Tu es le pont
qui me mène
par-delà
le silence
vers l’étoile
prochaine.
Géraldine Andrée
Tu es le pont
qui me mène
par-delà
le silence
vers l’étoile
prochaine.
Géraldine Andrée
La gratitude
à mon retour
d’écrire
sous le point
d’or
du jour
après
avoir traversé
la nuit
de fête
tiède
et bleue
Toutes
ces étoiles
pour mes seuls
yeux
Géraldine Andrée
Au mot mémoire j’associe le mot miroir
La mémoire est un miroir
où se reflète l’éclat des choses passées
le garage à vélos sous le feuillage
la serre de Grand-Père aux plantes entrelacées
les œufs de Pâques cachés sous le noisetier
les vitres vertes de la verrière qui rendaient l’ombre de ma chambre si claire
l’épais rideau derrière lequel j’avais peur de voir surgir le Gnolo ce monstre hydrocéphale
le tablier de Grand-Mère rempli de nèfles
les fleurs de porcelaine bleue des tasses de thé
le fauteuil à bascule sous le soleil de l’après-déjeuner
le vitrail de la porte qui allumait le long de l’escalier des lueurs orangées
le feu de feuilles flétries dont la fumée se dévidait jusqu’aux lisières de la ville
La mémoire est un miroir
où les souvenirs brillent encore
de tous leurs yeux d’or
à la manière des astres morts
Géraldine Andrée
Quel silence, aujourd’hui !
Certains disent
que c’est un silence
où rien ne luit ;
un silence
d’eau profonde
où l’on s’enfonce
si l’on cède
à ses peurs ;
un silence
de tombe,
de fin du monde…
Moi, je pense
que c’est un silence
où tout
commence :
le silence
de la première
seconde
qui précède
l’aube,
juste avant
l’éclosion
des notes d’oiseaux ;
un silence
fait de feuilles
et de souffles
qui, lui seul,
connaît
sa source ;
un silence
qui réunit
tous les jardins
dans sa main
et qui s’adresse
au coeur
des choses ;
un silence
qui accueille
la lueur
d’un bourdonnement
et qui attend
que scintille
le tintement
de la cloche
d’un dimanche
de célébration
pour verser
sur nous
la moisson
de ses chants ;
un silence
qui bat
la mesure
de son propre
temps ;
un silence
qui espère
sereinement
notre métamorphose
pour nous faire présent
du chuchotement
des roses ;
un silence
de patience
qui demeure
encore
ce point
d’or
que la grâce
suspend
entre
deux instants.
Géraldine Andrée
La mer
tourne
doucement
ses pages
et annonce
au monde
à chaque
seconde
une phrase
nouvelle
qui brille
dans le soleil
Géraldine Andrée
Feuilleter le vieux répertoire
oublié pendant vingt ans.
Au fil des pages,
m’apercevoir
que les noms
qui désignent
des décédés
sont eux-mêmes écrits
par une main décédée.
Me poser alors
cette question :
Si j’appelais
tous ces numéros
dont l’encre
jaunit,
à quel seuil,
quel jardin,
quelle chambre
me mèneraient-ils ?
Pendant un instant,
j’aime croire
que ce sont des numéros
de l’au-delà
et que dans l’écouteur,
j’entendrais battre
le coeur
de la nuit
gonflé
par le lait des étoiles
et qu’une voix venue
de la Centrale
de l’Univers
me dirait :
Votre correspondant
est en ligne !
Nous lui transmettons
votre appel
à tire-d’aile.
Mais je ne fais rien.
Je laisse mon téléphone
en sommeil.
Je ne jetterai pas,
ce soir,
le vieux répertoire
qui s’en retourne
à l’ombre
de son tiroir.
Ensevelir les noms
pas très loin,
juste à portée de ma main
pour les faire revenir
à la lumière
après Demain…
Géraldine Andrée
Je suis riche de tous mes cahiers, qu’ils se présentent sous les titres de Cahiers du matin, Cahiers de l’âme, Carnets de gratitude, Journaux à bulles.
Il y en a de tous les formats – de celui que je glisse discrètement en promenade dans ma poche ou dans mon échancrure à fleur de coeur à celui qui, déployé comme une corolle, recouvre la moitié de ma table.
Cahiers de moleskine à la couverture noire entourée d’une lanière extensible, cahiers souples Clairefontaine, cahiers fleuris de midinettes qui se ferment avec une petite clé dorée… Pages surlignées, quadrillées, piquetées, ou blanches telle une belle matinée de printemps…
Papier de texture épaisse, voire cartonnée, pour mes plus intimes secrets ou si fine que l’encre de mes mots y transparaît au verso comme si je me regardais dans un lointain miroir…
Quand je feuillette tous ces cahiers remplis, je prends à rebours les chemins de ma vie et je m’aperçois qu’ils sont bien souvent détournés.
