J’ai un grain qui roule dans la tête et qui me presse de commencer mon œuvre
la foi grosse comme un grain de moutarde quand j’écris le matin pour personne pour rien
Je me souviens du grain de beauté sur le cou de mon premier amour sur lequel j’ai déposé un baiser juste avant son départ pour l’Angleterre
Dans ma mémoire les rires de l’enfant qui aurait pu naître courent encore tout derniers grains d’or
Pourtant le grain est toujours promis à la fleur
Un grain suffit pour annoncer une bonne récolte
Tels sont les grains que je sème sur le chemin de ma phrase Petite Poucette qui ne veut pas se perdre trop loin
Je continue ainsi mes prières j’égrène les mots de ce chapelet secret qu’est mon poème afin qu’un sourire revienne
ou qu’une lueur aussi frêle qu’un grain de riz apparaisse dans les yeux des passants que je croise
Il y aura jusqu’à mon souffle ultime la souvenance des innombrables grains des secondes de mon enfance qui tintent dans le soleil de la maison disparue
Et je lève la tête pour remercier mon étoile ce grain éternel au milieu du champ de la nuit J’ai le don de retenir ce qui s’enfuit
L’écrivain croit en l’espérance du grain qui meurt
S’il meurt c’est pour laisser la place à ce qui se cueille se recueille
Ce grain égaré sur la terre ce fut moi Mais je me suis élevée dans la lumière
Je vous rejoins sur ce point Monsieur André Gide Un grain ne meurtpour grandir seul car c’est dans la solitude que l’on grandit et bien plus encore que l’on mûrit
Voici donc le fruit de moi-même
J’en veux pour preuve le grain de ma peau qui a rendez-vous avec le grain de la page Qui touche ainsi l’autre au point du jour
Maintenant je prends le temps de contempler un grain après l’autre dans le sablier renversé
Je ne fais plus d’un grain de sable une montagne parce que tout s’évanouit la montagne elle aussi s’érode
Les grains de la terre se dispersent Il faut accepter d’être le souffle et le grain c’est-à-dire l’auteur et le témoin de son effacement admettre que des grains de poussière recouvrent notre trace inexorablement
Il y a aussi un mot que j’aime
Silence
Il me permet d’entendre
le si petit crépitement des grains qui tombent de la paume de ma main dans la profondeur infinie d’un panier singulier
C’est cela écrire c’est tresser le panier du silence pour tous ces grains oubliés que je rassemble et que je verse en son cœur d’osier car je sais qu’ils n’ont pas pu germer faute de chance
Mais ils sont là pour donner à mes rêves d’écriture future de la présence qui les pousse vers le jour à point nommé
L’écriture comme libération de la perversion narcissique
Elle rentra chez elle, complètement bouleversée par les mauvaises vacances qu’elle avait passées avec lui. Elle ne pouvait croire que le terrible trajet du retour était vrai. Il n’avait cessé de la dénigrer, de la tourmenter pendant tout le voyage. Émotionnellement épuisée, elle songea même à ouvrir la portière et à se jeter sur l’autoroute. Cette perspective la remplit d’effroi lorsqu’elle retrouva le calme de son appartement. À cette heure, elle aurait très bien pu ne plus exister… Elle entendait encore sa voix qui lui hurlait dans ses tympans :
« Puisque tu me reproches d’être un despote, je vais l’être, despote ! »
Comment était-ce possible que cet homme cruel, caractériel, avec lequel elle avait mangé des crêpes au chocolat le samedi après-midi, fait l’amour sensuellement, décidé de la machine à laver commune, projeté d’acheter une maison – LEUR maison – révélât un tel visage ?
