Tu peux lire des poèmes
n’importe quand
et, surtout,
entre deux nuages.

Tu peux lire des poèmes
n’importe quand
et, surtout,
entre deux nuages.

Je t’ai cherché longtemps
dans la nuit de ma mémoire.
Et je me suis retrouvée,
éclairée par la lampe du soir.
Une évidence désormais
m’apparaît nettement :
le souvenir de ton visage
est mon miroir.
Géraldine
– Comment as-tu su que c’était ton dernier poème ?
– J’ai fait perler le point
ultime
comme une goutte
de pluie
pour que le blanc
qui suit
s’écoute
longtemps
dans la nuit.
Géraldine
Pour me consoler
du chat en allé
qui erre seul
sans doute
dans la nuit
d’août
j’ouvre
un recueil
de poésie
et un poème
s’avance
à ma rencontre
à pas
de velours
à pattes
de silence
L’amour
me renvoie
avec la douceur
de sa force
ce qui m’échappe
sous une autre
forme
qui ressemble
finalement
à ce que j’ai tant désiré
garder
comme
par exemple
cette feuille
attachée
à un ouvrage
entier
et par laquelle
chaque mot
me regarde
avec sa prunelle
de chat
fidèle
Géraldine
Dans mon armoire il y a
Une libellule
Un bouquet de campanules
Un rayon de lune
Une corbeille pleine
de prunes
qui me viennent
de l’ancien jardin
Le fou rire de la cascade
Le souffle de la promenade
Un baiser dans le cou
Un écureuil
cet éclair roux
qui s’échappe
de mon rêve
pour bondir
dans le feuillage
voisin
Les vagues
qui enjambent
la grève
et une algue
qui s’enroule
autour
de mon dessin
Cette armoire
n’est pas lourde
du tout
Elle est même
si légère
que je l’emporte
de poème
en poème
C’est mon seul bien
celui qui me donne
la certitude
des lendemains
Tu peux y ranger
toi aussi
des regards
des sourires
des étoiles
des rivages
des chemins
qui serpentent
tes paysages
d’enfance
des notes
et des odeurs
que tu aimes
car sa profondeur
est infinie
comme la claire nuit
de ce mois d’août
que nous avions contemplée
ensemble
et qui nous attend
si tu ouvres
maintenant
les portes
d’ébène
de ta mémoire
Géraldine
Je rêve que la maison de mon enfance
revient vers moi,
puisque je ne peux revenir
vers elle ;
qu’elle m’habite pleinement ;
qu’elle occupe tout mon espace intérieur :
dans mes yeux,
la véranda qui donne sur le jardin ;
sous le carmin de mes joues,
la cuisine à carreaux rouges ;
dans ma poitrine,
le placard bien clos des secrets ;
au creux de mes reins,
le salon, sa table ronde et son piano profond ;
dans mon nombril,
le boudoir où Anne cachette ses lettres ;
dans ma gorge,
le murmure de la baignoire pour le père le dimanche matin ;
au bord de mes lèvres,
le rebord de la petite fenêtre sur laquelle se posent les moineaux ;
dans ma mémoire,
l’armoire aux mille poupées qui me regardent ;
dans mes cheveux,
la bibliothèque de contes qui se lisent la nuit ;
sur mon front,
la chambre du haut où j’écris de la poésie ;
et sur mon cœur, devinez qui est assis ?
le silence, ce chat tout gris,
qui respire doucement,
en attendant que la main de l’aïeule
redevenue enfant
ouvre
la porte du fond
sur le seuil du temps.
Géraldine Andrée
Je me souviens
des après-midi d’août
de mon enfance…
Les volets vénitiens ;
les crayons de couleur ;
la feuille Canson blanche…
Je suis cette petite fille
en short
et débardeur
qui dessine
une maison
imaginaire
dans un pays
de lumière.
Ma mère
prépare
une tarte
à la mirabelle.
Je revois,
comme si c’était hier,
ses mains
claires
pétrir
la pâte
dans un geste
à la fois
rapide
et adroit,
tandis que quelques
grains
de farine
s’échappent
de ses doigts,
pour courir
dans le ciel
de mon dessin
que je m’applique
à rendre
réel…
Géraldine
Ce qu’il me faut
pour être heureuse ?
Un cahier
et un jardin,
feuille
à fleur
de feuilles.
Géraldine