Je suis retournée en songe dans le jardin de l’enfance ancienne
très loin dans une autre vie en Amérique
J’ai retrouvé au bord de mes cils l’ambre des cimes illuminées par le soleil d’une fin d’après-midi avant que les ombres ne s’allongent
Je me souviens de la joie de cet éblouissement pareille à celle que j’éprouvais en renversant la tête sur la balançoire
Un ballon tournoyait haut pour retomber ensuite dans la corbeille de mes bras
Une voix intérieure qui ressemble à la mienne m’annonçait que c’était bel et bien l’été indien
Les ultimes parfums de l’herbe tiède de la saison infusaient l’air tranquille
Je ne sais pas si j’étais garçon ou fille
Après tout qu’importe
J’entends encore mes pas qui claquent sur l’escalier de bois lorsque ma mère m’appelle dans l’embrasure de la porte
Je suis retournée en songe dans le jardin de l’enfance ancienne
Nul n’est témoin de cette vie
La terre ne garde pas l’empreinte des existences passées
L’air n’a pas mémoire de l’éclat des ailes des papillons
Seul le songe a le pouvoir de révéler derrière les yeux clos une lueur une voix une sensation
pour soi certaines
mais pour autrui très discutables
et qui ne se prêtent donc à aucun partage possible
Qu’importe après tout
Comme trace de mon passage très loin dans le jardin de l’enfance ancienne
en Amérique
j’écris ce poème
éclairé au bord de ma table par un rayon de soleil roux
qui s’apprête
à disparaître
derrière les ombres du soir
Géraldine Andrée