Cette phrase, elle l’avait bel et bien entendue – ainsi que ce mot. Ainsi, il exigeait d’elle obéissance, soumission, lui qui lui offrait de belles fleurs…
Pour en avoir le cœur net, elle inscrivit sur son carnet bleu les signes qu’elle n’avait pas détectés, ou plutôt, qu’elle n’avait pas voulu voir : sa moue boudeuse quand elle avait refusé de visiter le marché de Noël, parce qu’elle avait une bronchite ; ses longs silences, parfois ; le fait qu’il lui arrivait de ne pas se laver pendant trois jours, puis il s’approchait d’elle, puant la sueur ; le tri de ses chaussettes sans qu’il lui propose la moindre aide ; ses exigences, comme le devoir qu’elle avait de servir le dîner à dix-neuf heures tapantes ; ses reproches constants – « Il y a des traces sur les tasses », « le fond de cette casserole est noir », « tu n’as pas nettoyé les carreaux depuis longtemps, ça se voit » – ; ses avances pendant qu’elle dormait profondément ; c’était toujours elle qui payait le restaurant… À sa grande surprise, la liste se remplissait rapidement. Elle en était certaine : le visage qu’il avait montré au trajet du retour des vacances était le vrai ; l’autre, celui du parfait gentleman, n’était qu’un leurre, un masque de comédien pour mieux exercer son emprise sur elle, l’annihiler.
Pourtant, quand il frappa à sa porte, trois jours plus tard, pour s’excuser, tout penaud, avec un énorme bouquet de roses dans les bras et lui jurer qu’il ne recommencerait plus jamais, que c’était la dernière fois, elle le laissa entrer.
Elle accepta
ses excuses, ses justifications, sa victimisation : « Que veux-tu ? J’ai eu une enfance malheureuse, avec une mère possessive et un père absent ! », son bouquet.
Elle s’attendrit tellement sur ce pauvre garçon qu’elle le laissa de nouveau rentrer chez elle. Elle lui pardonna, reprit leur relation, jusqu’à la dépression et au bouquet final : celui des coups et des humiliations.
Lorsqu’elle l’eut enfin quitté, elle regretta amèrement de n’avoir pas fait confiance à son carnet bleu qui lui aurait épargné beaucoup de jours douloureux, si elle l’avait écouté.
« Elle », c’est vous, c’est moi, cela peut être n’importe quelle femme (ou homme, car il y a aussi des perverses narcissiques).
Pourquoi est-ce que je vous raconte cette histoire ?
Parce que je veux vous montrer que l’écriture peut vous sauver, vous délivrer des liens de la perversion narcissique.
Lorsque vous êtes la proie des griffes d’un pervers narcissique, la première chose à faire est de reprendre contact avec vous-même. Je conçois que cela soit difficile. En effet, vous avez complètement disparu dans les désirs et les projections du pervers. Celui-ci s’est nourri de vous. Il vous a retiré votre substance vitale, comme une araignée avec un papillon qu’elle a piégé dans sa toile. En un mot, il vous vampirise. Vous vous êtes effacé(e) jusqu’à n’être plus rien ou si peu. Vous êtes devenu(e) un pantin au bout de sa ficelle, ou une boule qu’il lance, tantôt à gauche, tantôt à droite, au gré de ses humeurs.
Pour commencer à retrouver une existence, une épaisseur intérieure, je vous invite à vous offrir le cahier le plus beau car, contrairement à ce que pense votre bourreau, vous le valez bien, vous le méritez, après tout ce que vous avez dû endurer ou tout ce que vous endurez encore. Votre main sur le papier, la sensation de son grain, doux et velouté, vous remettra au contact de vos sensations, et donc, de vos ressentis qui ont été gommés, mais que l’écriture thérapeutique peut faire réapparaître.
De même, le cadre de la page vous invitera à retrouver vos limites, les contours de votre terre intérieure. Je vous conseille d’acheter un journal qui se ferme avec une petite clé, comme les diaries d’adolescente, afin de protéger ce pays tellement envahi qu’est votre être de toute nouvelle tentative de spoliation, de violation.
Puis, réservez-vous un instant entre deux sanglots, entre deux doutes ou entre deux frayeurs, pour commencer ce cahier de deuil d’une relation : inscrivez la saison, l’année, votre prénom (très important, car vous vous reliez enfin à votre identité, à votre singularité, à votre affirmation de vous-m’aime/même), avec des feutres de couleurs différentes. En effet, les couleurs ont un impact sur nos émotions et la vibration qu’elles émettent redynamise l’énergie de chaque chakra. Le choix de telle ou telle couleur révèlera le chakra affaibli, souffrant, qui a besoin d’être réactivé.
Ainsi, votre prédilection pour le bleu, par exemple, vous remettra en lien avec le chakra de la gorge, et donc de votre créativité qui demande à être développée, afin que vous puissiez trouver les ressources et les stratagèmes nécessaires pour vous sauver de cette situation.
