Est-ce toi qui vois les lumières des vitrines à sept heures du matin ces pigeons qui picorent près des bancs déserts et qui déposent la trace verdâtre de leur passage comme preuve qu'ils existent aussi
Est-ce Toi qui détournes le regard des sacs poubelle de la veille
Ou est-ce Toi cette femme qui se rend au bureau en talons hauts et dont le sillage parfumé à l'eau de violette te suit jusqu'à la gare
Tu peux entrer dans ce bistrot commander un café-crème te regarder longtemps dans la glace des toilettes ôter cette mèche devant tes yeux es-tu sûre de te reconnaître
Qui dit qu'il n'y a pas quelqu'un quelque part dans le monde qui te ressemble ou qui est ce Toi éprouvant ressentant vibrant par tous ses pores ouverts
Qui dit que tu n'es pas en quête de cet autre toi-même qui t'attend ici dans un immeuble de cette ville ou dans une ville plus lointaine Moscou Londres Auckland
Qui dit qu'il n'y a pas un peu de Toi dans chaque regard tels les fragments d'un miroir éclaté après une dispute dans une chambre d'hôtel
et qu'il te faut reconstituer patiemment réunifier seconde après seconde avec du fil d'or
Toi comme lui comme elle comme nous tous nous faisons de notre mieux pour vivre aimer sentir notre cœur battre au fond de notre poitrine
Tous nos souffles se suspendent sur le même fil comme les perles d'un collier infini
Alors peut-être que tu es Toi lorsque tu ajoutes ton souffle à chaque souffle funambule au-dessus du monde afin que si l'un se rompt sur la terre