Je suis allée
dans le jardin
écrire
à l’heure
de la rosée
Et quand
je suis rentrée
dans ma chambre
les yeux
bleus
de mes mots
pleuraient
Géraldine Andrée
Je suis allée
dans le jardin
écrire
à l’heure
de la rosée
Et quand
je suis rentrée
dans ma chambre
les yeux
bleus
de mes mots
pleuraient
Géraldine Andrée
Je sais une autre page
La neige
Où s’inscrivent
Tous les alphabets possibles
Celui de la patte
De l’oiseau qui passe
De la chienne
Qui attrape ses petits
Celui aussi de la brindille
Qui se pose un instant
Avant de rejoindre le souffle
Auquel elle se destine
Celui du pas du promeneur
Qui se fait seul témoignage
A l’heure où s’effacent
Toutes les preuves
Et même celui du silence
Qui fait signe
D’immense présence
Quand un autre matin se glace
Géraldine Andrée
Où va le jour à l’heure du crépuscule ?
Sautille-t-il de violette en violette au bord du chemin?
Est-il ce souffle bleu qui s’échappe des rives -ces lèvres toujours ouvertes sur l’infini ?
Danse-t-il avec l’ombre de la fenêtre ?
Est-il ce silence qui se penche sur le jardin, une fois que l’on a rentré les chaises ?
Suit-il l’ultime lueur de l’abeille parmi les menthes ?
Traverse-t-il de son aile notre mémoire, comme un défunt auquel on songe,
pour annoncer la première étoile ?
Où va donc le jour quand il s’en va ?
Peut-être en toi. Peut-être en moi.
Mais peut-être aussi qu’il se dépose sagement sur les joues
de l’enfant qui s’endort
et qu’il y demeure
jusqu’à l’aurore…
Géraldine Andrée
Sur la page
de mon livre
se déposent
une lueur
ou une brindille
semées par le vent,
un grain de terre
que soulève
le pas du promeneur,
une poussière
– d’étoile
peut-être ? -,
une feuille sèche
qui a bien éclairé
la saison,
une fourmi qui cherche
un mot
à porter sur son dos…
Je demande,
pour tout le temps
qu’il m’est donné
de vivre,
d’être moi aussi
une page
sur laquelle tombent
tous les présents
possibles.
Géraldine Andrée
En pleine guerre mondiale,
sous les salves de la mitraille
à Dunkerque,
mon grand-père maternel
a écrit dans son Journal :
C’est pour mon jardin
que je résiste.
C’est pour les jeunes pousses
qui existent
déjà dans un futur proche
que je survis.
J’ai un jardin à faire fleurir.
C’est pour cela que je me dis :
Ne meurs pas.
Mon grand-père m’a inculqué
la valeur
de croire en un jardin qui dépend uniquement de soi.
Pour moi, c’est le cahier de ce journal
que je tiens comme lui chaque jour
et dans lequel je réécris
ces paroles de foi.
***
Mon grand-père avait une vie très ordinaire :
arrosage des plantes, observation des semis, attente de l’éclosion des tomates.
Dans chaque case du calendrier, il prenait des notes sur la santé du jardin. C’était son journal de vie, en quelque sorte.
Pas d’héroïsme ostensible chez mon grand-père, mais une patience qui se voulait légère, une abnégation joyeuse, une force quotidienne.
Et c’est cet héroïsme anodin, respectant le rythme des fleurs, que je retiens.
Géraldine Andrée
Ouvrir la fenêtre : que la lumière du jour se pose sur les feuilles de sa saison de vie.
Fermer la porte : que les enfants se disputent pour une broutille ; que le conjoint s’ennuie ; qu’importe. Laisser chacun aujourd’hui découvrir son chemin, même s’il est désagréable.
Ne pas répondre au téléphone : la sonnerie a beau s’entêter ; dans un proche instant, elle se confondra avec la note du silence.
Suivre la volute de fumée qui danse au-dessus du thé.
Passer la main sur la douce encolure du chat…
Mais, quelle est cette lueur rose, soudain ?
C’est un pétale échappé du jardin d’enfance qui ouvre sa porte…
Tenter alors de l’attraper dans le ciel de printemps de la page
en écrivant,
en écrivant…
Géraldine Andrée
J’écris
pour accompagner
du murmure
de mon coeur
le cours
des choses
Géraldine Andrée
La langue de mon pays
se fait comprendre avec
la haute voix du vent, l’accent des sources sur la rive, la courbure des blés, les ondulations de l’herbe, les pleins du chemin qui s’élance vers l’azur, ce soupir entre les notes de la pluie, les couleurs accrochées à la gorge des mésanges, les points qui étoilent la page du ciel, le silence de tout ce qui perle, de tout ce qui goutte au bout de l’attente.
La langue de mon pays ne suit aucune grammaire.
J’ai seulement appris
que beaucoup de feuilles se froissent pour la répandre dans le monde,
que beaucoup de flambeaux allument ses majuscules dans la nuit.
Je suis l’interprète de son souffle qui roule jusqu’à mes lèvres
quand j’accélère ma course vers Demain.
Je la respecte
en la transcrivant chaque matin
sous un long délié de lumière
qui tremble puis disparaît
pour renaître
à partir de la virgule
de l’instant suivant.
Géraldine Andrée
Ne demeure pas immobile devant la page blanche.
Si tu ne peux rien écrire, va te promener.
Trace ton chemin d’une autre façon.
Géraldine Andrée
Prends soin de ta Vie comme d’une jeune plante. Surveille la germination, la pousse, l’éclosion.
Il existe de nombreux moyens de faire fleurir ta Vie : la méditation, la gymnastique, la marche, le yoga, la peinture, la musique.
Toutes ces pratiques appartiennent à un seul domaine : la botanique de l’âme.
Moi, ma botanique, c’est l’écriture.
Je tiens un petit carnet et je note au jour le jour comment ma Vie s’épanouit : je veille à l’arroser à des heures précises, je surveille la santé des graines, l’apparition du bouton d’or, puis l’éclat de la corolle.
Je suis vigilante en ce qui concerne la moindre tache, la moindre menace de fenaison précoce, le moindre signe d’assèchement.
Mes mots accompagnent ma Vie. Aussi vifs que les rayons du soleil, ils l’encouragent.
Je veux que ma Vie soit haute et vigoureuse car je l’ai définie ainsi.
Tu peux, toi aussi, écrire ta botanique de l’âme.
Prends, si cela te plaît, un petit carnet ; note tout ce qui fait du bien à ta fleur intérieure : quelle musique, quelle couleur, quelle ambiance de qualité ?
Les plantes – c’est connu – poussent mieux dans le calme et la paix. Offre par conséquent à la tienne le présent du silence à fleur d’eau.
Ainsi, la page sur laquelle tu te pencheras au jour le jour sera la fenêtre qui te montrera ton infinie éclosion, quelle que soit la saison.
Géraldine Andrée