Vous m’objecterez que vous n’avez pas l’énergie, que vous êtes épuisé(e) (physiquement et moralement), que vous êtes vidé(e), alors, écrire ? Mais vous n’avez rien à dire !
Comme je vous comprends ! Quand on est en état de sidération, on ne peut verbaliser ce que l’on ressent, car le cerveau nous coupe de ce ressenti trop violent, pour nous éviter de basculer dans la folie. Cependant, l’état de sidération face au caractère indicible du traumatisme vous réduit au silence. Or, le silence, c’est ce que le pervers veut : que vous soyez privé(e) de toute parole, c’est-à-dire dans l’incapacité de prendre conscience de ses forfaits (la verbalisation aide le psychisme à cette prise de conscience progressive) et donc, de les révéler. Le silence vous réduit au rôle de victime.
Écrire, c’est ébaucher une conscientisation de ce qui nous arrive, c’est commencer à entrevoir une victoire, une possibilité de s’échapper (au moins psychologiquement, dans un premier temps). Le mouvement du stylo sur le papier est toujours synonyme de progression, car il imprime dans votre inconscient la pulsion de vie, le désir d’avancer. En franchissant l’espace suivant, vous vous projetez vers un avenir proche, puis plus lointain. L’écriture vous permet donc de sortir de l’état de sidération, propre à l’impuissance acquise. En outre, remplir une page signifie que vous commencez à vous remplir vous-même de vous-même, vous qui vous sentez si vidé(e), si dépouillé(e) ! Peu importe ce que cette page contient… Par les premiers mots, les premières gouttes d’encre, vous versez dans votre cœur (que vous pouvez visualiser comme une tasse) le breuvage de votre énergie vitale.
Quand on est encore en état de sidération, nul besoin d’utiliser des phrases littéraires, dont la syntaxe est compliquée. Quelques lignes, quelques phrases simples, des phrases nominales ou adjectivales suffisent. Un excellent exercice consiste à noter quotidiennement la formule suivante : « Aujourd’hui, je me sens… » et d’ajouter une succession d’adjectifs. Si des comparaisons vous viennent, inscrivez-les, mais ne vous forcez pas à les développer, si vous n’en éprouvez ni la force, ni l’envie. Contentez-vous d’une prise de notes rapides, en entourant les mots-clés ou en les reliant par des flèches. Cette mise en relation vous permettra de mieux comprendre, ensuite, pourquoi vous en êtes arrivé(e) là et de retisser un lien avec vous.
Le temps est maintenant venu de creuser avec votre plume les raisons pour lesquelles vous avez entretenu une relation avec un pervers narcissique.
La première raison est que vous dépendez émotionnellement des bons souvenirs que vous avez vécus avec lui. Ces bons moments appartiennent à la phase « lune de miel » qui permet au pervers narcissique de resserrer son emprise. Vous avez vécu des instants parfois si intenses, si agréables que vous vous demandez si l’enfer que vous vivez est bien réel. N’est-ce pas vous qui « prenez tout mal » (comme il a l’habitude de vous le reprocher) ? Et pourtant, ce sont les instants heureux qui ont été un leurre et qui vous ont emprisonné(e) dans une illusion toxique. Comme vous êtes dépendant(e) de l’euphorie et de la montée d’adrénaline qu’ils ont provoquées en vous, vous êtes prêt(e) à endurer les pires tourments pour les revivre ; ce qui vous fait plonger encore plus profondément dans la dépression et le reniement de soi. Un exercice d’écritothérapie va vous éclairer au sujet de votre aveuglement psychique qui vous maintient sous emprise.
Utilisez la tournure « Même si j’ai vécu des moments heureux avec cette personne« , je vis aujourd’hui (et vous énumérez vos souffrances) : « Même si j’ai aimé boire des tasses de chocolat chaud avec lui au bord de la mer les samedis, aujourd’hui, il me trompe et me dit que je ne vaux rien. »
En incluant dans une même phrase les bons et les mauvais souvenirs, vous constaterez le grand décalage entre eux et mesurerez combien le négatif l’emporte sur le positif et qu’il en va de votre vie de ne plus perdre, jour après jour, votre âme, pour récupérer une miette de ce positif. Des tournures comme « je dois bien me rendre compte que« , « il me faut avoir conscience » vous rendront un peu plus lucide et vous permettront de penser enfin par vous-même, ce qui dénouera jour après jour les liens d’emprise.
