Publié dans C'est la Vie !, Ce chemin de Toi à Moi, Mon aïeule, mon amie

Dédicace

Le soleil

du jeune

printemps

éclaire

la chaise

où jadis

tu étais assise

pour écrire.

 

A Toi

qui as traversé

le temps

et qui demeures

maintenant

tout en haut

du silence

bleu,

 

je veux

dédier

ce poème

des jours

qui élargissent

leur page

d’or

à l’endroit

 

de ton absence.

Géraldine Andrée

Publié dans Ce chemin de Toi à Moi, Mon aïeule, mon amie

Traces découvertes

Je détache

les pages

d’un vieux livre

que tu écrivis

après l’épreuve

de La Guerre.

Et sous

la lame

du coupe

papier,

les feuilles

jaunies

de tes mémoires

craquent

comme

des feuilles

d’automne

au fur

et à mesure

que j’avance.

 

Il me semble

qu’il n’est

pas trop tard,

que je reviens

à temps

pour montrer

à qui

veut les voir

les traces

d’une aïeule

oubliée.

Telle

est ma vie :

un chemin

destiné

à suivre

mot

après mot

ta vie

comme une succession

de pas

que les feuilles

de la morte

saison

auraient

trop longtemps

recouverts ;

et en écrivant,

révéler

l’empreinte intégrale

qu’ils ont laissée

pour nous

tous,

passants

dans la Vie.

 

Géraldine Andrée

Publié dans Je pour Tous

Une voix pour un pays

Le pays est détruit.
Partout, ce sont
des maisons éventrées,
des éboulis,
et, entre les pierres,
un jouet sans enfant,
un miroir sans visage.

Mais alors,
par quel miracle,
les fruits ont-ils tant de couleurs
dans les corbeilles,
les éclats de voix
constellent-ils les rues
qui se rencontrent ?

Par quelle grâce
ce rayon de soleil
se balance-t-il
sur les feuilles de la treille
et la poussière du chemin
accueille-t-elle le visiteur
dans un halo d’or ?

Par quel don d’enfance
entend-on venir
le pas de l’âne
dans l’ardeur du silence
et tinter à ses oreilles
ses clochettes qui dissipent
les ailes noires de la sieste ?

Par quelle magie
souveraine
la rose de l’aurore
et du soir
peut-elle encore éclore
sur tous ces toits
qui se touchent ?

Un tel miracle
s’accomplit,
mon amie,
car le pays
est devenu
au temps ultime
Mémoire.

Géraldine Andrée

Publié dans Ce chemin de Toi à Moi

Joues roses sur ciel bleu

C’est un ciel bleu de crépuscule aux nuages roses.

Il ressemble, ce ciel bleu d’aujourd’hui, aux ciels de mon enfance :

celui que je voyais de la terrasse de ta maison à Metz quand les notes des oiseaux perlaient dans le silence du jardin ;

celui qui s’étendait au-delà de la colline où chantait l’angélus que tu as tant célébré dans tes cahiers ;

celui qui entrait par la fenêtre ouverte, les fins de dimanche de mars où il fallait se quitter dans un dernier baiser ;

le ciel de ton vaste miroir sur lequel apparaissait ton visage et que le voile noir de la cécité t’empêchait de voir, les ultimes années.

Il paraît que le soir précédant ton départ, tes joues se sont rallumées et qu’elles ont pris la teinte joyeuse des roses sauvages.

Le soir suivant, elles étaient feues.

J’aime croire, en ce premier soir de printemps, que ces nuages roses sont tes joues qui s’éclairent pour moi, pour que j’entretienne ma foi en la Vie et que j’élargisse ainsi mon espace, comme les ciels bleus de jadis que je contemplais de chez toi.

Géraldine Andrée

Publié dans C'est ma vie !

Mon cahier bleu

J’avais pendant mon adolescence un cahier bleu que je retrouvais à chaque période de vacances.

C’était un cahier surligné de la marque Majuscules au papier épais et brillant.

Dans ce cahier secret, je me sentais en sécurité. Je le considérais comme un refuge, un espace de non jugement.

A la différence des autres cahiers intimes – mal tenus car j’y écrivais mes propres poèmes, et jamais satisfaite de mon oeuvre, je gribouillais, raturais, griffonnais, rayais, réécrivais en dessous des vilaines rayures et des flèches hésitantes… -,

ce cahier était propre, constellé de lettres fines et sûres.

Forcément. J’y recopiais des paroles de chansons de Charles Trenet, Jean Ferrat, Georges Brassens, Léo Ferré, Jacques Brel à partir des Collections Seghers consacrées aux chanteurs dits « à textes ».

Là, je ne me tourmentais pas avec le choix des mots ou le rythme des phrases.

Le texte coulait de source. Je me laissais porter, au fil de l’encre, par le frottement de la  plume sur les pages.

Je savourais les vers pour eux-mêmes. Je m’y abandonnais comme sur une balançoire. Je buvais à la source de la poésie initiale destinée au chant depuis le début de l’humanité.

Je recevais l’essentiel.

Quand j’écrivais dans ce cahier bleu, je me sentais singulièrement douée pour le bonheur.

La paix m’était enfin accordée.

J’ignore où cette petite anthologie d’adolescente demeure. Je crois qu’elle s’est perdue au fil des années. Peut-être a-t-elle été jetée au cours du Grand Déménagement.

Il m’arrive d’éprouver une profonde nostalgie pour ce cahier.

Mais lorsque j’ai l’occasion d’écouter les paroles des chansons de Charles Trenet, Jean Ferrat, Georges Brassens, Léo Ferré, Jacques Brel,

je sais que j’ai eu l’inestimable chance de suivre avec ma plume

pendant mon adolescence

leurs paroles à la trace.

Aujourd’hui, je rends grâce par ce petit texte sur mon blog peu lu

à mon Cahier Bleu Majuscule

Géraldine Andrée

Publié dans C'est ma vie !

Quelle abondance !

Quelle abondance, tout ce temps disponible pour écrire !
Quel luxe, tous ces grains de page et toutes ces gouttes de couleur marine !
Quel voyage, les méandres de ces phrases !
Quelle liberté, cette blancheur qui me fait signe que le jour commence !
Quelle chance, tous ces dimanches destinés à un poème !
Quel avenir, cette simple présence face à mon souffle qui relie tous les silences !
Quelle vie que la mienne qui se déroule, mot après mot !

Géraldine Andrée