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Nuit bleue

C’est une nuit bleue, celle du solstice de juin.
Une nuit intensément claire mais éphémère, constellée par les lueurs de la zone industrielle, si nombreuses qu’il me semble que le ciel étoilé a glissé devant la fenêtre.
J’aurai bientôt dix-sept ans. J’entends encore en souvenir, dans le silence enveloppant la chambre de mes parents, la chanson Bella Vita de David et Jonathan qui est passée à la radio pendant le dîner, sur le transistor d’argent.
Je regarde longuement la nuit bleue, traversée de reflets rouges à cause des ultimes forges de De Wendel qui brûlent au loin, vers Hayange. Et je me demande qui lira mes premiers poèmes, qui les aimera, qui m’aimera, qui posera ses mains sur mes pages comme si c’était ma peau.
Quel amant de ce que j’écris et que je ne connais pas ? Quel amoureux de ma vie ?

Géraldine Andrée

Et je me demande qui lira mes poèmes, qui les aimera, qui m’aimera… Quel amoureux de ma vie ?
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Des feuilles pour ailes

Toute petite, je voulais prendre mon envol
loin de l’école,
loin de son âcre odeur de colle,
de ses feutres aux traits épais,
de ses mauvaises notes,
de ses rondes où je n’entrais jamais ;
laisser accroché au clou rouillé
le sac jauni de mon goûter
et rendre à la maîtresse
mes fragments de papier déchirés.
Toute petite, je rêvais
de nager dans la lumière
en me retournant de temps en temps
sur le dos.
Mais je n’avais pas d’ailes
pour faire mon voyage.
Alors, je m’évadais
en regardant trembler le feuillage
du seul arbre de la cour
près de la fenêtre
et j’enviais l’oiseau
envoyé par le jour
qui se posait sur une branche,
avant de reprendre sa course
dans le ciel.

Une clé m’a délivrée,
celle de l’alphabet,
quand je compris qu’il composait
les mots
d’une formule secrète
qui m’aiderait à passer à travers
la porte.
J’ai commencé à écrire
– maladroitement certes –
des poésies vacillantes,
frémissantes cependant,
avec un crayon de couleur verte
et c’est ainsi qu’à ma manière,
je suis devenue cet oiseau
que je rêvais d’être.
J’avais pris pour ailes
les feuilles
de mon cahier ouvert
qui, tout au long de mon adolescence,
a traversé l’immense silence
pour me déposer
sur l’île dorée d’une lampe
où je pouvais tracer,
en concertation
avec moi seule,
l’itinéraire
d’autres vols
qui dureraient bien
une vie entière.

Géraldine Andrée

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Écrire en enfance 2 : Écoutez votre enfant intérieur

Photo de Pixabay
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Sa plume au cœur de l’été

Avec sa plume, elle retourne au cœur de l’été de ses dix ans, dans la maison de vacances de sa grand-mère où la brise se répond à elle-même par chaque fenêtre ouverte, où brille l’herbe sous le soleil d’août, constellée de lueurs vertes.

La maison de l’enfance fleure bon la confiture chaude de reines-claudes.

Le ventre rempli de fruits, un peu alourdie par sa gourmandise, elle joue près de la remise à la marelle dont elle a tracé les traits de craie blanche sur la pierre grise.

Elle sautille ainsi de case en case, depuis la terre jusqu’au ciel, c’est-à-dire jusqu’à la tache d’ombre dans laquelle se love la chatte qui parfois tressaille, traversée par un rêve – sans doute est-ce la rencontre d’un chat d’un autre pelage…

Puis elle répond à l’appel de sa grand-mère qui se pose, telle une aile chatouilleuse sur son oreille :

-Viens, ma petite ! C’est l’heure !

-Oui ! J’arrive !

Et elle se retrouve à vivre dans l’été de ses cinquante ans. Elle se sent alourdie par la vie qui lui a bien souvent offert des fruits verts. Elle a perdu l’insouciance qui l’incitait à sauter dans des cases blanches depuis cette terre dont elle a pensé, à plusieurs reprises, être étrangère.

Mais elle possède la maturité nécessaire de jouer à une autre marelle – celle d’un poème évoquant sa vie et qu’elle écrit dans son cahier gris par une chaude après-midi de dimanche d’août.

Elle saute lentement, de carreau en carreau. Les enjambements remplacent son cloche-pied de petite fille entre les numéros, désormais devenus des mots.

Et elle sait qu’elle a atteint le ciel lorsqu’avec la pointe de sa plume Major,
elle est arrivée jusqu’à son cœur.

Géraldine Andrée

Photo de Legend Vibe
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Écrire en enfance 1

Je suis la main de votre enfant intérieur qui vous guidera dans l’écriture de votre vie.