Dans un second temps, notez dans une liste tous les « drapeaux rouges » ou « red flags » que vous n’avez pas voulu voir et que vous avez minorés parce que vous étiez trop amoureux(se) et envoûté(e) par la phase de « la lune de miel« . « Allons ! Ce n’est pas grave ! vous êtes-vous dit. Qui n’a pas de défauts ? » Il est temps désormais d’être plus lucide. Inscrivez comment ces défauts ont pris de plus en plus d’ampleur, jusqu’à devenir insupportables : « Ses silences sont devenus de la cruelle indifférence ; ses petites moqueries des insultes ; le fait qu’il fouille dans mon portable s’est transformé en confiscation de ce portable, puis en ma propre séquestration. » Définissez vos ressentis, sous forme de sensations physiques et d’émotions, vos réactions : « la gorge nouée quand il rentrait, mon corps était parcouru de frissons, je courais me cacher sous le lit »… L’inquiétude devient de l’angoisse, puis de la terreur… De la peine, vous glissez vers le désarroi, le désespoir, la dépression… Mettez en scène sur le papier les scènes que vous avez vécues avec le pervers narcissique ; théâtralisez ses réactions (pour mesurer combien le pervers était dans l’excès) ; retracez les conversations houleuses, puis les disputes : « Dans une rage folle, me disant : Tu es une nulle. Puis, passant dans l’autre pièce et revenant : – Je vais t’apprendre à être intelligente, moi ! » Les mots mettront en évidence ce que vous avez enduré. Ils vous montreront que ces drapeaux rouges ont bel et bien existé. Et, quand les phares du pervers vous ont ébloui(e) comme un faon, il était trop tard. Vous étiez tétanisé(e), ce qui explique votre impuissance acquise d’aujourd’hui.
Mais il est maintenant grand temps de reprendre votre pouvoir. L’écriture va vous y aider. Prenez conscience qu’il y a entre le pervers et vous un jeu de miroirs. Le pervers ne fait que projeter sur vous ses propres défauts. Ce qu’il vous reproche reflète ce qu’il est réellement. S’il vous dit que vous êtes un(e) incapable, c’est lui qui est incapable : incapable d’aimer, d’avoir de l’empathie… Vous lui servez de miroir puisque vous ne faites que lui renvoyer ses manques.
Mais, en ce qui vous concerne, le pervers est votre miroir inversé. Les reproches dont il vous accable désignent les qualités que vous avez en vous et qui ne demandent qu’à être développées, mises au monde, révélées.
Tracez un tableau en deux colonnes. Dans la première colonne, répertoriez vos prétendus défauts, énoncés dans la bouche du pervers. Puis, dans la deuxième colonne, inversez ce défaut pour y voir la qualité que vous détenez et que vous pouvez expanser en utilisant le « Je« . Ainsi, « tu es nulle, ma pauvre fille ! » devient « Je suis créative. Je vais cultiver cette créativité ! » ; « Tu ne sais pas faire le ménage correctement ! » signifie « Je vais faire le ménage dans ma vie ! Et je vais commencer par toi ! » En procédant ainsi, vous opérez une distance salutaire entre les propos du pervers narcissique et votre psychisme. Écrivez avec une encre de couleur vive en haut du tableau :
Je ne suis pas ce qu’il dit !
Il est temps maintenant de retrouver votre territoire intérieur. En effet, vous existez, indépendamment du pervers narcissique. Vous allez donc vous remettre en contact avec votre propre vibration, votre touche personnelle, la couleur de votre âme, votre signature d’être. Ajoutez une troisième colonne au tableau précédent ou faites une liste à bulles dans laquelle vous inscrirez comment exploiter la richesses de vos ressources, remplir votre puits profond, développer ce qui demande à s’expanser et que le pervers, par ses remarques désobligeantes, vous a montré. Ce peut être élaborer sa boutique personnelle de création de bijoux, jeter l’usagé pour faire de la place au neuf, décorer votre maison, vous inscrire à un cours de yoga ou de peinture, écrire un livre sur votre histoire… Veillez à nourrir votre corps, votre cœur, votre esprit et votre âme chaque jour. Vous prendrez alors conscience que cette difficile épreuve vous ouvre la porte d’une dimension psychique nouvelle.
