Où s’en est allée la rosée
Où s’en est allée la rosée
sur les feuilles de menthe
Je cherche ses points
depuis ce matin
et je me demande
si je ne l’ai pas rêvée
comme autrefois
quand j’emportais
des étoiles
en me rendormant
Reviens
reviens vers ton regard
derrière la taie
de tes paupières
retrouve le premier
émerveillement
de l’enfant
qui rentre à la maison
avec sa corbeille de prunes
cueillies
en catimini
quand tout le monde
sommeille
encore
Reviens à cette solitude
qui te murmure
Souviens-toi
Tu écris de la poésie
parce que tu n’es pas de ce monde
Reviens vers les voix
qui s’entrelacent
tissent leurs nids
pour que tu puisses
y trouver
refuge
dans l’exil
Reviens au premier mot
du jour
ce nombril
relié
au cordon de
l’encre
dans lequel
tu entends
la pulsation
du temps
Reviens
à la veine
du poème
qu’irrigue
ton sang
Reviens
à ce bourgeon
qui vibre
palpite
annonce
la fleur
sans qu’aucune
prophétie
soit nécessaire
La rosée
effacée
est toujours
présente
dans la lumière
qui déploie
sa voilure
sur la terre
Fais crépiter
le papier
comme ces branches
que le bras du promeneur
écarte
Humecte ta bouche
La rosée point
dans la salive
d’un mot
d’encouragement
que tu prononces
en traçant un sentier
pour ce vers
qui traverse
seul
pieds nus
la page
déserte
Remonte
à la source
qui est partout
y compris
chez toi
dans le cri
de ta gorge
qui jaillit
sur le blanc
et qui multiplie
ses gouttes
de silence
en silence
La source est surtout
en toi
Écris
écris encore
comme on frappe
des pierres
entre elles
jusqu’à l’étincelle
qui t’arrachera
des larmes
de joie
Récite
alors
à voix haute
l’histoire que tu avais confiée
à la nuit
jusqu’à ce que la sève
remonte
dans ton corps
explose
sur ta bouche
Sens-toi devenir
tige
vertige
déplie-toi
dans l’attente
du jour
Il y aura toujours
un poème
une constellation
dans le jardin
de tes mains
si tu le veux bien
Tu es toi-même
ce point de rosée
sur lequel se penche
l’enfant
qui n’aura pas oublié
son rêve
tant que tu écriras
à l’aube
Géraldine Andrée
