Écrire
faire un pas
avoir toujours
un mot
devant soi
un mot
qui contient
la brindille
l’étoile
la feuille
de tilleul
et qui fait
que malgré
la longueur
du chemin
qu’il reste
à tracer
le cœur
se sent
moins seul
Géraldine Andrée
Écrire
faire un pas
avoir toujours
un mot
devant soi
un mot
qui contient
la brindille
l’étoile
la feuille
de tilleul
et qui fait
que malgré
la longueur
du chemin
qu’il reste
à tracer
le cœur
se sent
moins seul
Géraldine Andrée
Je me demande ce que ma vie serait devenue sans l’écriture…
Si je devais jadis écrire pour vivre, je prends conscience aujourd’hui qu’il me faut également vivre pour écrire.
Sans l’écriture, peut-être ne serais-je plus en vie…
Mais il me faut vivre – vivre encore – pour continuer à écrire.
En effet, comment laisse-t-on une trace sans les doigts qui tiennent la plume, et sans la ronde du sang, sans le mouvement des muscles qui déplacent le stylo jusqu’au mot suivant ?
De même, comment donne-t-on corps dans une œuvre à l’idée ou à l’émotion sans ce corps qui nous permet de réaliser tout ce qui est possible ?
Pour qu’un texte existe sur la feuille, l’incarnation est nécessaire.
On ne dessine aucun chemin avec une plume qui vogue seulement dans la lumière.
Et pour que tout ce qui demande à vivre – un poème, un rêve, une incandescente virtualité – soit écrit, la matière est primordiale – le papier, l’ardoise, la terre, la pierre – afin que la main puisse le destiner à l’éternité…
On doit être vivant pour rendre l’écriture vivante et le récit de l’éphémère expérience humaine, immortel.
C’est ce que j’ai découvert au fil de l’encre.
Alors, nul besoin de clore les volets, d’allumer la lampe et de se destiner à la nuit tant que la page n’est pas remplie.
Chaque jour, je ferme le cahier, je lace mes souliers et je pars en promenade.
Puis je reviens riche de toutes ces feuilles qui me regardent.
Géraldine Andrée
Alors que tu as quitté ton corps
depuis longtemps,
je vois encore
palpiter la veine
de ton cou
comme autrefois
quand assis
au soleil,
tu lisais
ton journal.
C’est une pulsation
si lente
et si régulière
qu’il me semble
qu’elle fait battre
la lumière
dans le jour
et je trouve
si étrange
cette force
de la présence
qui continue
à prendre
chair
dans l’absence
que je me demande
si ce n’est pas la raison
pour laquelle
j’écris
ce poème :
accorder
dans le mouvement
du sang
bleu
de mon encre
le rythme
patient
de ma plume
avec le pouls
fidèle
de ton cou
qui, peut-être, se penche
sur ce blanc
silence
que tu m’as laissé…
Géraldine Andrée
Quand elle arriva dans la ville nouvelle, elle ne connaissait absolument personne. Ses collègues de travail restaient des collègues et dans sa boîte aux lettres ne parvenaient que des factures.
Elle ne sait pas d’où l’idée lui vint – elle avait lu peut-être dans un livre de développement personnel que rien ne valait les mots d’amour, de foi, d’encouragement que l’on s’adressait à soi-même -, mais elle décida, un matin, de guerre lasse, de s’écrire une lettre.
Sur le fin papier blanc, elle évoqua longuement ses états d’âme, sa mélancolie, son regret de n’avoir pas choisi la bonne vie. Puis elle cacheta la lettre, y colla un timbre et la posta.
Quelques jours après, quand elle reçut le courrier et y lut ces mots d’appel à l’aide, elle eut tout de suite l’envie de répondre à cette amie perdue.
Elle écrivit alors une seconde lettre où elle apposa des phrases de réconfort, de foi, de pardon. Elle proposa même des solutions – se faire plaisir quotidiennement, une bonne promenade peut-être, un bain de sel, le titre d’un livre dont la lecture était toujours remise à plus tard.
Et elle s’envoya, comme la première fois, la seconde lettre.
C’est ainsi que, jour après jour, elle établit une correspondance avec elle-même et devint sa meilleure amie.
