais que la respiration des vagues…

Alors, je refermai mon cahier, me levai et foulant, pieds nus, le sable, je repris la pente herbeuse…

Quand j’allumai la lampe de ma chambre d’hôtel, je fus éblouie par mes pages. Les mots ne s’entrechoquaient pas mais s’unissaient. Les lettres s’enlaçaient comme des amoureuses ; une phrase s’enroulait autour de sa sœur ; une autre se déliait vers le haut, sans destination, poursuivant un point inexistant dans la marge. Des expressions s’épousaient, donnant naissance à des associations insolites, des néologismes poétiques, des images qui me révélaient la splendeur de ma propre profondeur que j’avais ignorée pendant trop longtemps.

C’est ainsi que la métaphore la mer de mon âme m’apparut, m’invitant à l’explorer très tôt le lendemain en tant que plongeuse.

Quant à mon traditionnel roman, il s’était métamorphosé pour devenir, au moment où l’héroïne, trahie et en pleurs, s’effondre sur son journal intime sans parvenir à raconter de manière structurée l’histoire qui la faisait tant souffrir,

long calligramme.

Je me sentais heureuse. J’étais récompensée d’avoir accepté d’écrire aveuglément, d’avoir pris le risque d’écrire mal, car cette expérience m’avait rendu au centuple ce que j’avais consenti à abandonner, en m’offrant un lumineux résultat que je n’attendais pas.

L’écriture dans la nuit m’avait éclairée.

Essayez, vous aussi. Asseyez-vous avec confiance dans le noir. Ouvrez votre cahier et voyez ce qui s’écrit indépendamment de vous, avec le regard de votre cœur.
Renouvelez l’expérience lorsque vous êtes très exigeant – voire tyrannique – envers votre être, que votre mental vous en demande trop, que vous doutez ou que vous avez peur.

Car ce sont ces doutes, ces résistances et ces peurs qui, assurément, vous enferment dans la nuit.

Écrivez,
surtout si une lueur
est trop lointaine.
Parce que l’écriture vous mène
à une source certaine
de lumière :

vous-même.

Géraldine Andrée