La Vie se souvient de Vous !
Beaucoup veulent écrire leurs mémoires car ils ont peur de l’effacement : effacement de leur vie, de leur être, de ce qu’ils ont ressenti, pensé, aimé…
S’il ne subsiste pas de trace de notre passage sur cette terre, qui se souviendra de nous ?
Parfois, on éprouve l’urgence d’écrire ses mémoires car on pressent qu’on est au seuil de l’oubli, que l’amnésie guette – « Oh ! Encore épisodiquement ! Mais il faut être lucide ! » me dit-on. Pour certains, un diagnostic de la maladie d’Alzheimer a été établi. Je reviendrai, très prochainement, sur ce sujet, dans un billet spécifique.
D’autres sont tellement hantés par la peur de perdre la mémoire en entamant le grand projet d’écrire le livre de leur vie, qu’ils craignent de ne pas se souvenir de tout ou d’évoquer un déroulement inexact des événements.
- Tout d’abord, je tiens à vous dire que la mémoire est sélective parce qu’elle est subjective. En effet, la manière avec laquelle vous raconterez le mariage de votre cousine sera très différente de la manière de raconter de votre sœur, par exemple. Et pourquoi vos récits ne seront-ils pas les mêmes ? Parce que c’est votre sensibilité qui vous oriente vers certains détails, et pas d’autres. Ainsi, vous aurez retenu la trace du rouge à lèvres de la mariée sur votre joue, l’œillet à son corsage alors que votre sœur parlera plus volontiers de l’atmosphère générale de la fête. C’est pourquoi aucune biographie ne se ressemble – y compris si plusieurs membres de la même famille initient l’écriture du livre – car chaque livre est le reflet d’une âme. Dans une biographie polyphonique, chaque chapitre fera résonner l’écho d’une voix singulière.
- Si votre mémoire commence à faire défaut, je peux vous aider dans cette reconquête en vous demandant de chercher des indices concernant les périodes lacunaires. C’est ainsi que je travaille sur les journaux intimes, les articles de journaux, les lettres, les brouillons… Je peux également vous orienter vers un indice sensoriel : un parfum, une couleur, un tissu, un morceau de musique… Une vieille dame a vécu de véritables retrouvailles avec la petite fille qu’elle était, grâce à son nounours qu’elle a sorti d’une malle. Les oreilles déchirées de ce dernier lui ont rappelé le chat tigré qui malmenait le jouet dans l’herbe haute entourant la maison…
- En cas de défaillance mnésique, il faut, bien sûr, abandonner l’idée d’une biographie traditionnelle – c’est-à-dire trop rigide, avec une chronologie stricte. Si la trame chronologique est tout à fait possible lors d’événements dont vous vous souvenez parfaitement, la construction thématique intervient en cas de blancs, de silences – les deux s’entremêlant. De même, une biographie uniquement thématique est tout à fait possible. Nous pouvons travailler sur des motifs pour lesquels nous élaborerons des fiches qui vous permettront de faire la liste des points biographiques que vous souhaitez aborder. Par exemple : LE JARDIN : la fontaine – l’arrosage des dahlias – comment je dansais, en été, dans le jet d’eau du tuyau d’arrosage… Comme vous le voyez, la thématique de l’enfance dans le jardin est abordée sous le motif de l’eau. Peuvent s’ensuivre ceux des parfums, des sons, des lumières, des dimanches, des réunions familiales ou amicales, du savoir-faire du jardinier, des semis et des récoltes… La liste est extensible !
- Quand on aborde l’écriture d’une biographie, il est important de faire confiance à cette mémoire qui puise sa richesse dans l’immense réservoir de l’inconscient. Vous serez alors étonné comment la vie répond à votre désir, en mettant sur le chemin de vos souvenirs des synchronicités. Comme par hasard, vous retrouvez le billet de cet ancien concert auquel vous êtes allé avec votre amoureux, l’extrait d’acte de naissance de cet oncle énigmatique, la photographie de la maison de vacances depuis longtemps vendue… La vie vous soutient dans le processus mnésique, en vous apportant des éléments qui, telles des lueurs providentielles, vous éclaireront dans votre voyage temporel. Et vous vous surprendrez à sourire : « Tiens ! Cela me revient ! J’entends encore, cet après-midi-là, le bruit des bouteilles de bière que Grand-Père décapsule tandis qu’il regarde le tiercé à la télévision avec ses copains. »
Aussi, ne craignez pas de ne pas vous souvenir de votre vie.
Car la Vie, elle, se souvient de Vous ! En tant que biographe, j’en suis témoin !
Géraldine Andrée