Je rêve que la maison de mon enfance
revient vers moi,
puisque je ne peux revenir
vers elle ;
qu’elle m’habite pleinement ;
qu’elle occupe tout mon espace intérieur :
dans mes yeux,
la véranda qui donne sur le jardin ;
sous le carmin de mes joues,
la cuisine à carreaux rouges ;
dans ma poitrine,
le placard bien clos des secrets ;
au creux de mes reins,
le salon, sa table ronde et son piano profond ;
dans mon nombril,
le boudoir où Anne cachette ses lettres ;
dans ma gorge,
le murmure de la baignoire pour le père le dimanche matin ;
au bord de mes lèvres,
le rebord de la petite fenêtre sur laquelle se posent les moineaux ;
dans ma mémoire,
l’armoire aux mille poupées qui me regardent ;
dans mes cheveux,
la bibliothèque de contes qui se lisent la nuit ;
sur mon front,
la chambre du haut où j’écris de la poésie ;
et sur mon cœur, devinez qui est assis ?
le silence, ce chat tout gris,
qui respire doucement,
en attendant que la main de l’aïeule
redevenue enfant
ouvre
la porte du fond
sur le seuil du temps.
Géraldine Andrée
