Lorsque
l’autocar
a achevé
son virage,
m’est apparu
le petit village,
bijou de joie
qui semblait
accroché
depuis toujours
à l’échancrure
des feuillages.
J’ai reconnu
les persiennes
qui allongent
les ombres
pendant le songe
de la sieste,
l’arrosoir
près des pots
de laurier-rose
et le chat
assis sur son muret
qui poursuit,
les yeux clos,
un fil d’or…
Et quand,
à la descente
du car,
pour me rafraîchir
j’ai ouvert
ma main
dans la vasque
d’albâtre
de la fontaine
toujours fidèle
au centre
de la Place
des Alliances,
le chant
de l’eau
a reconnu
ma paume,
mes lèvres,
ma langue,
ma gorge
d’où a jailli
un rire ancien
Assurément,
j’ai vécu
ici,
me suis-je dit.
Et c’est là
que je veux vivre
désormais
ai-je ajouté
pour mon âme.
L’autocar
pouvait partir,
poursuivre
son voyage :
je n’étais pas
de ces gens
qui parlent
trop fort
d’argent,
qui prennent
des photos
sans voir,
au-delà
des apparences,
l’essentiel
se cachant
derrière
chaque couleur
du ciel.
D’un geste,
j’ai fait le signe
de l’adieu.
C’est alors
qu’Il a couru,
haletant,
vers moi
et je Lui ai trouvé
le visage
si chagrin,
si désemparé
que j’ai admis
comme une évidence
le fait
qu’il fallait
que je Le rejoigne,
que je L’accompagne
dans la vie
car, d’une certaine
façon,
j’étais un village,
un foyer pour Lui.
Assurément,
je ne dormirais pas
encore cette nuit
dans ma maison.
J’ai retrouvé
le siège
de cuir
brûlant
de l’autocar
qui s’est remis
en route
en ronflant
et la peine
qui est montée
à mes yeux
m’a paru
si grande
qu’elle a effacé
toutes les peines
de mon enfance.
Ce n’était pas,
je crois,
la première fois
que je quittais
ce village
et il viendrait
une autre vie
où je le retrouverais
comme un ami
que l’on perd de vue
mais que l’on garde
en soi.
C’est ainsi :
le Pays
et moi,
nous dansons une ronde
de vie en vie
où le temps,
cette musique,
nous sépare,
nous réunit,
nous désunit
à nouveau.
Alors que le rythme
de la route
commençait
à me bercer,
et qu’Il serrait
ma main
dans la sienne,
j’ai fait le serment
de naître
dans ma vie
prochaine
derrière
les persiennes
de la chambre
donnant
sur la Place
des Alliances,
là où chante
depuis tant
de siècles
la fontaine
destinée
à la paume
de cette enfant
que je fus,
il y a si longtemps,
et qui continue
à m’attendre
sous le feuillage
étincelant
comme un signet
d’argent
parmi les pages
de ma mémoire.
Géraldine Andrée