Je me souviens quand je l’ai oublié.
Je ne saurais, bien sûr, vous dire la date ou l’heure.
Mais je sais que c’était en juillet deux-mille-un.
Nous nous étions disputés, le matin :
c’était une dispute si violente,
qu’elle laissât mon âme épuisée, sans dignité, criblée de silences.
Dans une sorte de perte de conscience
qui fait de chaque acte un réflexe,
je me suis dirigée vers la mer.
Je ne prêtais pas attention
au soleil qui dansait dans le bleu.
Un voile était tombé devant mes yeux
qui, emplis de larmes, de grains de sable et de sel
me brûlaient jusqu’aux tréfonds
de mon être.
Je voyais seulement
le lointain infini
et je voulais m’y confondre, m’y noyer, disparaître
dans sa couleur sans limite
pour l’oublier, lui – croyais-je -,
ainsi bercée jusqu’à la nuit.
Mais, en m’approchant davantage
du rivage
– j’avais retiré mes sandales
par simple réminiscence
des vacances de mon enfance
au bord de l’Atlantique -,
une petite vague
ourlée de dentelle
que piquetaient des étincelles
vint à ma rencontre.
Ce n’était point un rendez-vous,
mais le mouvement naturel
de l’eau qui se mêle
à la lumière
et qui, dans sa beauté, vous appelle.
Alors, je me suis avancée vers elle.
La vague – ou une sœur qui lui ressemble –
est montée jusqu’à mes jambes,
puis elle a étreint ma taille, mes épaules.
Il m’a semblé que j’étais entourée
d’une écharpe douce et fraîche.
Ma robe de flanelle
que je n’avais pas ôtée
flottait autour de moi, telle une corolle.
En initiant une grande brasse,
j’ai cru serrer contre mon cœur
toute l’immensité
et – vous l’avouerais-je ?-
c’est alors que la mer
m’a ouvert ses bras
et que je l’ai oublié.
Géraldine Andrée