Elle avait arrêté d’écrire. Elle avait abandonné son journal intime très loin dans l’obscurité de l’armoire. Elle l’avait chassé de sa mémoire.
Elle avait arrêté d’écrire pour ne pas perdre son temps, pour ne pas se retarder car elle avait son histoire d’amour à vivre. Alors, elle s’est précipitée dans ses sensations. Elle a connu l’ardent, le vif, les fleurs puis les larmes, le temps coupant de l’attente, la fièvre sans espoir d’apaisement, la colère aux tempes battantes, l’entaille indicible de l’âme. Elle s’est jetée à corps perdu dans le nom de l’Amour. Elle s’est abîmée dans ses émotions.
Un matin où elle s’est réveillée seule dans le silence aux mille portes closes, elle s’est acharnée à comprendre. Et elle s’est souvenue de son journal. Elle l’a délivré de la nuit, honteuse comme si elle avait trahi un ami.
Elle a fixé la page blanche qui succédait à son ancienne vie. Elle aurait voulu y voir notées les différentes étapes de sa douloureuse traversée. Elle aurait souhaité retrouver les mots du beau temps qui précède la tempête. Elle aurait beaucoup donné au passé pour pouvoir se relire avec ses connaissances du présent. Il lui paraissait si urgent de se comprendre.
Mais il était trop tard. Rien de ce qu’elle avait vécu n’était écrit. Comment pourrait-elle guérir de cet abandon ?
Alors, elle écrivit cette phrase qui résumait toute son expérience :
« Si l’on n’écrit pas pour vivre, on écrit pour revivre. »
Géraldine Andrée