Je tiens
ta main
Je sais
que c’est
l’ultime
fois
que je touche
ta peau
tes veines
tes ongles
s’enfonçant
dans ta paume
comme
s’ils s’accrochaient
à la branche
de la vie
derrière
les barreaux
de la cage
de ton lit
Je ne veux pas
lâcher
tes doigts
car j’ai bien
conscience
que cet abandon
sera
définitif
Mais est-ce
un abandon
quand ta main
inerte
au cœur
de la mienne
n’a plus rien
à me dire
Pourtant
je tiens
ta main
déjà froide
Je la réchauffe
avec le sel
de mon chagrin
Que le sang
qui bat
sous ma peau
remette
en mouvement
le tien
Aujourd’hui
ma main
tente
de maintenir
en vie
ta main
qui m’a bercée
habillée
nourrie
mais qui m’a aussi
donné des claques
ta main
qui m’a laissée
dans cette cour
d’école
d’où j’entends résonner
mon cri d’enfant
Reviens
Ta main
qui était aussi aimante
que violente
caressante
qu’inaccessible
Ta main
dont j’aurais tellement
aimé
qu’elle me guide
plus loin
***
Lâcher
ta main
parce qu’il n’y a
plus rien
à faire
plus rien
à vivre
que tout
est écrit
ainsi
Il se fait tard
J’ai sommeil
La petite
lampe
veille
On me dit
de partir
de desserrer
ta main
de la poser
sur le drap
car tu te trouves
tout au bord
de l’embarcadère
et qu’il n’est bien
ni pour toi
ni pour moi
de te retenir
d’entraver
ton départ
Ton lit
est un bateau
qui doit
se défaire
de tout lien
pour voguer
vers l’autre
côté
Tu partiras
quand tu le décideras
Alors
j’imprime
en ma mémoire
le grain
de ta peau
qui me rappellera
que j’ai été
ton enfant
Je détache
mes doigts
des tiens
comme d’un bouquet
défait
Je revêts
mon manteau
j’enroule
mon écharpe
autour
de ma gorge
nouée
Je franchis
le seuil
de la porte
en sachant
que demain
on aura joint
tes mains
Je sors dans les bruits
et les lumières de la ville
et je me dis
Il me faut t’écrire
c’est-à-dire tracer
des lignes et des lignes de vie
pour te faire signe
de là où je suis
car c’est peut-être moi
qui suis trop loin
Géraldine Andrée