C’est sur quoi vous focalisez votre regard qui prend de l’importance et qui existe. Si vous pointez le comportement négatif de votre pervers, c’est cette négativité qui remplira votre vie. En revanche, si vous vous focalisez sur le positif en vous, vous améliorerez sans nul doute votre vie. Les mots sont puissants et créent votre réalité, votre vérité. Il est temps d’écrire la visualisation de votre futur.
Décrivez la personne que vous souhaitez devenir. Faites le portrait de vos qualités (physiques/morales).
Évoquez les sensations que vous éprouvez dans votre nouvelle vie : comment vous voyez-vous ? Comment vous sentez-vous (aérien(ne), sans entrave, rempli(e) de légèreté…) ? Comment cette liberté se manifeste-t-elle physiquement ? Détaillez vos gestes, vos attitudes, l’aisance de votre corps dans vos vêtements, sa souplesse lorsqu’il bouge, se déplace…
Mettez-vous en scène dans un endroit qui vous plaît : quel est-il ? Dans quelle région ? Quel pays ? Énumérez tout ce qui rend cet endroit agréable (l’espace, la lumière, la végétation, les sons, les odeurs…)
Que faites-vous ? Quel métier ? Quelles passions, hobbies, activités pratiquez-vous ? Soyez le témoin de votre épanouissement, de votre succès que vous ne devez qu’à vous-même (m’aime).
Développez les sentiments positifs qui vous traversent : quelles réactions physiques suscitent-ils en vous ? « Des larmes de joie coulent sur mes joues ; je les sens glisser et laisser entre mes fossettes leur trace chaude…«
Approfondissez cette visualisation ; revenez-y autant de fois que nécessaire pour la préciser ; dessinez-la dans votre journal ; faites-en un poème ; renforcez-la par des affirmations spirituelles comme « l’Univers pourvoit à tous mes besoins.«
Et surtout, actualisez cette vision future ; rendez-la présente ici et maintenant, en employant le temps du présent.
Tous ces exercices d’écriture vous donneront la force de partir, de reconstruire votre vie, de vous détacher de votre bourreau. Même si vous redémarrez de zéro, chaque jour vous offrira l’opportunité de progresser vers votre Être véritable. La page vous ouvre une fenêtre de libération, une porte de sortie, une issue de secours. Utilisez-la. C’est votre premier signe de liberté. Bien entendu, vous pourrez y ajouter les prises de conscience venues de vos séances de thérapie, les conseils prodigués par l’assistante sociale, votre avocat. Que ces pages composent le cahier de votre renaissance qui sera le retour à vous-même (m’aime) !
C’est parce que Géraldine Andrée était effacée qu’elle a commencé à écrire. Elle sentait qu’elle avait des choses à dire, mais qui les écoutait ? En grandissant, elle a trouvé une amie dans son journal intime : Miss Blue. Dans le silence de la page, elle se sentait entendue. Dans la blancheur du papier, elle était certaine d’être soutenue. Elle laissait une trace. Donc, elle existait. Il était évident qu’elle avait trouvé sa place. L’écriture a toujours habité sa vie, comme elle a toujours habité l’écriture. Elle en a fait un espace-temps intime et sacré qui fait partie de son quotidien. Au fil des jours, elle a affiné sa pratique et peu à peu, celle-ci lui a prodigué des outils de guérison, pour elle-même, déjà, et pour autrui. Elle a en effet mis ses mots au service de l’accouchement des âmes dans des livres pour autrui, en devenant écrivaine et biographe familiale. Puis, des études en art thérapie lui ont permis de développer des ressources spécifiques d’écriture pour autrui.
Écrire sur l’épaule de l’ami dans le sable à fleur d’écume dans la terre d’automne dans le limon que la rivière charrie sur la toile d’araignée étoilée de rosée au cœur de la mousse qui recouvre les racines au milieu des cendres de l’encens consumé il y a un instant entre les plis du drap que la main du plaisir a froissé dans la neige que balaie le vent dans la poussière du chemin après la course des enfants sur les feuilles qu’un souffle disperse aussitôt sur ce halo de buée au centre du carreau dans l’argile que pétrissent ensuite les doigts rapides de l’artiste
Écrire pour être le témoin de son propre effacement Écrire pour dire la disparition de cette trace puisque personne ne s’en souviendra Éprouver ce qui se murmure dans le cœur des moines tibétains qui éparpillent au loin d’une simple foulée leurs mandalas qu’ils ont constellés heure après heure de coquillages de perles de pétales et de couleurs
Écrire pour redonner tout le silence à l’univers tout l’univers au silence qui a toujours été là bien avant le mouvement de nos lèvres
Il n’y a pas longtemps, une amie, passionnée d’écriture comme moi, à laquelle je raconte que j’ai conservé la vieille machine à écrire de mon adolescence, me suggère :
– Essaie de réécrire avec !
