Écrire, c’est
- Se regarder dans le miroir des mots et se dire : « Je vais mal » ou « Je vais bien. »
- Traverser la longue journée pour être à l’heure à ce bref rendez-vous fixé avec soi.
- Choisir son cadre et son rythme.
- S’entendre respirer.
- Suivre son souffle.
- S’attendre fidèlement à chaque espace parcouru, sans rien attendre du monde, des autres – et surtout de soi.
- Partager sa journée entre « l’avant » et « l’après » de la page.
- Se glisser dans les interstices.
- Franchir la ligne.
- Verser, déverser, épancher.
- Être le témoin des marges qui s’effacent.
- Être le contenant sécurisant des émotions qui s’apprêtent à déborder.
- Rejoindre le bord. Puis tirer un trait.
- Entrer dans la chambre blanche, déposer ses valises, fermer la porte et retrouver les autres, allégé.
- Comparer le crépitement de la page tournée au craquement de la chrysalide.
- Relater sa transformation, point par point.
- Écouter ce murmure inaudible qui touchera la feuille avant d’effleurer les lèvres.
- Répéter le geste. Sans se lasser. Parce que c’est ainsi que l’on a pleinement conscience de ce qui s’écrit, là et ici.
- S’apercevoir que le temps coule à travers soi. Et que c’est bien ainsi. De même que l’on ne peut retenir le temps, on ne peut empêcher l’encre de s’en aller.
- Capter ce qui passe. Et passer en même temps.
Écrire surtout pour ne pas relire, ni donner à lire.
Parce que cela équivaudrait à arriver, et donc à mourir.
Écrire pour être.
Écrire pour être enfin délivré
du besoin d’exister.
Géraldine Andrée
