Ma tante, qui souffrait de la maladie de l’oubli, est décédée.
Ma tante, présente bien qu’absente ou absente dans sa présence, est décédée l’avant-veille de la fameuse victoire de la Coupe du Monde.
Je n’ai jamais aimé ces manifestations de liesse populaire mais là, vivre un deuil quand on entend à l’extérieur les klaxons, les pétards, les vociférations fut pour moi une expérience saisissante de par son contraste indécent.
Ma tante, emmurée pendant près de trois années, a pris son envol.
Ce n’est pas triste quand on croit en la vie de l’âme car la mort, c’est la Vie.
J’aime penser que là où elle est, elle a retrouvé cette mémoire des jours mystérieusement confisquée.
J’avais commencé à écrire un recueil de textes sur l’expérience de la maladie d’Alzheimer intitulé Où es-tu partie ?
Puis j’ai abandonné. Plus le courage. Plus la force. Plus la lucidité peut-être. La volonté d’oublier pour moi aussi.
Paralysée également par ce fameux « à quoi bon, ça n’intéresse personne et ça fait peur, de toute façon, ce genre de situation… »
Oui, tout fait peur dans notre société, surtout ce qui suscite une réflexion profonde sur la faiblesse, la maladie, la mort. Seul le superficiel avec ses feux éphémères rassure.
Alors, ce soir, alors qu’un beau crépuscule rose éclate au-dessus de la ville qui a retrouvé sa tranquillité, la décision est prise. Je vais continuer et achever ce recueil puis le publier,
sans doute pour trouver une réponse possible parmi une myriade d’hypothèses à cette énigmatique question :
Où étais-tu partie, avant que de nous quitter ?
Géraldine Andrée