Écris sur
- La chambre à jamais perdue, et les rêves que tu y as faits, les rêves enfuis dans la nuit d’un autre temps, reconstitue-les comme un puzzle coloré
- Les yeux émeraude de la chatte feue qui réapparaît au bout du sentier
- L’histoire d’amour de tes vingt ans qui t’a tant meurtrie
- Ton père lisant le journal dans la lumière du matin
- La robe à volants de tes dix-sept ans, accrochée dans l’ombre de l’armoire que tu ne peux pas ouvrir pour l’instant
- L’oiseau qui s’est cogné contre la vitre, la confondant avec le ciel
- Les taches d’encre sur le buvard blanc, corolles d’avant les mots
- Ta conscience qui est sans doute la même que celle tu avais quand, âgée de cinq ans, tu marchais dans le couloir de l’appartement rue Sigoyer, les yeux scellés par une conjonctivite
- Tes boucles d’oreilles d’étudiante qui tintaient lorsque tu tournais la tête pour suivre le trajet de ton professeur préféré dans les allées de l’Amphi
- La nappe à carreaux rouges sur laquelle est né ton premier poème
- La fontaine de Damas à qui tu as fait la promesse de revenir, un soir d’avril, mais tu n’as pas pu. Pourtant, tu as promis. Alors, ce sera pour une autre vie. Tu reviendras au monde uniquement pour cela : tenir ton serment envers le murmure de la fontaine de Damas dans le bleu du soir
- L’orage qui frappe pendant que tu es réfugiée sur l’île de la peau de l’amant
- Ton foulard qui fleure bon le parfum que t’a offert une amie à jamais partie
- Les quais de la gare gris de givre à l’aube et, les yeux cernés par l’insomnie, tu te demandes comment tu vas supporter cette journée qui commence si tôt
- La clarté des crépuscules de Florence
- Les livres que tu reliais toi-même quand tu avais dix ans ; les branchettes dont tu te servais pour joindre les feuilles de tes poèmes ; il te semblait, alors, que tu étais l’éditrice de la poésie de ta vie
- Sur le siège de devant dans le bus, la nuque de l’inconnu que tu aurais aimé embrasser
- Le tout premier matin à Majorque et les bretelles du maillot de bain que tu fais claquer contre tes épaules avant de rejoindre la vague initiale
- Le visage endormi de ta grand-mère sous la lampe de ta mémoire
- L’écriture inachevée tant que tu vis
Va à la ligne
reprends ton souffle
et continue
je t’en prie
tu n’auras terminé
ton ouvrage
que lorsque tu auras été absorbée par la page
laissant pour le regard
invisible
de ton prochain
l’ultime
signe
Géraldine Andrée
Tous ces beaux souvenirs qui t appartiennent et qui font resurgir les nôtres !
Merci…
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Merci à toi pour ce partage !
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