Géraldine Andrée

Écrivain privé-biographe familiale-psychobiographe-psychogénéalogiste

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Je me souviens à la manière de Georges Perec sur le thème de l’Enfance

Je me souviens du flamboiement de la forêt à la fenêtre de la maison disparue
Je me souviens de la gorgée de miel sur mon angine
Je me souviens des brûlures d’ortie que je frôlais quand je marchais dans les herbes folles
Je me souviens du bouquet de la mer qui s’ouvrait par surprise entre deux terres après de longues heures de route
Je me souviens de mon adieu au cèdre du Liban du haut de mes sept ans
Je me souviens de l’odeur d’imprimerie des catalogues de jouets dont je passais commande au Père Noël
Je me souviens des indigestions de brioche
Je me souviens des bâtons de réglisse que je suçais pendant ma varicelle
Je me souviens de la croûte que j’enlevais avec délectation de mes blessures
Je me souviens de ma longue conversation avec le noisetier j’en ai retenu le murmure des feuilles et le grand vague du vent
Je me souviens de la bulle de chewing-gum rose qui a éclaté dans mes cheveux et l’institutrice m’a fait faire le tour des classes ainsi coiffée
Je me souviens de ma rencontre avec l’abeille dans une corolle de rose
Je me souviens de l’odeur de tabac dans le salon de mon grand-père
Je me souviens du minuscule service à thé argenté pour petite fille
Je me souviens de la panthère du tapis persan qui voulait me dévorer de toutes ses dents quand je marchais sur elle
Je me souviens des sauces caramélisées de ma grand-mère
Je me souviens des pleurs et de la morve ravalés sur l’insoluble problème de géométrie
Je me souviens de mon cartable trop lourd dont la lanière me sciait les épaules
Je me souviens d’un pays du Sud qui m’est revenu dans la triste salle d’étude alors que je n’y étais jamais allée
Je me souviens de mon cahier ouvert après avoir marché longtemps dans la neige bleue
Et j’ai compris bien après l’enfance qu’écrire c’est marcher dans la neige tous les jours même lorsque la lumière de l’été accroche sa dentelle dorée aux volets vénitiens
Je me souviens de mes seins qui me faisaient mal quand j’enfourchais mon vélo C’était fini J’avais grandi

Et vous, quels sont vos souvenirs d’enfance ?

Géraldine Andrée

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Le miroir de la mémoire

Au mot mémoire j’associe le mot miroir
La mémoire est un miroir
où se reflète l’éclat des choses passées

le garage à vélos sous le feuillage
la serre de Grand-Père aux plantes entrelacées
les œufs de Pâques cachés sous le noisetier
les vitres vertes de la verrière qui rendaient l’ombre de ma chambre si claire
l’épais rideau derrière lequel j’avais peur de voir surgir le Gnolo ce monstre hydrocéphale
le tablier de Grand-Mère rempli de nèfles
les fleurs de porcelaine bleue des tasses de thé
le fauteuil à bascule sous le soleil de l’après-déjeuner
le vitrail de la porte qui allumait le long de l’escalier des lueurs orangées
le feu de feuilles flétries dont la fumée se dévidait jusqu’aux lisières de la ville

La mémoire est un miroir
où les souvenirs brillent encore
de tous leurs yeux d’or
à la manière des astres morts

Géraldine Andrée

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Pourquoi tu écris ?

J’écris pour retrouver le soleil des anciennes vacances qui dansait sur le carrelage de faïence de la cuisine à Porto.

J’écris pour que ma main refasse connaissance par la pointe d’un Bic bon marché avec la légèreté de mes pieds d’enfant.

J’écris pour emprunter dans ma chambre une passerelle qui mène à l’infini.

J’écris pour pardonner à la vie ses coups bas, même si ce n’est pas facile.

J’écris pour m’émerveiller du reflet du matin dans ma cartouche d’encre, tout simplement.

J’écris pour me sentir écoutée par le bruissement du papier.

J’écris pour faire de chaque carnet un voyage et quand on me demande : « C’est pour où ? », répondre : « Vers moi-même. »

J’écris pour m’imaginer que mon souffle se répand dans les feuillages du jardin disparu.

J’écris pour célébrer la compagnie de la solitude.

J’écris pour puiser la force de continuer ce livre chaque jour.

J’écris pour conclure chaque page de mon journal par cette fidèle phrase : « Il ne te reste qu’à te mettre à l’ouvrage. »

J’écris pour semer des mots quand je me suis égarée sur des chemins que d’autres ont tracés pour moi – Petite Poucette qui ne renonce pas.

J’écris pour ne plus avoir à me justifier par la suite, car je préfère laisser de la place aux corolles futures.

J’écris pour rien ; j’écris sur rien. Et si l’on me dit que c’est ridicule, j’écris pour accorder de l’importance à un pépin de pomme.

J’écris pour que, dans mon histoire à moi, au moins, ce petit pépin tout brun donne un pommier qui va grandir au fil de ma vie.

Géraldine Andrée


Photo de Tom Swinnen