Publié dans écritothérapie, Créavie, Histoire d'écriture, Le temps de l'écriture, Récit de Vie

Atelier d’écriture créative 3 : Le rendez-vous clandestin

Que de temps pour le désirer, ce rendez-vous clandestin !
Que de luttes pour parvenir à se libérer ; que de combats pour se détacher des exigences de ses proches !
Au milieu des cris des enfants, des protestations du conjoint, du linge empilé, des miettes de biscotte sur la table, accepter enfin cette évidence : « Si tu n’oses pas, personne ne le fera pour toi ! »
Se considérer comme responsable de ses choix… Et tant pis pour ce qu’ils pensent… « Mère égoïste, épouse individualiste »… Son libre arbitre est sa seule lumière.
Violent, ce besoin de s’échapper loin… Violent, oui, mais vital !
Alors, que de courage pour être honnête envers son cœur ! Que de force pour trouver cette excuse, somme toute, très banale :
« Je vais faire une course ! »

Puis, enfiler son manteau ; chausser ses bottines ; saisir son sac et son parapluie ;
puiser dans la témérité de cet appel vibrant de soi à soi pour affronter la pluie, le vent, le soir qui tombe, les flaques, l’incivilité des passants, le ballet des voitures, l’énervement des klaxons, les chaussées noires, les artères bouchées où l’intention de traverser multiplie par deux le risque de se faire renverser…
Attendre sous un abri de bus que la pluie cesse un peu avant d’atteindre le digicode de l’immeuble.

Appuyer sur le bouton de l’ascenseur qui clignote dans le hall.
Bientôt le septième étage.
Le plus dur est fait…
Et voici le minuscule studio lumineux comme la lampe d’Aladin.
La voici redevenue elle-même, une fois la porte close sur le parapluie secoué.
Elle a rejoint l’île du silence.

Dans le miroir, elle se regarde, se sourit, ôte son manteau gris, dénoue ses cheveux mouillés, pose sur la petite commode en osier sa barrette argentée.
Quelle histoire pour en arriver là !
Quelle aventure jusqu’à ses yeux !
À la porte de sa poitrine frappe ce cœur qu’elle a ignoré pendant trop longtemps.
Elle se déchausse, envoie ses bottines aux quatre coins de la pièce, retire son pull qu’elle roule en boule.
Elle est là, pieds nus sur la moquette douce, en chemise de dentelle.

Alors, elle ouvre son sac à main, sort le carnet de cuir, le stylo orné d’un pompon rose, s’étend sur la couverture en mohair, fait sauter l’élastique du carnet et à la page cinquante-sept,

elle se sent prête
pour son rendez-vous avec l’amant
sur le lit blanc
de la page qui l’attend.

Et vous, comment se passent vos rendez-vous avec votre passion, votre activité préférée, votre art favori ? Vous faut-il lutter pour arracher ces moments au temps ou ceux-ci coulent-ils de source ? Que ressentez-vous ? Comment vous retrouvez-vous ? Quelles sont les sensations et les émotions qui vous traversent ? Y a-t-il un endroit à part, où vous vous sentez bien ou devez-vous intégrer cette parenthèse à votre quotidien ? Vous pouvez me raconter votre histoire de retrouvailles avec vous-même en commentaire !

Géraldine Andrée

Publié dans Créavie, Le cahier de la vie, Le livre de vie, Récit de Vie

Rendez-vous sur ma page

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Tant pis

Tant pis si je n’y suis pas encore arrivée :
au moins ai-je posé le premier mot sur la page, le premier pas sur le chemin…
Et tant pis si ce chemin est encore long :
au moins ai-je connaissance de la destination…
Et tant pis si la destination me paraît bien lointaine :
au moins puis-je préparer un bagage pour savourer mon voyage…
Et tant pis si le temps de ce voyage dure une vie :
au moins sais-je profiter de chaque instant présent qui le compose…
Et tant pis si toute ma vie est dirigée par ce désir :
au moins aurai-je appris à déployer la voilure nécessaire à ma réussite…
Au pire, tant pis si je n’ai toujours pas réussi
car je me donne l’opportunité de rêver encore plus haut !
Alors, tant mieux
que ce soit tant pis :
ce qui me semble inaccessible aujourd’hui
possède l’éclat de l’astre
qui guide mes yeux
quand il fait trop nuit…

Géraldine Andrée

Publié dans Grapho-thérapie, Journal créatif

Je tiens un journal intime

Je me souviens quand, toute jeune fille, j’ai déclaré à mon professeur de français devant la classe :

– Je tiens un journal intime !

C’était comme si j’avais dit que je possédais une grande maison de vacances ou que j’étais entrée dans un cercle d’amis fabuleux.

Moi qui étais si effacée, moi dont on se moquait, moi que l’on ne respectait pas, je m’étais enfin dessiné par cette courte phrase un contour. Je m’étais donné une densité, une profondeur, une vérité. Je devenais consciente de la rencontre entre l’être et le faire, entre la joie et le chemin. Je me tendais un miroir où je me reconnaissais, objectivement, sans que le regard de quiconque m’influençât.

Ainsi, j’étais présente, vivante moi aussi… Et cela, rien qu’en écrivant dans ma chambre. J’existais pour mes pages blanches. Ce cahier à la couverture fleurie était mon île, un lieu sûr dans lequel je pouvais advenir à chaque instant par ma propre présence.

Je tiens un journal intime…

Que de secrets contenait cette simple phrase ! Que d’énigmes la rendaient riche ! Que de mystères dont j’étais l’unique détentrice jouaient seulement à se laisser deviner !

Que pouvais-je bien raconter, si démodée avec mes couettes et si étriquée dans ma jupe plissée ?

Je ne le confierais jamais qu’au papier !

Je n’étais donc pas tout le temps définie par les autres… Je ne leur appartenais pas… Une part de moi, insaisissable, essentielle, leur échappait définitivement.

Quand je songe aujourd’hui à l’image de cette petite clé dorée qui a brillé sous mes yeux au moment où j’ai prononcé cette phrase, je me dis que j’avais compris à mon jeune âge l’importance de l’indépendance.

Je tiens toujours un journal intime

car je suis celle qui me comprend le mieux.

Géraldine Andrée