J’ai achevé mon carnet de gratitudes que j’ai tenu pendant un an.
Hier était l’ultime page.
Je reviens au premier feuillet.
Il y a un an, jour pour jour, le 27 août, ces mots étaient écrits à l’encre bleue :
« La nuit me fait toujours l’immense présent du frêle frottement de la plume sur la page.
Je note la phrase de mon père :
C’est un beau jardin. Regarde cet arbre centenaire.«
Mots qui datent d’avant la mort de mon père et dont l’encre demeure si vive !
Pendant toute cette année de deuil, je n’ai pas flanché ; je n’ai pas fléchi.
J’ai relaté fidèlement mes petits émerveillements.
Dans ma solitude, je n’ai pas trahi l’écriture.
Quand je relis ce carnet de mille grâces, j’approuve ce que j’y ai déposé.
Je note à nouveau ici la récurrence de mes joies :
- écouter une émission de rock en faisant la vaisselle du dîner
- étendre mon linge dans le calme d’une fin de journée
- observer la lente promenade des nuages avant de partir travailler
- lever les volets sur les roses du balcon d’en face
- remercier la lumière que j’ai pour lire, le temps pour désirer, l’espace pour rêver
- sentir vibrer ce que j’écris comme le soleil sur mes reins
En mars, je déclare
« Faire le deuil des cendres et grandir« .
Pendant tout l’hiver, je suis partie pour le pays d‘Happinez, de Simple Things, d’Open Mind, de Respire.
J’ai aimé les couleurs et les odeurs d’imprimerie de ces magazines, la fraîcheur de leur couverture pour mon âme brûlée. J’avais l’impression d’être apaisée par de la neige d’avril.
« Mon plaisir favori, glisser un petit carton imprégné de mon parfum personnel dans ce carnet. Ce sera, ainsi, un véritable carnet intime.«
Le cahier de gratitudes m’a appris la réciprocité de l’offrande : découvrir que la gratitude est une offrande et l’offrande une gratitude.
J’ai traversé l’absence avec ce carnet à la main. Cette mort que j’ai vécue fut constellée d’une myriade de vies.
Alors, gratitude à mon carnet de gratitudes qui m’invite à revivre tous ces petits plaisirs pour un an encore.
C’est promis, demain matin, j’allume un soleil dans le soleil en faisant fondre du miel blond sur de la mie d’or.
Géraldine Andrée
