La toute première nuit passée dans la maison de vacances, je me souviens d’avoir été réveillée en sursaut par le bruit d’une cavalcade sur le toit de la mezzanine.
C’était un rythme saccadé, comme si un groupe très soudé courait vers la même destination – la même proie indispensable à leur survie collective.
Des gouttes de sueur ont perlé sur mon front. Mon coeur battait à tout rompre.
N’allais-je pas être mangée ?
Puis, le bruit a brusquement cessé.
Mais je suis restée aux aguets face au silence, tapie dans mes draps, obsédée par la crainte que la cavalcade ne revienne en sens contraire.
Le matin, j’ai demandé à mes hôtes ce qui s’était produit pendant la nuit. N’avaient-ils pas entendu le même galop ?
On m’a dit que c’étaient des souris qui avaient échappé à tous les pièges, à tous les chats.
Elles étaient en vérité peu nombreuses – peut-être cinq ou six, mais le bas toit de bois amplifiait leur fuite, transformait le trottinement de leurs frêles pattes en frappement de sabots au-dessus de ma tête.
Les souris sont revenues les autres nuits et j’ai cessé d’avoir peur. Elles allaient, vives et inoffensives.
Je me demandais vers quelle destination mystérieuse elles couraient ainsi.
J’éprouvais à les écouter une sorte d’urgence à vivre.
Puis, je ne les ai entendues qu’endormie.
Durant toutes les nuits passées dans cette maison de vacances, les souris ont visité mon sommeil.
Je percevais leur arrivée fulgurante dans mes songes. Les souris surgissaient comme des alliées dans les paysages hantés de mes rêves. Elles faisaient fuir les cieux noirs, les salles de classe closes, les pistes de danse douloureusement scintillantes, les cascades cruelles et les chemins gris qui ne me menaient jamais à destination.
Toutes ces images me quittaient comme si c’était à leur tour d’avoir peur.
Les souris exorcisaient mes tourments qui renonçaient alors à me mordre.
Peut-être emportaient-elles aussi mes peines pour les grignoter tranquillement, plus loin, dans un coin caché car je me levais toujours un peu plus légère et gaie que la veille. Comme délivrée.
Une chose est certaine.
Je les avais acceptées en tant que telles, souris de mes nuits, lors de cette période de ma vie où je me cherchais tant.
Aujourd’hui, ces souris me manquent.
J’aimerais parfois en entendre une,
rien qu’une seule qui fendrait le silence et dont la course insolite éloignerait de toute urgence, le temps d’une nuit, les soucis de l’adulte que je suis devenue.
Géraldine Andrée
Une souris verte qui passait dans l’herbe …
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