« Quoi ! Vous ne vous en souvenez pas ? »

Rappel de la mission d’un écrivain privé-biographe familial

Pour prévenir certaines polémiques susceptibles de naître après la publication des ouvrages, il me semble essentiel de rappeler ce qu’est la mission d’un écrivain-biographe et ce qu’elle n’est pas.

1) On ne peut reprocher à un écrivain privé-biographe familial de ne pas se « souvenir » des faits évoqués dans l’ouvrage. Il y a trois bonnes raisons à cela : au moment de l’existence de tel ou tel fait, il n’était peut-être même pas né ! Et quand bien même fût-il né à la période concernée, il n’aurait peut-être pas vécu sur ces terres… Et quand bien même eût-il vécu sur ces terres, un écrivain-biographe ne peut être né dans tous les pays et à toutes les époques que ses clients lui demandent d’évoquer. Il ne peut être né à la fois avant la Deuxième Guerre Mondiale, dans le Finistère, puis sous l’Occupation en Moselle et ensuite dans le désert algérien pendant la guerre d’Algérie. 50 biographies, 50 dates et lieux de naissance ? Un écrivain-biographe n’est pas immortel comme le Comte de Saint-Germain. Il n’en possède donc pas la mémoire. Il n’est pas le protagoniste de toutes les histoires de vie…

2) Un écrivain-biographe ne rédige, par conséquent, que les souvenirs que le narrateur lui livre. Il est une plume PRIVÉE. Aussi ne peut-il écrire le livre du voisin ou du lointain cousin ou des amis du narrateur – quand bien même ces derniers auraient, eux, écrit le livre autrement, en ajoutant ou supprimant des épisodes. L’écrivain-biographe rédige le livre pour SON narrateur ; il l’aide à accoucher de SA vie et non pas de la vie, de l’AVIS d’autrui. Il s’agira donc du livre de CE narrateur – surtout si la biographie ne lui pas été offerte par l’entourage et que le narrateur la paie lui-même. Si c’est la famille qui offre l’ouvrage, généralement, je demande à ce que le livre soit relu par la famille qui a fait ce cadeau, afin que tout le monde soit pleinement d’accord sur l’ouvrage ; ce qui n’est pas le cas pour une biographie individuelle que l’on s’offre de soi à soi.

3) Un écrivain-biographe ne passe pas le narrateur au détecteur de vérité. Si ce narrateur transforme les souvenirs ou en élude certains – qui semblent pourtant capitaux à d’autres mais, encore une fois, ce ne sont pas ces autres qui ont entrepris la démarche biographique -, c’est qu’il y a sans doute de bonnes raisons à cela. La principale raison est d’ordre PSYCHIQUE. Nous, les biographes privés et familiaux, savons que la mémoire œuvre de concert avec l’inconscient – ou l’âme pour les ésotériques. Si ces souvenirs ne sont pas évoqués, c’est qu’ils ne sont pas utiles à L’ÉVOLUTION PERSONNELLE, ÉMOTIONNELLE, PSYCHIQUE ET SPIRITUELLE du narrateur. C’est aussi simple que cela. En effet, l’écriture d’une biographie fait partie d’une démarche de DÉVELOPPEMENT PERSONNEL et à ce titre, c’est l’inconscient du narrateur qui participe également à l’écriture de l’ouvrage en sélectionnant, voire en métamorphosant les souvenirs parce que, pour une raison mystérieuse, cela est lui nécessaire. Après tout, la mémoire opère elle-même ce travail d’alchimie sur les souvenirs et je ne pense pas qu’un neurologue, sur ce point, me contredira.

4) Un écrivain-biographe n’est pas un devin. Il ne peut pas deviner que telle ou telle connaissance fréquentait le jardin, la maison, quelle était la couleur d’une robe de dimanche si cela – pour les raisons évoquées dans l’item 3 – ne lui pas été DIT.

Un écrivain-biographe est un médium -non pas au sens spirituel du terme, mais au sens concret – entre le narrateur et le livre à naître, la voix et le papier tout comme la sage-femme est le médium entre la mère et l’enfant. Et, à ce titre, il restitue en sculptant le texte la vibration d’un lieu, d’une époque, d’une âme.

Et c’est TOUT. Et c’est déjà BEAUCOUP, je crois.

Comme on accepte un enfant pour sa présence et non pour la couleur de ses yeux, n’oubliez pas qu’avant tout, votre livre existe parce qu’il a répondu à un désir d’écriture.

Et si votre livre doit faire partie de la mémoire de l’écrivain-biographe, il fait partie des souvenirs – comme chaque œuvre écrite – des saisons que sa plume a traversées.

En biographie, de tous les pays et de toutes les vies que nous décrivons, nous gardons surtout en mémoire les moments d’écriture passés en tête-à-tête avec le narrateur.

Et ces moments, nous nous en souvenons longtemps.

Géraldine Andrée