Résignée, j’objecte :
– Mais le ruban est sec !
– Essaie ! On ne sait jamais ! Fais défiler le ruban en tapant comme avant… Si cela se trouve, il y a peut-être quelque part une zone d’encre encore active qui te permettra d’imprimer quelques mots, quelques phrases…
Faire défiler le ruban… Remonter le temps, quand il était neuf… Retrouver mon écriture fertile… Et me voici partie en quête du cœur de l’encre vive…
J’enroule une feuille de papier blanc. Le rouleau noir grince et le papier crisse lorsque tous les deux se rencontrent, comme au cœur de mon adolescence. Au moment où je glisse la feuille dans la machine, il me semble que le temps ne s’est pas écoulé et qu’il a gardé pour moi son encre ancienne. J’approche ma chaise et je retrouve la même posture qu’il y a trente ans, penchée de curiosité sur ce qui s’apprête à apparaître, l’index appuyant sur chaque touche, lentement… Je n’ai rien oublié de ma pose. J’ai conservé intacte la même envie d’écriture qu’imprime chaque mouvement dans ma main – une pulsion, une pulsation, une force instinctive… Et, lorsque j’actionne les touches qui se lèvent et frappent le papier dans un claquement strident, mon cœur bat plus vite.
Qu’est-ce que le temps, sinon un ruban que l’on peut faire défiler dans une attentive et lente rétrospective ? Il me semble que je tape au rythme de mon sang, que j’entre dans cette artère de lumière qu’est la page pour retrouver la source de l’Écriture elle-même, celle à partir de laquelle mon envie d’exister a commencé. À cet instant, je ne suis poussée que par un seul désir : celui de ranimer le cœur de l’encre, de refaire circuler le sang de l’écriture. Tout mon corps me fait signe qu’il est en accord avec le pouvoir de mon intention. Un pied devant l’autre comme si je me mettais en route. Ma main gauche mobilise la touche Espace, tandis que ma main droite actionne les lettres. Mes bras accompagnent de leur rythme cette traversée de la page. Le chariot avance. Je ne souhaite pas taper un texte cohérent. Je sollicite n’importe quelle touche au hasard. Les lettres se succèdent en désordre. Leur scansion qui heurte la feuille est le seul souffle, le seul rythme auxquels je me fie. Le papier défile. Le ruban se dévide. Mon écriture n’est qu’une longue phrase improvisée, sans aucun sens, un chemin invisible que je trace au fur et à mesure de mon exploration dans la neige d’un paysage inconnu. Finalement, où suis-je ? Où en suis-je ? Suis-je la même que lorsque j’étais cette frêle jeune fille ? À mesurer ma fermeté enthousiaste, mon espoir de trouver une destination, mon besoin d’atteindre ma destinée dans l’écriture, je le crois.
Cependant, face à cette nostalgie que j’éprouve devant ce ruban qui tremble – parce qu’il n’est plus assez tendu, plus assez alerte -, je prends conscience que beaucoup de temps a passé. La sonnerie tinte au bout de la ligne : mise en garde que j’outrepasse les limites, que les mots risquent de déborder en dehors du cadre du papier, bien que ma phrase infinie se poursuive dans le vide.
Retour à la ligne.
Le papier se déroule sans rien révéler apparemment de ce que j’attends.
Est-il encore si loin, ce centre névralgique, d’où l’encre peut jaillir, aussi nette que jadis ?