Je voyage d’une humeur à l’autre. Mon écriture se fait douce, lente et régulière comme la rivière de mon enfance, puis soudain elle s’accélère, tourne sur elle-même, se perd dans ses méandres et je reconnais à ses saccades et à mes taches d’encre mon halètement, mes trébuchements. Une virgule, un point ont été perdus en cours de route, la syntaxe de la phrase est en suspens, ouverte encore, bien que le paragraphe soit achevé, sur tous les possibles.
Je découvre parfois dans la reliure des miettes égarées de pain ou de gâteau sec ou encore le cercle d’une goutte de thé versée à côté…
A la fin de ma vie sonnera l’heure où je me dirai peut-être que j’ai tout écrit.
Alors, je prendrai un fil quasi infini et je relierai ensemble tous ces cahiers que je ne peux relire dans leur totalité. Ce sera, pour ceux qui voudront découvrir l’inconnue que je fus, l’Anthologie de mon Âme.
Géraldine Andrée
J’arrive à l’ultime page de ce cahier qui m’a accompagnée pendant toute une année.
J’écris ces dernières lignes avec regret, comme si je quittais un pays que j’ai beaucoup aimé.
Je me souviendrai longtemps des feuillets lisses, décorés et quadrillés, des traits fins pour m’inciter à dépasser chaque jour mes peurs et mes limites.
Bien sûr, mon aventure se poursuivra avec un autre cahier. Mais j’éprouve toujours un pincement de coeur quand je referme un journal intime qui est le dépositaire de toute une période de ma vie.
Tristesse, joie, espoir… De cahier en cahier, de feuille en feuille, les saisons passent…
Je songe à mon état d’esprit lorsque j’ai débouché mon stylo pour inscrire la date en haut de la première page, dont la blancheur brillait dans le matin.
Je ne savais pas que vingt pages plus tard, je vivrais un déménagement, une mutation ; que trente pages plus loin, le deuil me frapperait ; qu’après quarante pages de chagrin, ma guérison débuterait, aidée en cela par les connaissances de mon âme libre de naissance.
Dans la neige du papier, un chemin s’écrit toujours. Et si le chemin était déjà tracé par la destinée ? Et s’il suffisait de le deviner puis de l’esquisser avec la pointe de la plume?
Dans ce cahier déjà achevé, il y a tant d’idées, de projets, de rêves, de désirs encore non accomplis !
Au coeur de l’été qui s’annonce, je soulignerai avec des feutres de couleur tous ces voeux et je composerai un recueil de mes possibles lendemains. Faire un bullet-journal de ce qui demeure en attente dans ce bullet-journal. Preuve que j’ai toute une vie à vivre puisqu’il me reste tant de cahiers à écrire, le suivant n’étant que la continuité du précédent…
Quand je serai bien vieille – et donc quand le fil de ma vie sera sur le point de se briser -, je les coudrai ensemble avec un seul fil incassable.
Voici, cher lecteur, l’anthologie de mes chers moments vivants…
Dans ce journal, je découvre que j’ai été fidèle aux valeurs d’authenticité et de bien-être et que les grandes lignes de mon dessein ont été suivies.
Malgré les ruptures, les bouleversements, j’ai réalisé ce qui m’importait – l’écriture autobiographique, le développement personnel et spirituel, mes études en art-thérapie.
J’ai pu exorciser mes anciennes douleurs dans le récit de mon enfance ; j’ai obtenu mon premier module de Psychologie ; j’ai tenu un cahier poétique de la traversée de mon deuil ; j’ai noté les gratitudes que m’offrait mon installation dans un nouveau département… Et surtout, j’ai toujours gardé en tête le Projet… d’avoir des projets !
Cette ultime page où je fais le bilan du tracé de ma voie est la plus importante.
Alors, en signe de remerciement, j’y appose cette phrase du célèbre écrivain Henry Miller qui pourrait servir d’exergue à mon futur cahier ainsi qu’à tous ceux qui débutent un journal
« N’oubliez pas de ne pas oublier »
pour donner à la vie une mémoire
et pour donner à la mémoire une vie.
Géraldine Andrée
Que puis- je dire de ma vie ?
J’écris.
J’avance.
Je confie comme tout promeneur ma trace
au sable, à la terre, à la neige,
et au vent qui contient tout les souffles possibles
pour la répandre
grain après grain
dans l’espace.
Géraldine Andrée
ET CELA ME PLAÎT !
Géraldine Andrée