La mer
tourne
doucement
ses pages
et annonce
au monde
à chaque
seconde
une phrase
nouvelle
qui brille
dans le soleil
Géraldine Andrée
La mer
tourne
doucement
ses pages
et annonce
au monde
à chaque
seconde
une phrase
nouvelle
qui brille
dans le soleil
Géraldine Andrée
Chaque
mot
est une île
au large
de la page
où je me repose,
je me retrouve,
j’ai tant
de choses
à m’annoncer !
Géraldine Andrée
Un rien
annonce
l’automne :
trois points
roux
sur les prunes,
l’herbe
qui s’incline
et parsème
la ligne
du chemin
de virgules
tremblantes
sous un soupir
qui se brise…
Un rien
annonce
le silence :
des points
de suspension
alors
que la phrase
s’élance
encore,
un espace
minuscule
comme
signe
que la page
se termine…
Et voilà
que malgré
l’attente
d’une suite,
tout
est écrit !
Mais
il suffit
d’un battement
de cil
pour reconnaître
la palpitation
des feuilles
d’une nouvelle
saison…
Un rien
suffit
pour désigner
le point
du jour
à l’horizon…
Un clignement
de l’oeil
qui encourage
ce souffle
en chemin
vers son message…
Géraldine Andrée
Je remercie Monsieur V. d’avoir été le messager de mon grand-oncle Stéphane de Zalewski, noble d’origine polonaise, mort juste après la Deuxième Guerre Mondiale pour avoir eu le coeur brisé de chagrin.
Persécuté par les nazis, contraint à l’exil à Metz, il s’est vu ensuite spolier de tous ses biens à Varsovie par le communisme stalinien. Je comprends mieux maintenant la signification du foulard rouge que je dois retrouver dans la maison familiale.
J’ai toujours su que ce grand-oncle vivait près de moi, qu’il ne me quittait pas. Très souvent, je prononce son nom. Une nuit, il m’a montré en rêve sa ville natale, Varsovie, que je visiterai en cette vie, c’est promis. J’entrais à l’intérieur de sa demeure qui appartient désormais à d’autres. Je me chauffais à son feu qu’il avait allumé pour moi. Je dois faire beaucoup de voyages et la Pologne, avec des villes comme Cracovie et Varsovie, figure en tête de ma liste.
Stéphane était passionné par les livres, la littérature, l’étude, tout comme moi. Souvent, je retrouve des pages de livres anciens soulignées et annotées de sa main, une écriture fine et élégante, comme sa prestance, et aussi cette signature alerte – Stéphane.
Je suis reconnaissante de savoir que c’est lui l’auteur de ces murmures près de mon coeur et de ces connaissances qu’il insuffle à mon oreille intérieure.
Maintenant, je peux mettre un visage à mon intuition.
Si je recueille suffisamment d’éléments biographiques, ici, en Lorraine ou là-bas, en Pologne, j’écrirai le livre de sa vie.
Cet après-midi, j’ai renoué avec mes racines.
Merci !
Géraldine Andrée
Il m’a semblé te croiser un jour, dans une rue de Londres.
C’était en l’espace d’une seconde.
J’avais alors quatorze ans.
J’ai cru reconnaître ta frêle silhouette, ton manteau rouge, ta tête à moitié chauve déjà, la fine monture de tes lunettes.
Une joyeuse certitude a éclairé mon coeur : n’importe où dans le monde, tu étais là. Je n’avais pas à me sentir seule.
J’ai oublié que cette apparition ne pouvait être toi qui soudais sûrement deux fils électriques à ce moment précis sous la lampe de ton bureau.
Le temps que j’admette cette logique,
la silhouette avait disparu au milieu de la foule grise.
Il en est de même aujourd’hui.
S’il m’arrive de croiser ton nom au détour d’une ligne, d’une page ou d’une feuille de journal, je crois te reconnaître immédiatement.
Ton nom, Guy, porte nécessairement ton regard, ton visage, ton manteau rouge, tes lunettes.
Il me fait face et je suis toute heureuse de cette rencontre.
J’oublie que ce nom désigne tant d’hommes aux visages, aux yeux et aux vêtements différents.
J’oublie que ce nom n’est pas le signe de ton apparition.
Bien sûr, il suffit d’une seule seconde pour que je me ravise.
Et ta présence s’efface, telle une ombre svelte, parmi les phrases grises.
Mais dans le bref instant qui sépare l’illusion de la prise de conscience, mon coeur s’éclaire
comme jadis, dans cette rue d’Angleterre.
Trois lettres me font oublier, le temps de ma surprise, que je suis seule au monde
et qu’il me faut trouver ma route
avec le souvenir de ton nom qui appartient aussi à d’autres.
Géraldine Andrée
Parce que l’écriture permet de retrouver notre état d’enfant, ce « parlêtre » comme le disait Lacan, d’avant les traumatismes,
Parce que l’écriture est ce pont qui nous guide jusqu’aux épreuves les plus anciennes que l’on parvient enfin à nommer,
Parce que l’écriture est une force qui ramène le non dit de l’inconscient à la lumière de la conscience,
Parce que l’écriture qui avance sur la page fait reculer la mort,
Parce que l’écriture inscrit en nous ce rendez-vous avec notre force fondamentale, à l’origine de notre naissance,
Parce que le thérapeute-biographe vous aide à trouver les mots non seulement pour écrire, mais aussi pour vivre et être l’auteur de votre vie,
L’écriture est un remède avec effet désirable,
Celui de vivre davantage.
Géraldine Andrée
Ton nom ne volettera plus de nos lèvres à ton visage
Tes taches de rousseur luisent encore dans notre mémoire
Mais bientôt quelques-unes s’éteindront
car de nuit en nuit nous oublierons leur nombre
Et bien plus tard après ton départ
nos noms ne voletteront plus des lèvres de nos enfants à nos visages
Il n’y aura pour témoignage de la couleur de nos cheveux
que les futures mémoires
qui de nuit en nuit oublieront le tiroir des mèches rassemblées
C’est ainsi
Le temps passe
La vie va
Mais bien longtemps après
il demeura toujours
nos signatures
que nos souffles mêlés
au vent traceront
en courbant les herbes
déliant les nuages
étirant les branchages
et ce sera pour le monde l’annonce
que tous nos noms
recommencent leur voyage
vers d’autres visages
Géraldine Andrée