Et, tandis que j’arrive à la deuxième moitié du rectangle, ma mémoire inscrit dans cet espace de silence mes tout premiers instants d’écriture. Elle me murmure :
– Certes, tu te souviens de ces jours pluvieux où tu as écrit pour la dernière fois sur cette machine ! Tu regrettes ce point final que tu as posé sans le savoir ! Mais, revois les longues heures d’écriture…
Revois les textes de tes quatorze ans auxquels tu as donné naissance, là-bas, à l’ombre de ce marronnier, sous lequel tu t’étais assise avec ta machine, au cœur de cet après-midi d’août. Les feuilles du marronnier projetaient leur ombre grise sur tes paragraphes et tes strophes qui prenaient forme. Relis ces titres : La Lampe à pétrole ; Le Bateau abandonné ; Rencontre avec l’Amie. Tu te souviens de cet excipit ? Si douce est la lueur de ton âme ? C’est grâce à cette machine à écrire que tu as remporté ce concours d’adolescente ! Toi qui croyais que l’on ne te voyait pas, revois la brindille qui tombe entre deux touches et que tu disperses de ton souffle, avant de suivre le cours de ton inspiration ! Ne suis-je pas, moi aussi, ta machine à écrire ?
Tandis que je me surprends à sourire, la feuille glisse tout entière de l’autre côté. Puis elle se détache du rouleau, naturellement. Feuille virginale. Je suis arrivée au bout du ruban. Sans apercevoir le moindre signe.
Bien sûr, je soupire, me résigne… Ce ruban est à jamais aride. Il n’y a plus qu’à l’ôter du chariot et à le jeter. Faire le deuil des regrets, de ce que j’ai bien ou mal écrit ou de ce que j’aurais pu écrire.
Mais, alors que je m’apprête à poser cette page vierge sur la pile, je me penche, mue par une sorte de réflexe, de souhait de vérification instinctif.
Et, que vois-je au centre de la page ?
Un frêle point noir, où se confondent tous les mots que j’ai enfantés avec ceux que j’enfanterai encore, jusqu’au point ultime de ma vie…
Un point minuscule, imprimé par un tout petit peu d’encre qui a résisté, subsisté malgré toutes ces années, sur ce ruban desséché.
Un point petit comme un grain de moutarde, à partir duquel je peux continuer à écrire. Telle est ma foi en la vie.
En effet, même si je me retourne pour constater que tout, inexorablement, s’efface, et même si j’avance toujours vers le blanc, tout reste à vivre et, par conséquent, à écrire.
Il me suffit d’insérer entre le papier et le clavier, les mots et moi,
Je l’avais laissée dans un coin de ma mémoire… Non pas oubliée, car sa présence s’était profondément imprimée dans mes souvenirs, mais je me demandais avec un certain détachement ce qu’elle était devenue. Sans doute avait-elle été vendue…
Et c’est par un après-midi pluvieux de dimanche comme celui-ci qu’elle m’a été rendue. Maman, au moment de tomber gravement malade, avait eu la prémonition de me la redonner, avant que la bourrasque de l’organisme des tutelles ne vide toute sa maison, balayant avec la même technique expéditive mes affaires personnelles.
Un peu désemparée à la vue de la housse blanche, je me suis dit :
– Que vais-je bien pouvoir en faire ?
Après tout, ce temps était révolu et ma psy m’avait sermonnée devant mon désir irrésistible de revenir sur les traces du passé :
– Vous voulez écrire complètement votre avenir ? Alors, n’apportez pas dans votre présent des énergies anciennes !
Je l’ai donc rangée dans la partie la plus inaccessible de ma bibliothèque, où il me faut péniblement me baisser, afin de trouver le titre que je cherche.
Pourtant, après le décès de Maman, j’avais besoin d’espace pour ranger les livres qui avaient séjourné sur ma table de chevet pendant toute la traversée de mon deuil. Je me suis alors sentie obligée de la sortir et de la déposer au centre de ma table, près de la fenêtre. Étant habituée depuis de longues années à l’ordinateur, j’ai pensé :
– Allons ! Elle me servira d’objet décoratif !
Quand j’ai ôté sa housse blanche au soleil, j’ai été éblouie par son éclair de jais.
Les unités de mesure, le clavier, le chariot, les touches, les lettres dorées de sa marque étincelaient comme autrefois, lorsque j’étais penchée sur elle, du haut de mon adolescence :
Ma machine à écrire Royal. La machine à écrire mes rêves d’écriture.
Je l’ai longtemps regardée.
Quand le chariot s’était-il arrêté de manière ultime ? Sur quel mot ? Quel instant ? Quel signe ?
