Récemment, une amie m’a dit :
– Je confie tous mes problèmes à mon cahier ! Oh ! Ce n’est pas grand-chose ! Ce n’est rien qu’un cahier…
Rien qu’un cahier…
Comme je te comprends !
Un cahier qui prouve, finalement, que tu n’as pas d’interlocuteur fiable, d’ami fidèle et compréhensif, de confident loyal. Tu n’as personne à qui parler. Alors, tu écris dans ton cahier.
Mais ce cahier est Tout, en vérité.
Je ne disserterai pas ici sur le fait que les vrais amis sont très rares… Quant à la famille, elle est susceptible, elle aussi, de te trahir ou, tout simplement, de ne pas être à la hauteur de l’idéal que tu te fais d’elle.
Alors, crois-moi, tu peux compter sur la présence de ton cahier :
- Il représente ton espace intérieur, protecteur et sacré. Ses marges symbolisent tes limites – ce seuil interdit aux intrusions du monde.
- Il te guide vers toi-même. Et ses lignes sur lesquelles s’inscrivent tes mots comme autant de pas sont de multiples chemins possibles vers ta terre promise.
- Il est cette île de silence, loin de la cacophonie extérieure, où tu peux enfin te mettre à l’écoute de ta propre voix : Aujourd’hui, j’ai vraiment besoin de repos…
- Il te relie à ton authenticité. Comment ? Par le frêle fil de l’encre qui se dévide entre ta feuille et toi.
- Il te place face à cette évidence : comment peux-tu espérer de la sincérité envers les autres si tu n’es pas d’abord sincère envers toi ? Le cahier, comme tout miroir, ne ment pas.
- Il te permet de définir ce que tu ressens dans l’unique instant présent, de cerner précisément ce sentiment passager qui, certes, ne te définit pas éternellement mais qui t’invite à mieux te comprendre et à t’accepter dans ton éphémère vulnérabilité : Aujourd’hui, je me sens fatigué, stressé, anxieux… Nul besoin de remédier à la situation ! Le seul fait de le noter te délivre déjà des ruminations mentales.
- Il te montre ta place, TOUTE TA PLACE, c’est-à-dire comment t’affirmer par ta seule présence, en écrivant que tu comptes aux yeux de la personne la plus importante : TOI.
- Il est le recours le plus rapide lorsque la toxicité te submerge, une méditation qui s’accommode du mouvement, voire de la trépidation. Une peur resserre son étau autour de ton cœur alors que tu voyages en seconde classe, de Paris à Strasbourg ? Parle à ton ami en papier de cette peur. Puis, lorsque cet ami te la présentera telle qu’elle est, dialogue avec elle : Ma peur, je sais que tu es bienveillante pour moi car tu veux me protéger de la situation X, de la personne Z…
- L’espace de ton cahier est du temps qui t’appartient au milieu des obligations. Au moins, dans ma journée, j’ai eu vingt minutes à moi, rien qu’à moi, avec Lui à la page si douce… Que cette parenthèse d’écriture ressemble à de brèves retrouvailles avec un amant clandestin ne me choque pas, je t’assure…
- Dans cet espace, tu prends le temps de t’arrêter, de respirer, de faire littéralement une mise au point. D’ailleurs, les virgules et les points sont faits pour ça : REPRENDRE TON SOUFFLE. Alors, l’émotion indicible s’apaise. Déposée sur la page satinée, entre deux fleurs bien dessinées, parmi d’autres feuillets eux aussi en fleur, elle perd de son emprise et s’adoucit au contact de la tendresse du papier. Maintenant qu’elle est là, elle n’est plus le diablotin qui risque à tout moment de te sauter à la gorge. C’est une enfant que ton écriture berce pour qu’elle s’apaise encore.
Voilà. Même si tu ne peux converser avec le monde, TU EXISTES.
Tel un oiseau, tu donnes ta puissance à ta plume et tu prends toute ton expansion rien que dans un cahier, que tu peux nommer Recueil de ma vie car il est l’ami qui se recueille sur tout ce que tu lui confies.
Géraldine Andrée
