Journal de lecture : Souvenir d’enfance 1
Le 29 Juillet 2025
S’il y a bien un livre que je découvre aujourd’hui et que j’aurais aimé lire, enfant, c’est
Journal d’une enfant d’ailleurs ou La Rivière au bord de l’eau d’Opal Whiteley.

Titre insolite, comme l’est l’autrice. La version pour petits s’intitule Les Yeux des pommes de terre. Cet ouvrage existait à ma naissance. Pourtant, je ne l’ai jamais rencontré, ni en librairie, ni en bibliothèque, comme s’il devait être caché.
Je l’ai découvert en lisant Ateliers d’écriture de la psychiatre Nayla Chidiac, réalisés avec des patients de l’hôpital Sainte-Anne.
Et je l’ai acheté dans la librairie en ligne, La Cause des livres d’Emmaüs.
Dérangeant, oui, ce livre l’est. Il bouscule l’ordre social et familial établi dans une Amérique du début du vingtième siècle.
Je pense que certains livres nous sont destinés et que leur lecture est écrite dans notre vie, inscrite dans notre cheminement intérieur.
Pourquoi ai-je rencontré Journal d’une enfant d’ailleurs ?
Il y a une part d’Opal en moi qui ai aussi la sensation de venir d’ailleurs, d’un autre pays, d’une autre planète. Opal décrit comment elle vient de très loin, d’une famille française aristocrate et qu’elle a ensuite été adoptée par une famille de bûcherons aux États-Unis. Je me suis moi-même inventé une famille médiévale. Ma mère s’appelait Thècle.
Je me demande si ce sentiment d’étrangeté n’est pas toujours partagé, comme celui de la solitude ?
Plus tard, j’imaginais que j’avais une famille très aimante qui s’était installée dans l’armoire de ma chambre, une famille du continent de Marmousie.
Il y a des auteurs qui sont nos frères ou nos sœurs spirituels. Il en est ainsi pour Opal avec moi.
La fillette essaie chaque jour de faire plaisir à sa mère, mais « cela tombe toujours à côté » et elle se fait battre comme plâtre. Seule, l’écriture la console, la cajole, la berce. Pour moi aussi, l’écriture fut une mère inconditionnelle, m’allaitant avec le lait des mots.
Le journal d’Opal est un journal de résilience, un journal kintsugi car Opal l’a soigneusement reconstitué, fragment par fragment, durant des années pour qu’il soit publié, bien longtemps après que sa sœur l’a déchiré en mille morceaux.
Mon journal était mon meilleur ami (il l’est toujours). Un ami intime que je saluais quand je rentrais chez lui, puis quand je le quittais après une longue visite.
Il était une porte qui s’ouvrait avec une petite clé d’or sur le royaume de mon cœur.
Le fil de son encre a participé à la cicatrisation de mon être psychique blessé.
Opal écrit son journal, même lorsqu’elle est recluse, punie, sous le lit. Alors, elle accède à l’infini :
« J’entends des chansons – les berceuses des arbres. Mon derrière me fait un peu mal mais je suis heureuse d’écouter la musique du soir du bel univers de Dieu. Je suis vraiment heureuse de vivre.»
À demain pour la suite.
Géraldine
