Je songe aux étés mille neuf cent quatre-vingt.
Je songe à l’insouciance des étés anciens.
On se réveillait tard.
Mais la lumière, comme une amie souriante,
venait très vite à la rencontre
de notre regard.
On allait s’asseoir pour sécher ses cheveux
sous le banc de la vigne
aux reflets bleus.
Puis la voix de Jacqueline
nous appelait
par la fenêtre de la véranda
car c’était l’heure de manger
le melon grand ouvert
et la farce dorée au cœur des pommes de terre.
On se mettait ensuite
en maillot de bain
et on dépliait sa serviette
sur l’herbe brune.
Commençait alors au bord de nos cils
notre promenade
avec un nuage frêle
qui nous emmenait
vers la sieste
d’où l’on revenait
pour croquer dans une prune
ou pour boire du lait d’amande.
C’était l’éternelle enfance,
souviens-toi.
Les étés mille neuf cent quatre-vingt
sont à jamais éteints.
Mais en cet été
de la décennie deux mille vingt,
je me demande
s’il ne subsiste pas l’ombre
de ces étés heureux,
s’il n’y a pas un pays
où l’on pourra les revivre
lorsqu’il en sera fini
de séjourner ici.
On se réveillera un peu tard
dans le matin
d’un jour d’été
mille neuf cent quatre-vingt
et une voix nous appellera
par la fenêtre
de notre mémoire
pour nous dire :
-Vite ! Lève-toi !
Tu as un jour de joie
à vivre !
Géraldine Andrée