J’arrive à l’ultime page de ce cahier qui m’a accompagnée pendant toute une année.
J’écris ces dernières lignes avec regret, comme si je quittais un pays que j’ai beaucoup aimé.
Je me souviendrai longtemps des feuillets lisses, décorés et quadrillés, des traits fins pour m’inciter à dépasser chaque jour mes peurs et mes limites.
Bien sûr, mon aventure se poursuivra avec un autre cahier. Mais j’éprouve toujours un pincement de coeur quand je referme un journal intime qui est le dépositaire de toute une période de ma vie.
Tristesse, joie, espoir… De cahier en cahier, de feuille en feuille, les saisons passent…
Je songe à mon état d’esprit lorsque j’ai débouché mon stylo pour inscrire la date en haut de la première page, dont la blancheur brillait dans le matin.
Je ne savais pas que vingt pages plus tard, je vivrais un déménagement, une mutation ; que trente pages plus loin, le deuil me frapperait ; qu’après quarante pages de chagrin, ma guérison débuterait, aidée en cela par les connaissances de mon âme libre de naissance.
Dans la neige du papier, un chemin s’écrit toujours. Et si le chemin était déjà tracé par la destinée ? Et s’il suffisait de le deviner puis de l’esquisser avec la pointe de la plume?
Dans ce cahier déjà achevé, il y a tant d’idées, de projets, de rêves, de désirs encore non accomplis !
Au coeur de l’été qui s’annonce, je soulignerai avec des feutres de couleur tous ces voeux et je composerai un recueil de mes possibles lendemains. Faire un bullet-journal de ce qui demeure en attente dans ce bullet-journal. Preuve que j’ai toute une vie à vivre puisqu’il me reste tant de cahiers à écrire, le suivant n’étant que la continuité du précédent…
Quand je serai bien vieille – et donc quand le fil de ma vie sera sur le point de se briser -, je les coudrai ensemble avec un seul fil incassable.
Voici, cher lecteur, l’anthologie de mes chers moments vivants…
Dans ce journal, je découvre que j’ai été fidèle aux valeurs d’authenticité et de bien-être et que les grandes lignes de mon dessein ont été suivies.
Malgré les ruptures, les bouleversements, j’ai réalisé ce qui m’importait – l’écriture autobiographique, le développement personnel et spirituel, mes études en art-thérapie.
J’ai pu exorciser mes anciennes douleurs dans le récit de mon enfance ; j’ai obtenu mon premier module de Psychologie ; j’ai tenu un cahier poétique de la traversée de mon deuil ; j’ai noté les gratitudes que m’offrait mon installation dans un nouveau département… Et surtout, j’ai toujours gardé en tête le Projet… d’avoir des projets !
Cette ultime page où je fais le bilan du tracé de ma voie est la plus importante.
Alors, en signe de remerciement, j’y appose cette phrase du célèbre écrivain Henry Miller qui pourrait servir d’exergue à mon futur cahier ainsi qu’à tous ceux qui débutent un journal
« N’oubliez pas de ne pas oublier »
pour donner à la vie une mémoire
et pour donner à la mémoire une vie.
Géraldine Andrée