J’ai souvenance
du bleu
que la neige
me révélait
lorsque mon pas
posait son empreinte
sur le chemin noir
du soir
Aujourd’hui
mon encre
a le même reflet
que la neige
de jadis
quand
j’écris
dans la nuit
Géraldine Andrée
J’ai souvenance
du bleu
que la neige
me révélait
lorsque mon pas
posait son empreinte
sur le chemin noir
du soir
Aujourd’hui
mon encre
a le même reflet
que la neige
de jadis
quand
j’écris
dans la nuit
Géraldine Andrée
Le plaisir
de traverser la forêt
puis de rentrer,
d’ouvrir son carnet,
et, les doigts encore transis,
de noter
tout ce que l’on a rencontré,
l’animal errant,
la brindille,
la tige dépouillée
et la trace de son pas tranquille
dans la terre mouillée.
Géraldine Andrée
Ne plus jamais manger dans les assiettes de l’enfance
celles où brillaient jadis les reflets d’ambre
de la soupe éclairée par la lampe
et que salaient souvent mes larmes
pour une mauvaise note ou une vénielle désobéissance
Ne pas recouvrir avec le fruit d’aujourd’hui
la fleur qui s’émaille
Enfouir les assiettes de l’enfance
dans l’ombre de l’armoire
comme au cœur de la tombe d’un pharaon
après les avoir ensevelies
dans du double papier journal
Et oublier que l’on a une mémoire
Oublier que l’on a souvenance
de l’enfance qui repose dans la nuit
Garder pour soi cet oubli
Géraldine Andrée
Depuis le temps que je le désirais, ce silence au coeur de la nuit, le voici !
J’allume la lampe nouvelle.
La maison est calme.
Dans sa paix se mire mon âme.
C’est un instant précieux que celui de voir luire l’encre bleue sous l’ombre de ma plume qui s’allonge pendant que ma main avance dans le blanc.
J’écrirai chaque soir où le noir de cendre tente de recouvrir le feu.
J’irai à la poursuite du mot Rêve qui me fait signe
et dont le point d’or cligne devant mes yeux.
Je déposerai mon souffle sur la feuille qui, déjà, me porte
et m’emporte
vers ce message qui m’attend.
Géraldine Andrée
Elle me dit
Prends ton appareil
photo
et photographie
le jardin
Il ne faut pas oublier
toutes ces belles violettes
ces feuilles
de trèfle vertes
ces roses au soleil
Évidemment
il n’y a point
de jardin
entre les murs
de la maison de retraite
Alors j’écris
ce texte
pour garder souvenir
du jardin invisible
qui existe
dans le regard
sans mémoire
de ma mère
Géraldine Andrée
Elle a commencé un journal intime
Et un cahier de poésie à l’adolescence.
Elle se souvient que les crampes des premières menstruations tenaillaient son ventre alors qu’elle écrivait ses poèmes.
Une lunaison pour un cahier plein…
Le soir de la pleine lune blanche,
L’œuvre, aussi maladroite fût-elle, était menée à terme,
Bien qu’il parût évident
Qu’elle demeurait encore un peu une enfant.
C’est ainsi.
Son sang a toujours accompagné son encre
Jusqu’à chaque page ultime,
Jusqu’à la signature un peu timide
De ses recueils disparus aujourd’hui,
Géraldine
Alias Maureen,
Que seule ce soir
La lampe de sa mémoire
Souligne d’or
Et lui destine.
Géraldine Andrée
Le beau rivage de l’été
est parcouru d’un vent glacé
Je crois que je peux descendre
jusqu’à la vague
pour retrouver ce souffle
qui s’enroulait autour de mes hanches
et me faisait dériver doucement
vers la lumière
Mais le vent m’avertit
que si je vais plus loin
la vague fouettera mon visage
de sa haute main
et que le voyage
vers l’azur brun
sera inexorable
C’en est fini de l’été
de l’abandon
à la confiance
immense
de l’océan
Alors je rebrousse chemin
Je remonte la pente
de la plage
et je m’en retourne
vers une autre rive
celle de la page
que mon souffle
élargit
jusqu’à cette lueur bleue
là-bas
ce point ultime
qui me fait signe
aussi loin
que me porte
la foi
de mes yeux
Géraldine Andrée
Écrire mon journal
c’est comme
marcher dans les feuilles
de l’ancien automne
tandis qu’apparaissent
entre deux intervalles
de ciel
les feuilles nouvelles
Géraldine Andrée
Quand j’ai sorti de son tiroir ce cahier bleu ciel et que j’ai contemplé ses pages encore blanches qui allaient et venaient entre mes mains comme une balançoire dans le vent, je ne savais pas qu’il serait le recueil de tant d’enfances déposées.
Géraldine Andrée
Juste revenir
sur les mots anciens
et retrouver
tout le sens
qu’ils avaient alors
comme on se replace
en suivant ses propres traces
sur la beauté du chemin
Géraldine Andrée