J’essaie de remonter le temps :
C’était un été particulièrement pluvieux. Celui de mes dix-sept ans. J’étais seule à la maison pour quelques jours, car mes parents étaient partis réparer un dégât des eaux dans leur studio de vacances. Comme j’avais peur de l’océan du silence qui envahissait cette grande maison, je m’étais réfugiée dans la cuisine, mon île éclairée par la lampe puissante du plafond. Attablée devant ma machine à écrire dont les pieds avaient laissé des marques durables sur la nappe à carreaux rouges, rivée à elle comme par une corde invisible, j’ai entrepris d’écrire, jour et nuit, un recueil de poèmes. Tout absorbée par la frappe des touches sur le papier, cette scansion qui donnait un rythme à chacun de mes vers, je n’entendais plus le tambour de la pluie sur les vitres. J’étais satisfaite du sentier de mon poème que je traçais au fur-et-à-mesure que j’avançais, jusqu’à ce que surgisse l’ornière d’une faute de frappe ou de langue. Alors, pleine de rage contre moi-même, j’arrachais la page et je recommençais. Rebrousser chemin… Réécrire après une relecture fiévreuse… Que de feuillets pour une simple strophe ! Malgré ma hâte d’en avoir terminé, faire preuve de patience. Me soumettre à la petite sonnerie qui me signalait que je franchissais la marge :
Retour à la ligne.
Puis est venue l’heure où tous ces poèmes ont eu l’heur de me plaire. Je les ai rangés dans un porte-document vert. J’ignore aujourd’hui si j’ai gardé trace de ces textes. Même si leur écriture a occupé ma vie avec une telle obsession que je mangeais et dormais à côté de la machine, je ne me souviens plus d’un seul vers, d’un seul titre. Comme si je ne les avais jamais écrits. En vérité, je crois que c’était davantage la machine à écrire qui me tenait compagnie que la poésie en elle-même.
Quand mes parents sont rentrés, j’ai montré fièrement à ma mère mon recueil. Elle l’a feuilleté, sans le lire vraiment, puis elle m’a dit :
– C’est pas mal ! Mais peut-être que tu aurais dû davantage centrer !
Je n’ai rien ajouté. Rien modifié. Les poèmes existaient. Et c’était tout. J’avais rempli mon temps.
Je crois que c’est là que j’ai posé le point final, depuis cette machine à écrire Royal.
Ecrivaine, poétesse, biographe, veilleuse et éveilleuse de Vie !
C’est parce que Géraldine Andrée était effacée qu’elle a commencé à écrire. Elle sentait qu’elle avait des choses à dire, mais qui les écoutait ? En grandissant, elle a trouvé une amie dans son journal intime : Miss Blue. Dans le silence de la page, elle se sentait entendue. Dans la blancheur du papier, elle était certaine d’être soutenue. Elle laissait une trace. Donc, elle existait. Il était évident qu’elle avait trouvé sa place.
L’écriture a toujours habité sa vie, comme elle a toujours habité l’écriture. Elle en a fait un espace-temps intime et sacré qui fait partie de son quotidien. Au fil des jours, elle a affiné sa pratique et peu à peu, celle-ci lui a prodigué des outils de guérison, pour elle-même, déjà, et pour autrui. Elle a en effet mis ses mots au service de l’accouchement des âmes dans des livres pour autrui, en devenant écrivaine et biographe familiale. Puis, des études en art thérapie lui ont permis de développer des ressources spécifiques d’écriture guidant tous ceux qui viennent à elle vers la résilience.
En précommande en ebook dans toutes les librairies ! Parution le 18 avril 2025
Mon livre Guérir avec mon cahier ou La pratique du journal de guérison va paraître aux éditions Librinova. Format e-book disponible à la précommande, disponible dans toutes les librairies (Amazon, Fnac, Decitre, Kobo…) à partir du 18 avril 2025. Je vous préviendrai. Version papier disponible ultérieurement. 5 longues années d’écriture qui a démarré pendant le confinement, à savoir, une session d’écriture par semaine. Et cela donne un beau bébé de 171 kilos… euh, non… 171 pages, pardon.
Une page sera créée prochainement pour fêter l’arrivée de cet enfant.
Pas après pas, jour après jour, mot après mot, page après page…