Elle a rêvé d’une grande
page blanche
sur laquelle le jardin
de son enfance
jadis vendu
puis détruit
lui était rendu
dessiné
par sa main
de petite fille
Voici le chemin
qui sautille
dans un rayon
de soleil
roux
de brindille
en caillou
les feuilles
de frêne
repliées
pour que s’y faufile
le souffle
de ses lèvres
et dans la prunelle
d’une lettre ronde
l’œil du chat
qui cligne
Et elle se demande
si ce n’est pas elle
qui s’est effacée
pendant toutes
ces années
car elle voit là-bas
près du mur
qui sépare le jardin
du monde
le pommier lui tendre
des pommes
bien mûres
bien blondes
bien charnues
comme
en ces matins
de septembre
quand elle en cueillait une
avant de se rendre
à l’école
Pressée par le temps
elle a dissipé cette vision
elle s’est habillée
puis elle est sortie
dans les rumeurs
et les lumières
convulsives
de la ville
À midi
elle n’avait même
plus souvenance
d’avoir rêvé du jardin
de son enfance
dans la nuit
Ce n’est que le soir
une fois assise
sous le rayon roux
de la lampe
que le rêve lui est revenu
sur la taie blanche
de son regard
retenu
immobile
par un point
invisible
dans l’ombre
de sa chambre
Il y a là-bas
le chemin
du jardin
de jadis
qui glisse
de caillou
en brindille
et qui la mène
à une feuille
qu’elle déplie
pour que les mots
rejoignent
ses lèvres
Le jardin
lui est rendu
dans un poème
qu’elle écrit
avec une encre
qui brille
pour ses yeux
de petite fille
cachée
par malice
et sous lequel
elle signe
en lettres cursives
le prénom
Géraldine
Géraldine Andrée