Lorsqu’elle regardait par sa fenêtre la ville illuminée dans la nuit, elle songeait au trajet invisible que faisaient ses lettres pour apparaître au matin jusqu’à chez elle. Et s’il y avait bien une personne sur laquelle elle pouvait compter dans toute cette ville, dans toute cette nuit, c’était Elle – à la présence fidèle, indéfectible.
Sa solitude l’avait menée à une telle certitude.
Au fil des jours, les messages devinrent plus enthousiasmants, plus vibrants. Elle se parla d’un livre qu’elle avait comme projet d’écrire, d’un voyage qu’elle tenait à réaliser.
Elle eut alors l’idée de s’envoyer des cartes pastel – par elle-même réalisées – du pays rêvé, avec ce « Bonjour, ma chérie ! Je t’écris d’ici ! », inscrit au feutre de couleur bleue au dos du paysage.
Elle partit à cette destination. Elle publia son livre. Peu à peu, elle se fit des amis dans le monde entier. Sa vie se déploya au-delà de cette ville qui l’avait – apparemment – tant limitée !
Et dire qu’elle était l’auteur de la magie qui surgissait dans son existence !
La vie n’est pas écrite. On peut, par les mots, la vivre autrement si l’on ose l’écrire selon le scénario de ses rêves.
Quoiqu’il vous arrive, utilisez toujours à votre égard des mots qui vous redonnent vie.
Géraldine Andrée
Quand je veux
faire le deuil
de ce que je n’ai pas vécu,
je m’endors
avec un recueil
de poèmes
sur mon cœur
et dont les mots
sont des yeux
d’or
qui me veillent
jusqu’à ce que je devienne
moi-même
Aurore.
Géraldine Andrée
Retrouver
la chambre
de l’enfance
et sous l’édredon
qui fleure
bon
la lessive
de lavande
vivre
mes rêves
pendant que le feu
vermeil
et tranquille
d’un bouquet
de roses
me veille
Puis le lendemain
me voir
dans l’aube
du miroir
un peu autre
plus neuve
plus heureuse
ignorante
de toutes
ces épreuves
qui m’attendent
Sourire
ainsi
à mes yeux
tranquilles
en bordant
chacun
de mes cils
de mascara
bleu
sans me soucier
d’entendre
la voix inquiète
de ma mère
qui s’exclamera :
Voyons !
C’est beaucoup trop tôt !
Tu es si jeunette !
Géraldine Andrée
Tant pis si je n’y suis pas encore arrivée :
au moins ai-je posé le premier mot sur la page, le premier pas sur le chemin…
Et tant pis si ce chemin est encore long :
au moins ai-je connaissance de la destination…
Et tant pis si la destination me paraît bien lointaine :
au moins puis-je préparer un bagage pour savourer mon voyage…
Et tant pis si le temps de ce voyage dure une vie :
au moins sais-je profiter de chaque instant présent qui le compose…
Et tant pis si toute ma vie est dirigée par ce désir :
au moins aurai-je appris à déployer la voilure nécessaire à ma réussite…
Au pire, tant pis si je n’ai toujours pas réussi
car je me donne l’opportunité de rêver encore plus haut !
Alors, tant mieux
que ce soit tant pis :
ce qui me semble inaccessible aujourd’hui
possède l’éclat de l’astre
qui guide mes yeux
quand il fait trop nuit…
Géraldine Andrée
Tout cela pour vous dire ceci :
Parce que l’on a écrit notre vie, on peut Vivre !
Géraldine Andrée
Certains soirs,
lorsque la vie
m’est peine,
je confie
mon âme
à un poème
qui se confie
à mon âme
et même
si personne
ne le sait,
ce silence
qui tremble
dans la flamme
d’une bougie
en témoigne.
Géraldine Andrée
La pluie a inondé mon cahier.
Pour lui faire retrouver sa beauté, mes paumes l’aplatissent, le lissent.
Puis le fer à repasser repasse plusieurs fois sur ses pages chiffonnées.
Hélas ! Les poèmes gondolent et les mots s’effacent…
Mon cahier a perdu sa grâce !
Alors, j’abandonne.
Je me console en me disant que mon cahier relie désormais des feuilles d’automne
dont les nervures sont des lignes
où je devine
un alphabet invisible.
Géraldine Andrée